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L’histoire de Loan

Je comptais prolonger la visite du Radjastan commencée il y a quelques semaines mais, entre-temps j’ai passé quelques semaines en Asie du Sud-Est et particulièrement au Vietnam.
J'avais fréquenté le sud de ce pays, en 1974, lorsque je travaillais encore pour la télévision belge. C'était mon premier grand reportage et, pour un premier, j'avais été servi. C'était la fin de la guerre, le pays était complètement désorganisé, les Américains fuyaient en laissant sur place femmes (locales) et enfants (semi-locaux), ainsi que tous les bagages.
Quel choc! Mais aussi quel peuple! Qu'il soit du Nord ou du Sud (et quelquefois les soldats du Sud se transformaient devant nos yeux ébahis en Vietcongs la nuit venue)!

Je me souviens avec émotion de certaines personnes rencontrées dans ces temps difficiles, de leur courage, de leur sens de l'honneur.

Depuis des années, je procrastinais(*) un retour...
J'en reviens.

Je ne vous parlerai pas trop du pays, je n'en ai revu qu'une petite partie, bien touristique...

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Hanoi, un jour comme les autres

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la Baie d'Halong

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la "Baie d'Halong terrestre"

je vous parlerai de quelqu'une et de son destin.

Loan vit à Tam Coc,

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la fête du Têt à Tam Coc (remarquez le ventilateur qui sert de moteur pour faire tourner le manège)

c'est le petit village où les touristes embarquent pour la visite en barque de ce qu'on appelle la Baie d'Halong terrestre, dédale de collines karstiques qui baignent dans l'eau. On ne sait pas très bien si cette eau est celle d'une rivière ou bien de la mer pas très lointaine. C'est de l'eau douce mais elle subit des marées... curieux et merveilleux endroit.

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Les habitants de Tam Coc, comme les autres vietnamiens, pratiquent la pêche et cultivent le riz, mais depuis 1990 ils vivent aussi du tourisme. Les femmes passent leur temps entre la pêche, la broderie de nappes et les promenades sur la rivière où elles rament, avec les mains ou avec les pieds, pour les visiteurs.

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Une rameuse

Tout cela fonctionne plus ou moins comme une coopérative, il y a 1200 familles à Tam Coc qui doivent se partager cette manne touristique. C'est dire que les femmes ne rament pas très souvent, 1 ou 2 fois par semaine lorsque la saison est bonne. Chaque sortie dure entre 2 et 3 heures, c'est un boulot exténuant et qui rapporte peu.

 

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L'embarcadère en 2002

 

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L'embarcadère en 2012

 

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Les iPad sont partout!

Déjà toute petite, Loan aide sa maman à pêcher le crabe et à ramasser le riz. A 16 ans, elle apprend la broderie.

En 1997, Loan a 23 ans, elle est mariée et maman d'un petit Hung qui a 2 ans. Comme les autres rameuses, elle a besoin de vendre ses nappes pour assurer un train de vie minimaliste, mais elle ne pratique pas la vente forcée, contrairement à ses collègues qui, lorsqu'on est au milieu de nulle part, ne repartent que quand elles ont réussi à vendre une nappe ou deux.

Ce jour-là, c'est une famille française qui se trouve dans sa barque. La promenade est longue, elle dure plus de deux heures, ramer pendant tout ce temps est très fatigant. Dans la barque, il y a également son fils Hung qui doit accompagner sa maman car il n'y a personne pour le garder, son papa travaille également toute la journée.

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La dame est émue par ce petit bout de femme, dynamique et souriante mais pas question d'acheter de nappe... Néanmoins, le monsieur veut aider et, via le guide, propose d'être le parrain de Hung. On échange les adresses et pendant quelques années, les deux familles vont correspondre avec toutes les difficultés de langue qu'on imagine... Les français ne parlent pas le vietnamien et Loan ne parle que cela.
Un bon nombre des lettres (qui contiennent parfois un billet de 100 francs français) se perdent, Loan demande à un membre de l’ambassade de France à Hanoi de se renseigner. L'argent ne pouvant pas être envoyé dans des lettres, tout a été confisqué. L'ambassade accepte de servir d'intermédiaire et la famille française peut alors, par ce moyen, faire parvenir à la famille de Loan une aide financière un peu plus conséquente.

