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Le Libre, c’est mieux?

Avertissement Préalable

Afin de me prémunir contre tous les noms d’oiseaux et éviter la saturation de ma boite mail, je tiens préalablement à avertir le lecteur sur les points suivants :

  • Je ne représente pas la Free Software Fondation (FSF), l’Open Source Initiative (OSI) ou toute autre fondation, association ou entreprise ayant une position précise vis-à-vis du Libre,
  • Je n’ai pas la prétention de bien connaitre le Libre, ce qu’il est ou ce qu’il doit être, ma prétention étant simplement de donner des clés de compréhension à nos lecteurs ;
  • J’ai encore moins la prétention de ne pas avoir fait d’erreur ou d’avoir tout compris des notions ou enjeux que recouvre le domaine du Libre, d’autant plus que les acteurs eux-mêmes s’emmêlent les pinceaux

Enfin, à tous ceux qui souhaiteraient m’affubler d’un parti pris pour le Libre en bien ou en mal, je tiens à préciser :

  • Que j’utilise, avec satisfaction, des logiciels commerciaux, des logiciels privateurs, des logiciels Libres, des logiciels Open Source, des logiciels du domaine public…
  • Que mon intérêt pour présenter des logiciels Libres (mais pas que, puisque je présente du gratuit en général) sur Cuk.ch est souvent guidé par la possibilité de gratuité qui en découle en général(en effet, quitte à présenter des logiciels, je préfère que le lecteur puisse les télécharger, les essayer et les adopter sans passer à la caisse à chaque fois)
  • Que je juge un logiciel indépendamment de sa licence ou de son coût (même si cela contribue au fameux rapport qualité/prix) et qu’un logiciel mal conçu ne sera pas pardonné sous prétexte de sa licence « Libre ».
  • Qu’à titre personnel, j’apprécie (et je le mets souvent en avant dans mes tests) la possibilité du multiplateforme et des formats ouverts qui sont souvent l’apanage des logiciels de type licence Libre ; ce qui permet de ne pas être prisonnier d’un environnement ou de ses données mais je conçois que cet « avantage » peut être sans intérêt pour la majorité des utilisateurs ;

Ces précautions, qui pourront apparaître disproportionnées pour bon nombre de nos lecteurs par rapport au sujet évoqué, étant là pour désamorcer les réactions vives et quasi-viscérales de bon nombre de personnes concernées de près ou de loin par le Libre, un peu comme en son temps les guéguerres stériles PC/Mac, Coca/Pepsi ou Caleçon/Slip !

Le Libre, qu’est-ce que c’est ?

Enfin, une humeur sur un sujet que je voulais traiter depuis longtemps : le Libre !

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© Johann nojhan Dréo 2007-03-14 sous Licence CC BY SA

En effet, sur Cuk.ch à chaque fois qu’un rédacteur évoque le Libre, des commentateurs zélés accusent ce dernier de raconter n’importe quoi, de n’y rien comprendre ou, pire, de lui prêter des intentions partisanes (du type « Le Libre c’est mieux », « Le Libre c’est pourri », mieux que quoi d’ailleurs ? on y reviendra).

Certes, les rédacteurs (moi inclus) s’emmêlent parfois les pinceaux entre gratuit et Libre, entre open source et propriétaire, entre commercial et Libre… comme l’a d’ailleurs fait François dans son humeur sur la mocheté du gratuit mais les commentateurs ne sont pas plus glorieux la plupart du temps!

Mais cela n’est rien comparé au fait que les partisans même du Libre se perdent eux-mêmes dans la définition du Libre et du Non-Libre entre licences libres incompatibles, entre vision divergente de la notion du Libre quand ce n’est pas tout simplement sur ce qu’il est possible ou non de faire dans le cadre d’une licence Libre. On y reviendra aussi !

