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La plus petite république de Suisse…

Regardez cette place très ordinaire, photographiée au petit matin depuis ma chambre d’hôtel: c’est un des lieux les plus célèbres, et les plus discutés, de la démocratie helvétique. (Et ici je demande pardon aux cukiens, je n’avais pas pensé à l’éventualité d’écrire une humeur sur le sujet avant de partir, n’avais donc pas d’autre appareil que mon téléphone, et en plus j’ai tenté de photographier la place à une heure indue, avant mon premier café – jamais un très bon moment dans ma chronologie personnelle…).

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Une place très ordinaire

Il arrive un jour dans l’année, où cette place change complètement de visage, et, vue du même angle, devient ceci (vous reconnaissez les mêmes maisons dans le fond, sauf que là il est midi):

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se transforme en parlement et local de vote en plein air

L’autre jour, je suis retournée à Appenzell pour la première fois depuis longtemps. Et je me suis rendu compte que j’avais un peu oublié à quel point ce coin de la Suisse, de l’Europe, est beau.

Appenzell, cependant, si on y regarde de plus près, est davantage qu’un beau but d’excursion. C’est un symbole – paradoxal par certains aspects.

J’y suis beaucoup allée en reportage du temps où j’étais la correspondante de la Télévision romande en Suisse alémanique, je saisissais chaque occasion, car le paradoxe me fascinait.

Je me souviens du jour (il y a une vingtaine d’années) où j’avais rendez-vous au coin d’une maison, non loin de la place principale, cette place où se déroule la démocratie sous sa forme la plus originelle, pour parler de cela. Mon interlocuteur tardait à venir, et dans le calme de l’attente aux pieds d’une maison d’un autre âge, j’ai entendu le bip bip d’un ordinateur. J’ai tourné le coin pour voir: il y avait là une étable (disparue entre temps), quelques vaches, et… un Mac (SE30) sur une table de jardin, au beau milieu de l’étable, dans lequel un jeune paysan notait, probablement, le résultat de la traite. Depuis lors, on a inventé le contrôle électronique de la chose, mais à l’époque ce n’était pas encore le cas. Voir un Mac dans une étable, ouvert sur un fichier «Vaches», c’était stupéfiant.

«Je ne vais tout de même pas m’amuser à faire des additions et des multiplications, à me souvenir des particularités de chaque bête, alors qu’une machine peut faire ça mieux que moi», avait expliqué le paysan devant mon visage étonné. Il avait d’ailleurs avoué que les gens le prenaient pour un fou, et m’a dit qu’il aurait préféré, pour avoir la paix, que je ne parle pas trop de ce que je venais de voir.

Dans un lieu comme celui-là, cet épisode m’avait (sans doute à tort) paru inattendu. Après tout, on y rencontre des gens en costume traditionnel dans la rue, comme ça, à toutes les heures du jour. Lorsqu’on se balade le soir, on entend régulièrement les sons du hackbrett, une musique traditionnelle qui date de la nuit des temps. Le contraste m’a paru à tel point intéressant que je suis retournée à Appenzell aussi souvent que j’ai pu, aussi longtemps que j’ai été la correspondante du Journal télévisé en Suisse alémanique. Disons en passant que depuis lors, ici comme ailleurs, l'informatique est omniprésente – sans doute un peu moins visible qu'ailleurs.

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Le costume est en Appenzell toute une culture, entretenue avec amour et panache.

 

Un peu d’histoire

 Appenzell se divise en deux parties: les Rhodes Intérieures ou AI (en grande majorité catholiques), et les Rhodes extérieures ou AR (en grande majorité protestantes). Cela fait d’Appenzell Rhodes intérieures un des plus petits Etats du monde (à mon avis, seul le Vatican - moins de 1’000 habitants – est plus petit que lui, Monaco est plus petit en surface, mais compte plus du double d'habitants). Pour les non-Suisses, je précise que la Confédération helvétique est un état fédéral, et qu’à l’intérieur de la Suisse, chaque canton est aussi souverain qu’un Etat l’est en Europe. La grande différence, dont l’Europe ne s’est pas encore inspirée, c’est qu’il arrive un moment extrême (très rarement utilisé) où l’Etat fédéral peut intervenir dans une décision cantonale pour éviter une dérive.

