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Ceci n’est pas un publi-reportage…
Je le sais, d'expérience : il ne suffit pas d'apprécier pour trouver les bons mots. Peut-être même qu'on parle plus facilement de ce qu'on n'a pas aimé, la critique étant souvent plus aisée que l'éloge.

Remarquez, mon but n'est pas de couvrir de compliments le premier opus de Pierre Crevoisier : j'aimerais bien davantage être capable de partager avec vous le tourbillon d'émotions qui a été le mien durant ma lecture et de vous donner envie de le découvrir à votre tour.

Ouvert d'abord parce que "le Cre" (surnom que lui donne Diego avec une certaine tendresse depuis leurs traversées de l'Atlantique à la voile) est une de mes connaissances, son livre m'a littéralement happée dès la septième page : je n'aurais jamais rédigé une critique par politesse !

L'éditeur qualifie ce premier opus de "roman psychologique" : ne vous laissez pas retenir par cette description, elle est réductrice, les 171 pages sont bien davantage.

L'auteur, lui, a choisi pour titre "Elle portait un MANTEAU ROUGE" : pourquoi ces deux mots en majuscules, je ne saurais dire avec précision mais l'essentiel est ailleurs je crois.

Cet essentiel, c'est cette écriture forte, dense, soucieuse de la précision, rythmée comme une respiration, parfois lente et profonde, parfois saccadée comme un sanglot, plusieurs fois coupée par une douleur aigüe...

Au fil des pages, on découvre quatre personnages principaux, dont les vies vont s'ébaucher, se construire en parallèle, dont les destins vont se mêler, avec un éclairage parfois cru mais jamais gratuit. Le talent de Pierre est tel qu'il a su trouver les mots, simples et "efficaces" parce que sans pathos inutile, pour restituer la violence conjugale et la souffrance des enfants notamment : pour moi, ces scènes étaient à la limite du tolérable parce qu'elles sont celles que j'ai entendues maintes fois, dans le cadre de mon boulot et de mes formations, de la bouche de victimes, lues dans les rapports de police : "Le père eut un sourire narquois devant l'impuissance de la proie qu'il tenait à bonne distance pour en éviter les coups, sortit à pas mesurés de la cuisine, ouvrit la porte-fenêtre de son autre main libre, s'avança jusqu'au parapet et tint ainsi le corps minuscule de son fils suspendu au-dessus du vide"...

Il y a Agata, l'enfant cloitrée en elle-même, il y a Anna, la femme, qui gardera des hommes qui croiseront sa route et sa vie une "voiture", "Mahler" et le "tennis", qui refusera le dernier don d'un homme qui l'aimera au-delà de la raison.

Il y a Jacques qui met le monde à distance grâce à son appareil : "Le cadrage, l'intensité des couleurs, ce regard de petite fille seule sur les ruines d'une école, survivante unique parmi huit cents enfants ensevelis sous les gravats, un univers entier présent dans sa pupille, avec une telle netteté qu'on eût dit un montage photographique, la proximité entre l'observateur en contrechamp, j'aurais reconnu entre mille l'oeil de mon frère". Finalement, il y a Vincent, le petit frère, devenu adulte à son tour.

Alors que Jacques perd pied le jour où il posera ses yeux - d'homme et non de photographe - sur un "manteau rouge", Vincent, lui, retrouve un bout de ses racines, de son enfance, au gré des pages d'un journal intime qu'il lit comme un voleur, comme un voyeur parfois, à la quête d'une réponse qu'il n'obtiendra pas : "Je m'empare du document, déchire l'enveloppe, en sors un cahier de toile cirée noire. Sur la première page intérieure, la dextre de Jacques a tracé ces mots : Journal 2007 - 2010. La première date qui figure sur les pages du carnet est le 5 mai 2007. La note commence par "Elle portait un manteau rouge...".

