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Il faut que je vous raconte…

C'est à peu près la phrase qui m'a traversé l'esprit à la fin du concert de Narcisse, il y a maintenant un peu plus d'une semaine.

Vous ne le connaissez pas? Pas étonnant, puisqu'il débute en tant que chanteur. Mais ne me méprenez pas, il n'est pas tombé de la dernière pluie côté musique ou paroles, puisqu'il écrit depuis de nombreuses années pour d'autres, pour des publicités ou pour des films.

photo_Narcisse
Lecteur de cuk.ch, voici Narcisse...

Les paroles sont d'ailleurs le centre de son œuvre.

Ses textes viennent d'expériences de la vie quotidienne, ou encore de pratiques qui l'ont choqué. Mais plutôt que de lister les sujets de ses chansons, voici une petite anecdote, qu'il raconte durant ses concerts.

"J'avais décidé d'écrire une chanson pour me présenter. Et pour expliquer pourquoi je chante et les sujets qui sont la source de mes chansons. J'ai donc pris une feuille de papier, sur laquelle j'ai écrit: "Ce que je veux chanter". Et je n'ai pas trouvé grand-chose à écrire. J'ai alors fait deux colonnes sur ma feuille: Une pour ce que je voulais chanter, et une seconde pour y écrire ce dont je ne voulais vraiment pas parler. Et cette deuxième colonne s'est remplie nettement plus rapidement".

De cette seconde colonne, il a fait une chanson donc voici un extrait.

Je vais chanter l’amour l’amour de mon pays
Paysage enchanté terre de paradis
Je vais ressusciter ce cantique magique
Qu’ils nous ont appris hier prière patriotique

« Ô ma patrie chérie où l’air est si limpide
où la neige est si blanche où l’eau est si liquide
Merci Petit Jésus vive l’hymne national »
À l’encenser comme ça je sens que je vais faire mal

....

Je vais chanter l’amour l’amour des demoiselles
Leur souffler à chacune qu’aucune n’est si belle
Je voudrais qu’à entendre tant de tendres émois
Il aille de soi qu’elles m’aiment même qu’elles soient folles de moi

« J’aime toutes les filles, les belles et les ratées
Les matrones à dentelles les baronnes édentées
Vous êtes toutes en mon cœur, vous m’êtes toutes égales »
À les aimer comme ça, j’espère que je vais faire mal

(Dans Chanson d'amour)

Les textes de Narcisse ne sont toutefois pas tous imprégnés d'ironie comme celui-ci.

Il aborde également des sujets plus graves avec, par exemple, la chanson Anaïs. Le chanteur pince le spectateur directement au cœur, racontant l'application d'un homme à choisir la pierre qui lapidera sa propre fille.

Remarquable quelle que soit la chanson, l'apparente simplicité et la précision des textes ne laissent qu'une conclusion au spectateur: l'histoire n'aurait pas pu être contée autrement. Narcisse partage avec nous son récit, et les mots sont si bien choisis que l'on s'imagine immédiatement les protagonistes de la chanson, ou la situation décrite.

Qui n'a jamais entendu parler les pseudos-magnats de la finance en ayant un sourire en coin tant les termes "techniques", tous traduisibles pourtant, sont systématiquement prononcés dans leur version anglaise? Narcisse les piège en imaginant leur vie quotidienne noyée sous les anglicismes.

…je cite :
« Nous vous proposons une structured finance
  dans les domaines leveraged buyout et advisory
  sur les conseils de loan book managers compétents »

Les publicitaires ayant vent du truc
Jugèrent cette tactique chic

Dire « papa » pour « daddy »
Ils n’osent plus
Dès qu’ils ont la phobie
Des mots démodés
Dire « daddy » pour « papa »
C’est le dada
Des dadais qui n’ont pas
De pensée à passer

(dans Langue en toc)

Au cours du concert, volontairement intimiste, Narcisse nous fait partager non seulement ses anecdotes et ses chansons, mais aussi son chez lui, via de petits films qui invitent les spectateurs dans le studio (entre autres) du musicien.

On y voit un mellotron, instrument que Narcisse affectionne particulièrement. Il en avait parlé, d'ailleurs, sur votre site préféré (comment ça, lequel ?!), dans un article que vous pouvez lire ici. (et, du même coup, connaître le vrai nom de l'artiste).

Puisque nous sommes maintenant sur le terrain musical, parlons des ambiances sonores de Narcisse. Très différentes de celles qui correspondent aux chanteurs à textes actuels, elles respirent les années 70, période de prédilection de l'artiste, avec toutefois quelques touches d'électronique ici et là.

Orientée pop-rock, la musique est jouée par ce que l'on peut appeler le groupe de base: batterie, basse, guitare électrique et clavier. Les chansons sont, pour la plupart, rythmées et entraînantes. Les morceaux plus lents sont légers, aériens. Ils planent dans la salle, accentuant encore l'importance du texte lorsque l'on assiste au spectacle. Dilemme conte, sur une musique douce et apaisante, l'historie d'amour "moins simple que chez Walt Disney, mais une histoire d'amour quand même", d’un homme torturé par un amour partagé : « tu m’aimes je t’aime je l’aime… dilemme ».

En concert, Narcisse, tout comme ses musiciens, aime ce qu'il fait et ça se voit. Les regards, les sourires s'échangent entre les musiciens et le chanteur, et entre les spectateurs. On ne peut s'empêcher de sourire, le public ne peut que passer un excellent moment en leur compagnie.

Narcisse et ses musiciens ont plusieurs dates prévues en Suisse romande ces prochains mois, dont une ce vendredi (oui, juste celui-là!), au café-théâtre Les Citrons-Masqués, à Yverdon.

Pour plus de dates, visitez directement le site de l'artiste, qui est un vrai régal pour les yeux, comme pour les oreilles. Vous y trouverez plein d'informations sur Narcisse, ainsi qu'une galerie de photos du concert auquel j'ai assisté, et un extrait de la chanson Anaïs.

Ne manquez pas une occasion de découvrir un artiste hors du commun, et de passer une excellente soirée!

3 commentaires
1)
Okazou
, le 21.09.2004 à 02:20

Jolie critique, Sébastien.

Des mots qui donnent envie, qui attisent la curiosité. Tout ce qu’il faudrait pouvoir lire lorsqu’un nouveau chanteur nous arrive.

Maintenant, je ne sais pas si vous avez encore sur les chaînes de télé suisses des émissions de variétés, chez nous, je ne vois pas où Narcisse pourra nous montrer son talent, à part la Star ac’, le Mac Do de la la chanson, il ne reste plus rien.

Sur les radios libres (les vraies, les associatives) peut-être…

Attendons et voyons.

2)
Franck_Pastor
, le 21.09.2004 à 08:28

Le service public radio en France (France Inter, par ex.) et en Belgique (RTBF) ne joue pas trop mal son rôle, je trouve. En tous cas, sans lui je n’aurais jamais pu apprécier Thomas Fersen ou Bénabar. Je n’ai pas la télé, mais j’imagine qu’ils ne doivent pas y passer beaucoup…

3)
dpesch
, le 21.09.2004 à 10:31

Narcisse aurait-il une parenté avec un certain autodidacte, suisse et grand batteur de jazz ?
:-)