Jusqu’en 1597, ces deux territoires ne formaient qu’un seul Etat. En cette année 1597, après des décennies de tiraillements, de bagarres et de violence causée par le fait que les partisans de la Réforme protestante et ceux du catholicisme en venaient constamment aux mains (et aux armes), les Appenzellois ont pris une décision révolutionnaire pour l’époque: pas de tueries pour la religion (elles étaient monnaie courante), on se séparerait – les catholiques d’un côté, les protestants de l’autre. Cela se distingue de ce que nous avons appelé depuis la purification ethnique par le fait que ces décisions ont été prises en assemblée, et que grosso modo on n’a forcé personne (sans doute y a-t-il eu des exceptions que l’histoire n’a pas retenues). Les déménagements se sont faits plus ou moins paisiblement, chaque partie du canton s’est constituée en gouvernement souverain, et aux yeux de la Diète fédérale de l’époque, ils ont formé deux demi-cantons. On en est resté là, politiquement, jusqu’à aujourd’hui. Les Rhodes intérieures (AI) comptent 173 km2 et 15’800 habitants environ, les Rhodes extérieures (AR) 243 km2 et 55’500 habitants environ. Aussi proches soient-elles, et en dépit de leurs origines socioculturelles communes, ces deux parties du canton se sont développées de manière différente.

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La montée à et la descente de l'alpage sont restées une grande affaire…

Les AI catholiques sont restées fondamentalement agricoles, les AR réformées se sont industrialisées, et comptent parmi les grands précurseurs de l’industrie des machines, notamment à cause de leurs efforts pour rationaliser la fabrication de la dentelle; la dentelle d'Herisau (chef-lieu de AR) était aussi célèbre au XVIIIe siècle que la dentelle de Saint-Gall l'est devenue plus tard. Cependant, depuis que la religion ne joue plus un rôle politique de premier plan en Suisse, bien des choses se font en commun, surtout pour ce qui est des services publics (élément de police, d’entretien des routes, de la santé, de l’instruction publique, etc.).

Le poids politique d’une poignée de citoyens

 La représentation politique suisse est divisée en deux chambres: Conseil national, où les députés sont élus en nombre proportionnel à leur population, et le Conseil des Etats, où chaque canton est représenté par deux députés. Pour Appenzell, un est pris dans les Rhodes Extérieures, l’autre dans les Rhodes intérieures, car les deux Appenzell sont restés à ce jour des demi-cantons. Ainsi, dans une des Chambres, les Etats de la Confédération ont un poids égal en tant qu'Etats, indépendant du nombre de leurs citoyens. La voix des deux Appenzell (+/- 70'000 habitants à eux deux) compte autant que celle de Zurich (1'400'000 habitants).

En Suisse, les seuls autres cantons divisés en deux demi-cantons sont Bâle et Unterwald, pour des raisons différentes cependant.

On a beaucoup posé aux Appenzellois la question d’une réunification, notamment en 1997, lors du 400e anniversaire de la séparation. Les Rhodes extérieures ne sont pas hostiles à l’idée, mais les Rhodes intérieures, plus petites, y sont violemment opposées.

Et puis il y a les votations: lors d’une initiative populaire ou d’un changement de la Constitution fédérale, on soumet les propositions au vote populaire. La plupart du temps (je vous prie, amis non-Suisses, de consulter le lien que je vous donne ici pour plus de détails) l’acceptation d’une proposition est soumise à la majorité des citoyens doublée de la majorité des cantons. Et c’est là qu’un demi-canton comme Appenzell AI peut faire basculer le résultat pour toute la Suisse. Or il se trouve que AI est tendanciellement conservateur. Les décisions sont prises en assemblée générale des électeurs, à main levée. Est-ce plus ou moins démocratique? Le débat est ouvert depuis longtemps. Les avis sont partagés.

Et voilà qui nous ramène à nos photos initiales.  

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Beaucoup des décisions qui affecteront ensuite, directement ou indirectement, toute la Suisse sont prises ici, en Landsgemeinde (c'est le nom de cette assemblée), à main levée. Autrefois, les hommes levaient leur épée (partie intégrante de leur costume) pour voter.