Sur la quatrième de couverture, vous verrez une petite photo de Pierre Crevoisier, photo que je trouve particulièrement réussie parce qu'elle est certainement la traduction imagée de ce qu'il laisse transparaître de lui-même au-travers de ses lignes : lui, "en clair", dans ce qu'il a certainement de rationnel, de réfléchi et de pondéré, et son reflet dans un miroir, en "obscur", cette facette de sa personnalité de toute évidence bien plus tourmentée, en proie à des sentiments qu'il ne maîtrise pas...

Bref, j'ai aimé ces 23 chapitres mais ne vous en dirai pas davantage : découvrir l'alternance des destins au gré des pages vous appartient maintenant. Bonne lecture !

PS: et non, je ne travaille pas pour les Editions Tarma ;-)

14 commentaires
1)
Blues
, le 23.09.2013 à 07:42

Et encore un talent de plus de Pierre que je découvre (quoique du journalisme à l’écriture il n’ait qu’un pas), je me réjouis de lire son livre. C’est aussi une connaissance (on a collaboré à plusieurs reprises lors de son aventure EPFL et juste après dans la suivante / Klaxonne).

2)
ysengrain
, le 23.09.2013 à 09:21

Merci d’avoir attiré notre attention sur cet auteur. C’est tentant.

Puisqu’on évoque la lecture, si vous êtes amateur de … comment dire …

– sensations vraiment très fortes (vraiment très fortes),

– d’apnée (rien à voir avec la plongée, mais certains passages sont si extrêmement puissants que la respiration en est coupée),

– d’évolution durable de la pensée

jetez vous sur Anima de Wajdi Mouawad. J’ai aussi lu du même auteur l’explosif Un obus dans le coeur

3)
fxc
, le 23.09.2013 à 13:04

Semaine du livre sur cuk.ch, j’aime bien, mais j’ai pas le temps c’est le mois du vin dans les grandes surface….

Merci Mâââââââââââââme.

4)
Soheil
, le 23.09.2013 à 14:03

Etrange coïncidence. Il doit y avoir dans l’air d’autres ondes que celles que reçoivent les capteurs de nos appareils.

J’ai rencontré Pierre Crevoisier en 1983 à Lausanne, au centre Martin Luther King, à l’occasion d’un jeûne de quinze jours auquel nous participions l’un et l’autre. Nous manifestions notre soutien aux jeûneurs du Jeûne pour la Vie , un mouvement international pour le désarmement nucléaire, et nous partagions tous nos repas, si j’ose appeler ainsi les litres d’eau de source qui furent notre seule alimentation durant ces deux semaines.

J’avais immédiatement apprécié ses qualités humaines, la clarté de sa pensée et celle de son discours, une langue précise toujours à la recherche du mot juste. Après le jeûne je suis retourné à mes études de chinois et je l’ai perdu de vue. De vue, mais pas d’oreille: pendant que j’étais étudiant à Pékin il était chroniqueur sur les ondes courtes de Radio Suisse Internationale, un des rares fils qui me reliaient encore à la Suisse (c’était une décennie avant le www).

Etrangement, tous ces souvenirs me sont revenus à la mémoire hier soir, trente ans après, et je ne saurais dire pourquoi je repensais plus particulièrement à Pierre Crevoisier. Si ce n’est pas de la transmission de pensée, c’est une curieuse coïncidence.

Je vais commander son livre et le lirai dans un mois (à mon retour de Chine). En tout cas j’en ai lu les premières pages sur le site de l’éditeur, et ça donne envie de lire la suite.

5)
François Cuneo
, le 23.09.2013 à 15:09

Pas facile de se montrer enthousiaste hein!:-)

On a toujours peur de passer pour des vendus, or ce n’est jamais le cas ici.

6)
Madame Poppins
, le 23.09.2013 à 15:12

Blues, l’un des traits de caractère de Pierre est, je crois (pour le peu que je le connais) d’être toujours plein de projets, donc “d’aventures” (sans jeu de mot).