Grâce à ces moyens nouveaux mais aussi et surtout grâce à cet appui moral, Loan qui veut s'en sortir, choisira de quitter son bateau pour faire un emprunt et acheter un bout de terrain dans la campagne de Tam Coc. Elle y ouvre un petit restaurant au bord de la route où, elle et son mari cuisineront "comme sa maman et sa grand mère lui ont appris". En hommage et en remerciement à sa "famille française", elle va partir pendant plusieurs mois à Hanoi pour apprendre la langue de Francis Cabrel au Centre Culturel français. La vie n'y est pas facile, la plupart des autres étudiants sont beaucoup plus jeunes et ne doivent pas travailler quand ils rentrent le week-end à la maison.

Quand elle revient définitivement au village, elle donne des cours de cuisine aux touristes francophones et, sur les conseils de clients, elle aménage trois chambres au premier étage de sa maison; le restaurant devient guesthouse. Trois ans plus tard, avec un étage de plus, il devient "hôtel".

L'année passée, Loan a pu se payer un billet d'avion pour retrouver, pendant quelques semaines, ses amis en France. Quelle surprise pour elle de constater que la bienfaitrice qui a changé sa vie ne roule pas sur l'or, qu'elle est une simple infirmière, une "française moyenne".

Je ne sais pas trop qui je dois admirer le plus dans cette histoire; du courage, de l'opiniâtreté et du sens du commerce de la petite paysanne vietnamienne ou de la clairvoyance et de la générosité intelligente de cette famille française qui restera anonyme pour nous.

Aujourd'hui, je rentre du Vietnam. J'ai passé quelques jours dans l'hôtel de Loan. C'est un endroit extraordinaire par sa situation, sa convivialité et son atmosphère familiale, et d'ailleurs, depuis cette année il est repris dans le Guide du Routard.

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La veillée du Têt 2012 chez Loan, les clients sont invités

Le succès est au rendez-vous; il suffit de se balader sur les forums de voyage pour s'en rendre compte.

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Ce sont plusieurs familles qui ont réussi à s'échapper de l'univers fermé du riz, des broderies et des rames.

Hung et sa petite soeur vont à l'école et ils pourront poursuivre leurs études…

_____________________________

(**) verbe nouveau basé sur procrastination: remettre au lendemain.

8 commentaires
1)
ysengrain
, le 29.03.2012 à 08:45

Pour quelle(s) raison(s) ai-je l’impression d’avoir déjà lu cette histoire ?

2)
guru
, le 29.03.2012 à 09:38

Bonne question… et quelle est la réponse?

3)
ysengrain
, le 29.03.2012 à 09:40

Je ne sais pas, je dis, et c’est à prendre au premier degré, que je crois avoir déjà lu cette histoire.

4)
guru
, le 29.03.2012 à 09:49

C’est pourtant de première main, j’ai eu de longues conversations avec Loan, mais elle est très populaire sur certains forums de voyage. Les fréquentes-tu?

5)
ysengrain
, le 29.03.2012 à 09:50

Ça devrait être ça.

6)
Saluki
, le 29.03.2012 à 10:43

Hasard? Un couple d’amis baroudeurs vient de rentrer de cinq semaines au Viet-Nam. Ce ne sont pas des bobos attardés, ils ont commencé par deux ans en Afghanistan dans les années 70 (VSNE service militaire en entreprise à l’étranger pour lui), la Mongolie à cheval, la Terre de Feu, etc…

Courriel reçu…hier :

””” Au lieu de lundi soir, nous sommes arrivés mardi matin, 6h30 à Roissy après 12h de vol et 1h de retard au départ de Hong Kong à cause d’un incident technique.