Où on n’y comprend rien

Tout comme définir si la tomate est un fruit ou un légume est un sujet qui a fait intervenir la cour suprême des États-Unis pour la définir en légume (pour des histoires de taxation alors que sur le plan biologique la tomate est un fruit), la définition du Libre oscille entre plusieurs versions suivant que l’on se place du point de vue de la Open Source Initiative, de la Linux Fondation, de la Free Software Fondation

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© Johann nojhan Dréo 2005-03-25 sour Licence CC BY SA

Ainsi, Google met en avant le caractère Libre de Android alors que dans le même temps, Richard Stallman, le fondateur de la licence GPL (une des licences symbole du Libre), souligne le caractère non Libre d’Android selon son point de vue

De la même façon, la FSF recommande vivement de passer à la licence GPL v3 pour garantir le caractère Libre des développements assujettis à cette licence alors que dans le même temps, le développeur emblématique du noyau Linux, Linus Torvalds, explique dans une interview que la licence GPL v3 est une bêtise sans nom qui veut s’approprier des droits sur un matériel au nom de l’usage d’un logiciel et que pour sa part, sa définition du Libre n’est compatible qu’avec la licence GPL v2 sur laquelle Linux continuera à être développé.

En France, FREE, un fournisseur d’accès Internet qui utilise GNU/Linux et des logiciels sous licence Libre et/ou OpenSource dans ses boitiers (« box ») s’est vu attaqué par certains développeurs des logiciels utilisés du fait qu’il ne diffusait pas les codes sources modifiés. La position de FREE étant que la box n’étant pas vendue et restant la propriété de FREE, ils n’avaient pas à diffuser le code source, objet des modifications. Le problème est-il simple sur ce que recouvrent la notion de Libre et les droits associés ? Il faut croire que non puisque cette procédure dure depuis 2008 et a trouvé sa conclusion par un accord secret en septembre 2011 Mais le plus croustillant dans l’histoire est de savoir que la FSF (dont le président et fondateur est Richard Stallman) a signé un accord de confidentialité alors même que Richard Stallman déclare lui-même dans sa biographie autorisée : - « J’ai décidé de ne jamais me rendre complice de ce système »,dit Stallman, faisant référence à la fois au mécanisme de la clause de confidentialité (qui à ses yeux revient à « brader sa liberté pour des raisons de commodité »), et à l’esprit qui encourageait ce marchandage moralement douteux. « J’ai décidé de ne jamais faire d’autres victimes comme moi. » - Qui faut-il croire si même les plus ardents défenseurs d’une cause n’appliquent pas leur éthique à eux-mêmes ?

Même les avocats s’emmêlent les pinceaux, notamment le bien connu blogueur Maitre Mô qui, je cite, considère la licence GPL, l’une des plus belles du monde et s’enthousiasme du Libre alors même qu’il considère que vendre le travail à usage gratuit d’un autre est, tout simplement, laid ! Cherchez l’erreur sachant que la base même de la licence GPL, revendiquée par son créateur, est d’autoriser et même d’encourager l’usage commercial! De plus, comme on le verra par la suite, bon nombre de licences Libres autorisent de vendre le travail à usage gratuit d’un autre!

Bref, résumer le Libre et le concept qu’il recouvre pour le commun des mortels à une définition me semble impossible en l’état actuel et ce n’est pas à travers cette humeur que je vais répondre à la question qui hante les forums de tous les partisans d’un camp ou d’un autre.

Non, par contre, il est possible de donner des clés de compréhension du Libre sur ce qu’il est, ce qu’il n’est pas et même sur ce qu’il voudrait être !

Comment reconnaître le Libre ?

Tout comme il y a de bonnes chances qu’il s’agisse d’un canard si vous voyez un oiseau palmé au long cou avec un bec aplati qui fait « coin coin » en survolant un lac, de même, il y a de bonnes chances que vous soyez en présence d’un logiciel Libre si vous avez les caractéristiques suivantes :

  • Vous avez accès au code source du logiciel
  • Vous pouvez le modifier et l’utiliser à votre guise
  • Vous pouvez le copier, le diffuser et diffuser ses modifications sous réserve du respect des conditions de la licence

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© Johann nojhan Dréo 2006-10-12 sous Licence CC BY SA

Actuellement, on peut distinguer deux grandes écoles du Libre :

  • L’approche éthique prônée par Richard Stallman qui distingue le logiciel Privateur du logiciel Libre. Pour lui, le savoir et la connaissance doivent être accessibles à tous, partageables et doivent pouvoir être enrichies par tout un chacun. Mais plutôt que de parler en son nom sans légitimité, je vous invite à lire sa biographie « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. »
  • L’approche plus qualitative de la Open Source Initiative qui s’attache avant tout à la capacité d’accès au code source, sa libre modification et redistribution. Là aussi, je vous invite à lire La cathédrale et le bazar, essai du co-créateur du terme Open Source ;