Ysengrain, en rédigeant le billet, je me suis dit que le livre avait des chances de te plaire. Celui que tu conseilles est sur ma liste dans l’attente des fameux “et pour Noël, tu voudrais quoi ?” de la famille !

fxc, il y a en effet des priorités dans la vie : santé ! L’avantage avec la lecture, c’est qu’elle a moins d’effets secondaires que le vin ;-)

Soheil, il faut bien l’admettre, la coïncidence est troublante et le monde incroyablement petit, finalement ! J’espère que la suite des pages lues sera à la hauteur de tes attentes. Et dis-moi, tu as une sacrée mémoire, pour te souvenir aussi précisément de l’année (surtout que 1983, c’est pas “hier”….).

PS: ne pas manger durant 15 (!!!!!) jours, est-ce bien raisonnable ? Je crois que même si je le voulais, je n’y arriverais pas (écrit la gourmande de service !)

François, des vendus, nous ? Diego l’acheté, le bouquin ! :-) Au-delà de l’aspect “vendu”, je trouve atrocement difficile de rédiger un tel billet : dire le plaisir de la lecture sans dévoiler l’intrigue…

PS: François, je prête volontiers l’opus à Madame K si elle le souhaite.

Bonne suite de journée à toutes et tous,

7)
Caplan
, le 23.09.2013 à 18:03

Ah oui! Le Creu! Au début des années 80, il a été mon compagnon de chambre lors d’un épique voyage en Arménie et en Géorgie soviétiques. S’il lit ces lignes, il se souviendra certainement de la serviette de bain rose que je portais sur les épaules au bord du lac Sevan!

Très curieux de lire ce bouquin…

8)
Diego
, le 23.09.2013 à 18:36

Mme Poppins, tu as oublié la question !

Comment est-ce possible ?

Puzzo, sites de ce corps ;-)

9)
Madame Poppins
, le 23.09.2013 à 18:38

En lisant les commentaires du jour, je me dis une fois de plus que le monde est minuscule : Caplan et une serviette rose, ça ne s’oublie certainement pas ! Plus que pour ce linge, je t’envie pour l’Arménie : lorsque nous nous sommes retrouvés à moins de 10 km de ce pays, avec notre camping-car, j’aurais voulu traverser la montagne et aller voir… de l’autre côté ! C’est là que le virus du voyage m’est venu, aux pieds du mont Ararat !

10)
Soheil
, le 23.09.2013 à 23:49

PS: ne pas manger durant 15 (!!!!!) jours, est-ce bien raisonnable ? Je crois que même si je le voulais, je n’y arriverais pas (écrit la gourmande de service !)

Le jeûne et la gourmandise ne sont pas incompatibles. On peut pratiquer les deux assidument… mais pas en même temps évidemment (je parle d’expérience).

11)
pierreblanche
, le 24.09.2013 à 12:28

Eh bien, quelle surprise de découvrir de post de dame Poppins au sujet du #manteaurouge. Quitte à malmener le tout à l’égo, je prends. Et merci de tes mots. Ce qui me frappe, ce sont les autres échos et les petits cailloux qui ricochent à la surface du lacuk. Toi, le Chinois de là-bas, ancien compagnon de jeûne, de ce temps où nous étions jeunes. Toi Ch., compagnon de voyage soviétique, entre Moscou, Erevan et Tbilissi, toi et ta serviette rose, ton nez qui brillait même la nuit et tes PLP (private joke, prosti menia!). Toi, Soul, avec tes doigts photographiques trempés dans l’encre des jours… merci à vous! Au plaisir d’une rencontre. Ce soir à 19h, on vernit le #manteaurouge, à Lausanne, Ruchonnet 5.

12)
Madame Poppins
, le 25.09.2013 à 11:25

Merci Pierre pour ton passage : j’espère que le vernissage fut une réussite et que tu es reparti avec plein de bons souvenirs, avec l’envie de continuer cette route, ce voyage !

Bises,

13)
pierreblanche
, le 25.09.2013 à 19:38

oups… pas Soul, Blues… (pas loin, mais presque! ), l’imprimeur le plus sympa à l’est du Pecos!!!

14)
pierreblanche
, le 25.09.2013 à 21:09

Oui, dame Poppins, le vernissage fut bel et bon, un de ces moments privilégiés. Et ça donne envie de continuer, ça et le reste :)