Pour ne donner qu’un exemple célèbre de la réticence d'AI à se moderniser, je rappellerai la résistance des Appenzellois AI à l’introduction du droit de vote des femmes: leur voix n’a pas compté dans l’arithmétique électorale de 1971, l’année où le vote des femmes a été introduit en Suisse, mais leur poids s’est fait sentir dans la longue résistance helvétique à ce droit (en 1971, lorsque nous l'avons enfin obtenu, nous étions en queue du peloton européen).

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On remarquera que lors de la votation de 1971, les Appenzellois AI se sont prononcés à 80% environ contre l’introduction du vote des femmes, alors que les Genevois se sont prononcés à près de 100% pour! Deux mondes. 

Au niveau des deux demi-cantons, il a fallu attendre 1989 à Appenzell AR (par vote des citoyens), et 1990 à AI, sur décision du Tribunal fédéral et non par vote des citoyens qui ont continué à refuser, pour voir des femmes avoir le droit de participer aux votations cantonales.

Entre temps, ils se sont probablement réconciliés avec l’idée du vote des femmes, au plus tard lorsque le parlement a élu l’une des leurs, Ruth Metzler, au Conseil fédéral – elle n’y est restée que quatre ans puis a dû quitter son poste, mais pas pour avoir démérité: elle a été victime d’un de ces indignes calculs électoraux sur lesquels je préfère ne pas m’attarder. 

Un peuple sympathique

Ailleurs, il y a des endroits où le conservatisme ambiant est sensible, et pèse sur les épaules du visiteur comme une chape de plomb. 

A Appenzell, il n’en est rien: les gens sont sympathiques, et s’ils ont gardé une certaine méfiance des étrangers, typique des petits lieux, ils n’en sont pas moins accueillants. Et je dois dire qu’en dépit du conservatisme politique de ce demi-canton, il faut néanmoins noter qu’Appenzell a beaucoup changé depuis que j’ai fait ici mon premier reportage: l’ouverture est sensible, la discussion politique entre partis, inexistante il y a une trentaine d’années, est aujourd’hui bien présente, et la peur du changement moins perceptible. 

Il faut dire que dans cette transformation, les Appenzellois sont fortement aidés par leur sens de l’humour, célèbre parmi ceux qui comprennent leur dialecte. Ils savent se moquer autant d’eux-mêmes que des autres avec une imbattable bonhomie. Ils ont même une page de blagues sur leur site officiel...

Et les raisons pour aimer Appenzell sont multiples: le paysage le plus ordinaire est d’une beauté à vous couper le souffle. L'accueil est chaleureux. Les musées passionnants. Les maisons accueillantes. Le rythme paisible. Qui plus est, en ce qui me concerne, j’aime le fait que les Appenzellois sont un peuple de lecteurs – et j’étais là vendredi dernier pour contribuer à fêter le 20e anniversaire de la librairie d’Appenzell, un lieu très fréquenté par des lecteurs enthousiastes et tenu par des lectrices fanatiques.

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Un magasin qui n'a l'air de rien, mais où vous trouverez un vaste choix, et Carol Forster, une libraire qui est aussi une grande lectrice – sa librairie est connue loin à la ronde. 

La musique traditionnelle appenzelloise est très intéressante, elle mérite d’être entendue, et surtout vue jouer. Les concerts avec des pièces de cinq francs (des thalers) dans un plat, sont particulièrement impressionnants, et d’une beauté mélodique qui touche. Vous trouverez quelques exemples ici, il y en a beaucoup d'autres – il y a à Appenzell de véritables virtuoses.

Je ne m’attarderai pas sur les coutumes, elles sont nombreuses – et je regrette aujourd’hui de n’avoir pas pensé à emmener mon appareil de photo pour vous montrer quelques-uns des aspects de ce mini-Etat de mon point de vue. Les choses étant ce qu’elles sont, les photos sont prises sur le site officiel du canton, qui offre, outre des images, des nouvelles, une histoire du territoire. Je vous conseille d’aller sur leur «livre d’images», vous y trouverez des centaines de photos et un panorama très complet d’Appenzell Rhodes intérieures, de ses gens, de ses paysages, de ses maisons - un peu de tout, en somme. Certaines de ces photos sont signées Marc Hutter, d'autres pas signées: on va supposer que celles que j'y ai pris sont également son oeuvre (la place au petit matin et la librarie sortent de mon téléphone).