Mais il y a aussi d’autres approches qui font parti intégrante de l’univers du Libre :

Je ne vais pas ici détailler, comparer et expliquer les licences dites Libres qui existent par dizaines et dont les grilles de lecture de compatibilité sont aussi intéressantes que les spécifications en milliers de pages de la norme Bluray. Pour les accros, je vous laisse faire des recherches sur Internet ou échanger en commentaires !

Cependant, voici néanmoins quelques licences parmi les plus connus :

  • La licence BSD : on est à peu près libre de tout, c’est d’ailleurs pourquoi Mac OS X repose sur des briques logicielles gouvernées par cette licence ;
  • La licence GPL : Très connue, elle a pour caractéristique fondamentale d’être virale, c’est-à-dire que tout logiciel utilisant du code sous licence GPL doit être sous une licence GPL ou compatible. Cela force donc tout logiciel utilisant du code source Libre à devenir Libre.
  • La licence LGPL : C’est grosso modo une licence GPL sans la clause virale, cela force simplement le logiciel Libre à rester Libre.
  • Les licences Creative Commons : Licences qui définissent davantage les droits de diffusion et qui sont plutôt adaptées à des œuvres de l’esprit du type musique, livre, photo qu’un code source de logiciel.

Le Libre, une nouveauté ?

Au-delà des positions partisanes pour ou contre le Libre ou des interrogations existentielles sur les modèles économiques du Libre, il faut bien se rendre compte que le Libre existait avant le Fermé !

En effet, avant 1980, le marché de l’informatique reposait sur la livraison du matériel, du logiciel et de son code source ! Ce dernier permettant d’adapter le logiciel, corriger les erreurs ou améliorer le fonctionnement. Ainsi, le pilote pour faire fonctionner une imprimante n’était pas réduit à sa forme exécutable mais existait sous sa forme originelle, libre à l’acheteur de consulter, modifier ou adapter ce pilote !

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© Johann nojhan Dréo 2006-12-13 sous Licence CC BY SA

Moi-même, je me rappelle que pour les premiers micro-ordinateurs, bien souvent le code source était disponible avec le logiciel. Quantité de magazines publiaient la recette de fabrication d’un logiciel, c’est-à-dire le code source que l’on écrivait puis que l’on compilait pour exécuter le programme. On pouvait bien sûr sauvegarder ce programme sur un support pour éviter de devoir le réécrire. De même, les notices décrivaient les instructions de connexions au matériel et/ou incluaient des schémas électroniques détaillant le fonctionnement.

Comprendre cela est fondamental pour comprendre le mouvement du Libre, de ses partisans et de leur lutte actuelle contre de nombreuses évolutions du traitement du droit d’auteurs, des protections logicielles ou matérielles, et de la propriété intellectuelle en général.

Tout lecteur qui n’a pas connu cette période considérera comme normal et naturel le caractère fermé d’un logiciel, l’absence de fourniture du code source et l’impossibilité légale de le copier, de le diffuser et de le modifier ! Bien souvent, il sera même amené à considérer comme farfelu de penser le contraire.

Prenons comme exemple la télévision pour mieux appréhender cette problématique.

Avant, la télévision analogique en France était limitée à 6 chaines. On pouvait, via un enregistreur d’abord analogique puis numérique enregistrer la chaine de son choix pour visionner sur le matériel de son choix l’émission enregistrée. On pouvait bien entendu prêter ou donner cet enregistrement à un ami.

Désormais, et ce sera de plus en plus le cas au fur et à mesure de la généralisation du numérique, les chaines se sont multipliées mais l’on ne peut plus enregistrer si la chaine ne l’a pas autorisé. Dans certains cas, l’enregistrement est lié au matériel qui a fait l’enregistrement et l’on ne peut pas le transférer sur un autre support ni le lire à travers un autre équipement. Parfois même, cet enregistrement – s’il est en haute définition – ne peut être lu que si le matériel de restitution (l’écran) intègre la technologie HDMI de protection des contenus !