En fait nous nous sommes rendus compte dimanche que notre vol Hong Kong – Paris le lundi avait été annulé et que nous étions reportés sur un vol départ minuit lundi soir, sans avoir été prévenus. Les bureaux de la compagnie aérienne était fermés et il ne nous a été pas possible de modifier notre vol Hanoi – Hong-Kong lundi matin. Du coup nous avons passé 10h en transit à l’aéroport de Hong Kong, au lieu de passer quelques heures additionnelles à Hanoi, que nous n’avions visité que succintement.

Notre voyage s’est bien passé ; personnellement il me laisse un souvenir bon mais pas excellent.

Après avoir eu très chaud dans le sud et le centre, nous avons eu froid dans le nord qui représentait 2 semaines et demie de notre circuit, dans la partie montagneuse. Les très beaux paysages étaient souvent masqués par la brume.

Nous avons mangé et couché plusieurs fois chez l’habitant, ce qui par certains côtés était insolite et plaisant pour les contacts avec la famille ou percevoir son mode de vie. Le côté négatif est que les sanitaires sont très rudimentaires ( eau froide ou pas de serviette de toilette, jamais de chauffage, pataugeoire dans la salle de bain car l’eau du lavabo et de la douche s’écoule directement sur le carrelage de la salle de bain dans laquelle se trouvent aussi les WC, le tout étant d’une propreté douteuse ), que la literie se constitue de draps de dessous propres mais de couettes et oreillers utilisés par les différents touristes qui couchent successivement dans les locaux.

Comme les habitations sont en bois avec beaucoup d’interstices, que le chauffage est inexistant, qu’à cette période de l’année les nuits sont froides, nous avons eu froid pour dormir, et nous ne sommes pas des chaud-chottes, souvenez-vous de notre escapade en yourte.

Dans cette région du nord où l’infrastructure hôtelière n’est pas encore suffisamment développée suivant nos critères occidentaux, les hôtels dans lesquels nous avons couché, quoiqu’étant d’un standing très correct pour le pays, présentaient la même pataugeoire dans la salle de bain, et parfois des couettes oreillers sentant le “déjà utilisé” et des cheveux dans les lits, et même des capotes sous les lits… Cela fait un peu peur surtout quand on voit souvent les Vietnamiens s’épouiller dans la rue…

A part cela, nous avons vu de beaux édifices historiques, des rizières à toutes les phases de la culture du riz, de beaux paysages, des marchés colorés par des étals de fruits exotiques. Nous avons vu beaucoup de minorités ethniques dans leur costume traditionnel, leurs habitations et la misère aussi. Les gens accueillants dans l’ensemble, même pauvres, très pauvres y compris selon les critères locaux.

Nos différents guides et chauffeurs étaient très bien, la plupart “presque” francophones. La circulation est une folie : le code de la route est une utopie ! Les routes sont très mauvaises. Il y a des trous à engloutir ton 4×4. Tout cela rend les déplacements longs ( en moyenne 35 km/h ).

Domi est déjà sur Lightroom !

Maintenant je suis plongée dans les lessives et rangements. Le décalage horaire n’est toujours pas digéré.

7)
Hervé
, le 29.03.2012 à 14:16

De retour du Vietnam depuis 3 semaines. Et je suis passé par la baie d’Halong terrestre, fait la promenade sur la rivière et au vu de la photo, je suis passé devant l’Hôtel de Loan. Si j’avais su, je me serais bien arrêté.
Mais celles qui ont succédé à Loan ne vendent plus des nappes !
Cliquer pour agrandir

Mais vrai, quel beau pays. Je ne suis pas encore sur LR parce que mon “vieux” Mac rame drôlement avec la version 4. Mais cela viendra bientôt

8)
XXé
, le 30.03.2012 à 13:54

Histoire très sympa. Je ne sais pas si j’irais un jour là-bas, mais si c’est le cas, ton texte y sera un peu pour quelque chose…

Didier