 

PS. Je ne mets pas de liens qui mènent aux deux Appenzell sur Wikipedia: on voit l'intérêt des Romands pour ces deux demi-cantons au texte sommaire, sans information au-delà de quelques chiffres; pour eux, on est là, j'imagine, face à un pays lointain, sans intérêt. Il faut lire l'allemand ou l'anglais de Wikipedia. La réciproque est aussi vraie: aucun Appenzellois, apparemment, ne s'est donné la peine d'expliquer son canton en français (je connais personnellement quelques-uns d'entre eux qui pourraient le faire).

 
19 commentaires
1)
Franck Pastor
, le 11.09.2012 à 07:48

J’adore ce genre d’articles qui me fait découvrir des régions et coutumes dont je n’aurais autrement jamais entendu parler, ici en Belgique ! Merci Anne !

2)
ysengrain
, le 11.09.2012 à 07:58

Je viens de connaître à la lecture de ce billet qu’il y avait – on s’en doutait – autre chose que du fromage dans ce village.

3)
soizic
, le 11.09.2012 à 08:50

Merci Anne pour cet article passionnant et surprenant pour une française. Cela me donne envie d’une escapade…

4)
Jaxom
, le 11.09.2012 à 09:10

Merci pour cet article. C’est un endroit de Suisse où je ne suis jamais allé, même pour simplement le traverser. Pourtant mes amis motards de la région me disent que c’est un coin superbe.

Deux questions : – Est-ce que les objets fédéraux sont aussi votés à mains levées ? Il me semblait me rappeler une histoire d’urne pour ceux-là. – Et Nidwald et Obwald ne sont-ils pas aussi les demi-cantons du canton Unterwald ? (Quoiqu’une petite recherche ne montre pas une réponse aussi claire, mais ils n’ont chacun qu’un Conseiller aux États).

5)
yore
, le 11.09.2012 à 09:28

Vous savez si bien raconter. Et là, c’est certain, j’ai grande envie d’y retourner. Merci Anne.

6)
Anne Cuneo
, le 11.09.2012 à 09:52

Nidwald et Obwald ne sont-ils pas aussi les demi-cantons du canton Unterwald?

Exact! Je les avais oubliés, j’ai corrigé, merci!

Est-ce que les objets fédéraux sont aussi votés à mains levées ?

Non, que je sache ce sont seulement les objets cantonaux. Mais je n’ai plus participé à une telle assemblée (j’en ai couvert plusieurs en tant que journaliste) depuis quelques années, et je ne sais plus s’il y avait des objets fédéraux. A mon avis il ne s’agit que d’objets cantonaux, car il n’y a qu’une Landsgemeinde par an, et plusieurs dates possibles (pas toujours utilisées) pour des objets fédéraux. La description de la Landsgemeinde sur leur site n’est pas limpide sur le sujet, mais en parcourant les différentes votations passées, je dirais que les objets fédéraux sont votés dans l’urne.

7)
Anne Cuneo
, le 11.09.2012 à 10:04

Par mail envoyé à mon adresse, l’un de vous m’indiques que Rhodes dans cette acception est féminin, je pense qu’il a raison et j’ai corrigé.

Il aimerait aussi connaître l’origine du mot Rhodes. Il s’agit de la désignation ancienne d’une circonscription, qui n’est plus aujourd’hui qu’honorifique. Le mot Rhode lui-même vient du mot allemand «roden», déforester, ce qui fait sens. Les Appenzellois ont sans doute dû débarrasser leur territoire de beaucoup de forêts pour s’y installer.

Je note en passant que «déforester» n’est pas dans les dictionnaires, alors que déforestation est partout en bonne place. Mais l’absence du mot est si évidente que, j’ai vu ça dans le dictionnaire du CNRS (sous déforestation, le mot déforester lui-même n’est pas inclus dans les définitions), je ne suis de loin pas la première à l’utiliser. Il ne s’agit à mon avis même pas d’un néologisme: c’est une simple lacune que nous comblons.