Que pensez-vous que la nouvelle génération pensera de l’impossibilité d’enregistrer une émission ? Elle n’en pensera rien car elle ne s’en sentira pas flouée ou privée vis-à-vis d’un droit qu’elle n’a jamais eu !

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© Johann nojhan Dréo 2006-06-22 sous Licence CC BY SA

Si je m’attarde sur cet aspect des choses, c’est qu’il me semble que c’est déterminant pour comprendre la conviction viscérale voire l’acharnement, à tort ou à raison, que peuvent avoir des personnages comme Richard Stallman pour s’opposer à tout ce qui est fermé, pour revendiquer l’absolue nécessité du Libre et pour considérer comme liberticide tout activité qui ne respecterait pas les conditions du Libre !

On peut être pour ou contre le Libre, on peut rejeter ou apprécier ce que disent trois des intervenants majeurs du Libre (Eric Raymond, Richard Stallman ou Linux Torwalds ), on ne peut pas à mon sens ignorer l’influence considérable du libre dans notre vie quotidienne (nas, boitiers, téléphones, serveurs…, une quantité considérable d’objets du quotidien fonctionnent grâce au Libre), sa place de plus en plus important dans notre économie (Plus de 6 milliards à l’échelle de l’Europe et des succès boursiers comme RedHat avec plus de 8 milliards de dollars de capitalisation sur le Nasdaq) et son rôle moteur pour dynamiser la concurrence (IBM a pu ainsi lutter contre Microsoft qui l’avait lâché dans le développement de OS/2 en investissant massivement sur les solutions GNU/Linux avec le succès que l’on connait, Apple a pu assurer la transition d’un OS vieillissant, développer un navigateur dédié au Mac … et ainsi préserver sa compétitivité en s’appuyant sur le Libre)

Luttons contre les idées reçues

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on ne peut pas opposer les termes gratuits, payant, libre, commercial, open source, privateur…

Un logiciel gratuit n’implique pas un logiciel Libre (ex : Flash de Adobe). D’ailleurs, on précisera qu’un logiciel gratuit n’autorise pas la libre diffusion de copies (contrairement au Libre) même s’il est gratuit !

Plus vicieux, un logiciel Libre n’implique pas un logiciel Gratuit (ex : RedHat Linux Entreprise est l’exemple le plus emblématique mais il y a aussi Cyberduck sur l’AppStore, Qt pour un usage commercial, NeoOffice pour avoir la dernière version,…)

Conséquence qui en découle, un logiciel commercial peut donner accès à son code source et même de façon Libre (ex : CentOS est la réplique non commerciale libre de RedHat Linux Entreprise épuré des logos déposés RedHat)

Plus vicieux, un logiciel commercial et privateur peut donner accès à son code source (ex : Microsoft avec Windows et la plupart de ses produits logiciels)

Il en résulte qu’un logiciel dont le code source est ouvert n’est pas forcément un logiciel Libre ou Open Source.

D’ailleurs, un logiciel Open Source n’est pas forcément un logiciel Libre au sens de la FSF, alors qu’un logiciel Libre au sens de la FSF est un logiciel Open Source.

On rajoutera qu’un logiciel Privateur n’a pas plus de raison d’être commercial que gratuit. Qu’un logiciel commercial n’a pas plus de raison d’être Privateur ou Libre. Et pour que la boucle soit bouclée, qu’un logiciel Libre ou OpenSource n’a pas plus de raison d’être commercial que gratuit. Tout cela n’étant finalement qu’un choix de licence et de modèle de développement retenu par les ayants droits dudit logiciel !

Le Libre, c’est mieux ?

Bien souvent, quant on parle de Libre ou de logiciel Libre, on cherche absolument à établir une comparaison avec quelque chose que l’on connait (logiciel commercial, logiciel gratuit…) ou un modèle économique (licence, publicité, service…).

Comme on l’a vu plus haut, le Libre n’est pas en opposition avec le payant, le commercial, le droit d’auteur, la propriété… il s’agit d’un choix stratégique, économique, éthique ou politique indépendant de ces aspects!