8)
Tristan Boy de la Tour
, le 11.09.2012 à 14:05

Ailleurs, il y a des endroits où le conservatisme ambiant est sensible, et pèse sur les épaules du visiteur comme une chape de plomb.

Je n’ai jamais été à Appenzell, et je ne connaît pas grand chose de la Suisse “primitive”. J’ai été une seule fois à Schwytz, il y a deux ans. Le conservatisme ambiant est sensible, mais ce n’est pas une “chape de plomb”: c’est autre chose, comme un autre monde, qui ne veut pas se mélanger au reste, qui ne s’ouvre à l’extérieur que partiellement… Quand on visite, on est le bienvenu, mais faut pas s’incruster, faut pas trop plaisanter non plus sur les particularités locales, on sent tout de suite une crispation.

Je dirais que c’est une sorte de paradis du “capitalisme utopique”: pas de pauvres, pas de marginaux, pas ou peu d’étrangers, pas de centres urbains ni de zones bétonnées “taguées”, presque pas d’impôts, des paysages de rêve assez préservés. Mais une quantité énorme de voitures, de villas, de signes de propriété privée, d’églises rutilantes (et ouvertes!). On dirait que le temps s’est arrêté aux années fastes (1960-70), qu’on a plus besoin de changer quoi que ce soit, même le droit de vote aux femmes risque de déranger l’ordre établi!

On peut aimer ou détester, mais on peut aussi comprendre que ces gens n’aient pas envie de changer leur mode de vie, et profiter à fond de leurs hauts revenus et de leur basse fiscalité, puisque le fédéralisme le leur permet!

9)
Anne Cuneo
, le 11.09.2012 à 14:50

Déforester (sous cette forme) est attesté depuis le XVIIIe siècle au moins. Il est utilisé par ex. dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.

Youpee! On le garde! Allô Alain Rey? On inclut «déforester» dans le Robert? Allô CNRS? On répare un oubli? Avec une citation tant qu’à faire, voici un lien que j’ai trouvé pour répondre à ce post, qui donne des dizaines d’exemples d’utilisation de ce verbe, apparemment couramment usité.

Dans le moteur de recherche plein texte de l’Êncyclopédie, je ne l’ai pas trouvé, cependant.

10)
Anne Cuneo
, le 11.09.2012 à 15:04

Je dirais que c’est une sorte de paradis du “capitalisme utopique”: pas de pauvres, pas de marginaux, pas ou peu d’étrangers, pas de centres urbains ni de zones bétonnées “taguées”, presque pas d’impôts, des paysages de rêve assez préservés.

Tu n’es pas allé à Appenzell, et cela se voit. A Appenzell, 10% de la population est constitué d’étrangers, presque tous des gens qui travaillent. Quant à l’absence de marginaux à Appenzell… Il n’y a pas de statistique, mais ils sont nombreux. Les pauvres aussi existent, mais par la force des choses ils sont plus visibles, donc plus faciles à aider que dans la masse des grandes villes. Pas de centres urbains, certes, on est dans un pays de montagne, où les vaches produisent le lait nécessaire au fromage exporté en quantités industrielle dans le monde entier, et on lutte avec acharnement pour que le lait du fromage soit du lait local, il faut donc garder de vastes pâturages. En Rhodes extérieures, il y a de nombreuses usines, actuellement en partie désaffectées comme partout ailleurs, mais l’économie de marché n’y est en rien “utopique”, elle est réelle.

Je ne sais pas à Schwyz, mais le nombre de villas ne noie pas le paysage appenzellois, à moins que tu ne comptes comme villas les fermes qui parsèment la campagne.

J’ai essayé de donner d’Appenzell une vision qui va au-delà d’un cliché très inexact: celui de «Suisse miniature», pour cette raison j’ai même soigneusement évité de parler du célèbre fromage. Je vois que mes efforts ne sont pas suffisants, et ma seule vraie réponse est: va voir (et ne reste pas juste une demi-journée).

11)
pelerin
, le 11.09.2012 à 16:19

Très bel article Anne, merci.

Des souvenirs de vacances familiales me restent les images d’un habitat dispersé, avec des fermes sur chaque colline et la hauteur du linteau des portes de l’appartement que mes parents louaient, linteaux contre lesquels nous nous tapions régulièrement la tête. Les blagues qui circulent en Suisse sur la taille des Appenzellois ont une origine bien tangible !

Le pèlerin

12)
Caplan
, le 11.09.2012 à 17:21

Les blagues qui circulent en Suisse sur la taille des Appenzellois ont une origine bien tangible !

Ah oui! Par exemple, voici les tribunes du stade de foot d’Herisau:

13)
Tristan Boy de la Tour
, le 11.09.2012 à 18:22

J’ai tourné le coin pour voir: il y avait là une étable (disparue entre temps), quelques vaches, et… un Mac (SE30) sur une table de jardin, au beau milieu de l’étable, dans lequel un jeune paysan notait, probablement, le résultat de la traite.

Il faut retrouver ce SE30! Sûr que la recette secrète du fromage se trouve sur le disque dur!

14)
Jar Jar
, le 11.09.2012 à 21:29

Pour les non-Suisses, je précise que la Confédération helvétique est, comme son nom l’indique, une confédération d’Etats, et qu’à l’intérieur de la Suisse, chaque canton est aussi souverain qu’un Etat l’est en Europe.

Si je me souviens bien de mes cours, il me semble que cette affirmation n’est pas correcte. Malgré son nom, la Suisse est une fédération d’états. En effet, chaque canton qui compose la Suisse a abandonné une partie de sa souveraineté pour la transmettre à un État fédéral, supérieur aux cantons. Les cantons ne peuvent plus unilatéralement quitter la Suisse et du point de vue international les cantons ne sont plus reconnus comme des états indépendants. Dans le cas d’une confédération d’états, chaque état reste indépendant, mais ils “délèguent” une partie de leurs compétences à une autorité (organe) centrale, sans création d’un état fédéral supérieur. Mais je peux me tromper, cela fait quelques années que j’ai quitté l’université.

Pour le reste, j’ai particulièrement apprécié cet article. Merci.

15)
Anne Cuneo
, le 11.09.2012 à 22:00

@ Jar Jar Non, non, tu as sans doute raison sur la désignation. Les cantons sont souverains pour tout ce qui touche les objets cantonaux, et leur constitution cantonale ne doit pas être en contradiction avec la constitution fédérale. Ils sont souverains dans des domaines comme l’éducation ou la santé. Mais la politique étrangère, par ex., est l’apanage de l’Etat fédéral.

C’est d’ailleurs cela qui a fait qu’on a pu forcer Appenzell AI à adopter le vote des femmes: une fois que le vote des femmes avait été inscrit dans la Constitution fédérale, le droit cantonal appenzellois était en contradiction avec le droit fédéral, et le Tribunal fédéral a institué ce droit à Appenzell par décret.

16)
FMter
, le 12.09.2012 à 06:48

Excellent article, avec une erreur qui devrait cependant être corrigée: la Suisse n’est pas une confédération d’Etats, comme indiqué en italique dans le texte, mais un Etat fédéral, ce depuis 1848 (adoption de la Constitution fédérale).

17)
LC475
, le 12.09.2012 à 08:58

Quel régal de lire ce billet, bien agréable pour commencer la journée. Merci

18)
Anne Cuneo
, le 12.09.2012 à 14:55

la Suisse n’est pas une confédération d’Etats, comme indiqué en italique dans le texte, mais un Etat fédéral

Corrigé, merci! Décidément, mon éducation civique laisse à désirer…

19)
François Cuneo
, le 12.09.2012 à 22:40

Que de souvenirs, malheureusement à l’armée. Mais la beauté des paysages compensait la stupidité dans laquelle je baignais (je parle de l’armée, pas des gens de là-bas, bien évidemment, qui sont, comme tu le dis, très accueillants. Peut-être parce que nous étions en uniformes?)

Je me rappelle d’un samedi tout seul (j’étais cuisinier alors, de garde pour les soldats de garde aussi, et j’avais du temps) au sommet du Säntis dans un restaurant: arrivent 100 hommes qui se mettent à table.

Soudain, ils entament des chants traditionnels. Un vrai choeur d’hommes de professionnels. Grandiose, une des plus grandes émotions de ma vie. J’en ai pleuré.