Mais plus gênant, la comparaison induit forcément la notion d’évaluation du type « mieux / moins bien », « avantages / inconvénients »… alors que le Libre n’est pas une question de mieux ou pas, c’est juste une question de « bonne pratique » pour les plus modérés à une question de « condition essentielle » pour les plus extrêmes.

Tout comme on ne se pose pas la question du libre échange de la connaissance mathématique et scientifique, de la liberté de composer sa musique ou d’utiliser les mots du dictionnaire pour écrire un roman, pour les partisans du Libre, on ne devrait pas se poser la question du Libre qui devrait être la norme pour le développement logiciel.

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© Johann nojhan Dréo 2006-12-13 sous Licence CC BY SA

Si l’on reprend les propos de Richard Stallman, un des « extrémistes » du Libre, il étend sa réflexion à tous les domaines et nous amène à réfléchir sur toutes les problématiques actuelles des protections (comme par exemple les DRM sur le livre électronique), des brevets logiciels, du contrôle d’Internet et d’une manière générale les procédés techniques limitant la diffusion de la connaissance :

« La plupart du temps, quand un débat a lieu sur les règles qu’une société devrait adopter pour encadrer l’utilisation des logiciels, les intervenants sont des éditeurs logiciels dont l’avis est tout sauf désintéressé, commence-t-il. La question qu’ils se posent est ‘Quelles règles imposer aux masses pour les obliger à nous verser beaucoup d’argent ?’ Mais j’ai eu la chance, dans les années 1970, de faire partie d’une communauté de programmeurs qui s’échangeaient leurs logiciels. Cela me fait considérer la question sous un angle inédit, et je préfère demander ‘quelles sont les règles qui aboutiraient à une société bénéfique pour les gens qui la composent ?’ Bien sûr, j’arrive à des conclusions complètement différentes. »

« C’est bien l’éthique du logiciel libre, et non la recherche du ‘meilleur logiciel’, qui a persuadé les chefs d’état de l’Équateur et du Brésil de faire passer les institutions gouvernementales au logiciel libre. Ils ne sont pas des geeks et pourtant, ils comprennent ce que signifie la liberté. »

Définissant l’objet de la GPL, Stallman explique : « J’essaie de changer la façon dont les gens conçoivent la connaissance et l’information en général. Je crois qu’essayer de posséder du savoir, tenter d’en contrôler l’utilisation par les autres, ou les empêcher de le partager, sont autant d’actes de sabotage ». Une déclaration à rapprocher d’une autre, en août 2000 : « Je vous conjure de ne plus utiliser l’expression ‘propriété intellectuelle’ dans vos réflexions. Elle prête à confusion en amalgamant copyrights, brevets et marques déposées. Ces choses ont des effets tellement différents qu’il devient stupide d’essayer d’en parler en les confondant. Si vous entendez quelqu’un parler de propriété intellectuelle sans utiliser les guillemets, alors c’est qu’il ne pense pas de façon claire, et vous ne devriez pas le suivre sur son terrain. »

Conclusion

Mais pourquoi le Libre est-il si controversé ? Pourquoi n’est-il pas adopté massivement par toute l’industrie logicielle ? Pourquoi tout le monde ne fait-il pas du Libre? Tout simplement parce que c’est un modèle qui favorise de façon extrême la concurrence :

  • Il empêche de bloquer/freiner la concurrence ;
  • Il empêche de rendre dépendant un client de son écosystème ;
  • Il empêche de contrôler l’usage des biens vendus ;

Vu sous cet angle, qui serait assez fou pour renoncer à bloquer ses concurrents et rendre captif ses utilisateurs ? Peut être tout simplement ceux-là même qui subissent le monopole d’un acteur, la fermeture d’accès à un marché ou la mise sous tutelle de leurs données !

Reprenons l’expérience désastreuse de Anne Cunéo avec Le Grand Robert version électronique

Le choix du développement logiciel de la société Dictionnaire Le Robert que l’on désignera par la société Robert est clairement d’être fermé. Les avantages pour le Robert sont indéniables :

  • Le logiciel de lecture du dictionnaire et le dictionnaire ne font qu’un, ce qui impose de repayer l’intégralité en cas d’évolution nécessaire du logiciel de lecture pour des raisons techniques ;
  • Il est dès lors possible de contrôler l’usage qui sera fait du dictionnaire par le client à travers les fonctionnalités limitées du logiciel de lecture ;
  • Il est possible de limiter la concurrence puisque l’usage d’un autre dictionnaire imposera un autre logiciel de lecture incompatible avec le Robert sauf accord ;
  • Il devient possible d’organiser l’obsolescence programmé de son produit sous prétexte de raisons techniques ;

Imaginons maintenant que le Robert fasse le choix du Libre en utilisant ou en développant un logiciel de lecture Libre de dictionnaire et en vendant séparément en version électronique Le Grand Robert qui pourrait être ouvert par ce logiciel de lecture ou par un logiciel concurrent le cas échéant (Sur un plan technique rien n’empêche que le contenu du Grand Robert soit protégé et crypté avec une clé de licence à associer, le logiciel Libre n’est pas incompatible avec du contenu protégé).

Les avantages pour le client seraient immédiats :

  • Liberté d’utiliser le logiciel de lecture de son choix et/ou possibilité d’adapter le logiciel de lecture à l’environnement technique de son choix ;
  • Liberté de conserver son dictionnaire ou d’acheter une nouvelle édition plus récente indépendamment des fonctionnalités du logiciel de lecture ;
  • Pas de contrainte dans les possibilités d’utilisation de son Dictionnaire qui peuvent être étendues en améliorant le logiciel de lecture ;

Par contre, du point de vue du Robert les conséquences seraient catastrophiques :

  • Impossibilité de forcer l’achat d’une nouvelle édition du Robert si l’amélioration du contenu n’est pas suffisante pour convaincre l’acheteur ;
  • Impossibilité de monétiser l’usage du dictionnaire sur d’autres plateformes ou avec d’autres logiciels en l’absence de contrôle du logiciel de lecture ;
  • Impossibilité d’empêcher un concurrent de commercialiser un dictionnaire de meilleure qualité ou moins cher qui bénéficierait de l’interface du logiciel de lecture au détriment de la vente de son propre dictionnaire ;

Mais en y réfléchissant, le Robert pourrait aussi voir les avantages du Libre :

  • En séparant logiciel de lecture et contenu, ils se concentrent ainsi sur leur savoir-faire et leur valeur ajoutée, à savoir la réalisation d’un dictionnaire et non pas un logiciel qui peut être développé par une autre société et/ou par la communauté au bénéfice de tous ;
  • Ils bénéficient d’un effet de levier potentiel considérable en termes de clients adressables par l’ouverture de leur contenu à des logiciels de lecture tiers et/ou la possibilité de portage de leur logiciel de lecture (systèmes Linux, Mac, Windows mais aussi d’autres types de matériels et systèmes)
  • Ils bénéficient d’une économie considérable en coût de développement et en support du logiciel de lecture à court/moyen terme, ce qui leur permettra d’investir dans de nouveaux produits de contenu autour de leur cœur de métier ;

Alors, Libre ou Pas Libre ?

A lire :

Licence

Même si parler du Libre ou aimer le Libre n’a rien à voir avec le fait de publier sous une licence Libre ou faire soi-même du Libre (d’autant qu’un texte ne revêt pas la même problématique qu’un logiciel de l’aveu même des plus extrémistes comme Richard Stallman), contrairement à mes autres humeurs et aux indications de Copyright du site Cuk.ch, l’intégralité de cette humeur est Libre et régie par la licence CC BY SA.

Toutes les illustrations proviennent du site Geekscottes et sont régies par le même type de licence CC BY SA.

Licence Creative Commons
Le Libre, c'est mieux? de Guillôme est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité – Partage à l'Identique 3.0 non transcrit.
Basé(e) sur une oeuvre à www.cuk.ch.

35 commentaires
1)
Saluki
, le 30.11.2011 à 00:26

Plus que j’y pense et moins que j’y pige…
Je relirai tout ce remarquable travail demain, euh … tout-à-l’heure.

2)
Smop
, le 30.11.2011 à 03:12

Ton article est intéressant, mais reste cependant militant et donc partial. Il est dommage que tu n’aies pas aussi évoqué la face cachée du “libre”. Par exemple le support très aléatoire, la pérennité non garantie, la qualité très variable, le manque de cohérence des interfaces, la documentation souvent réduite au strict minimum, l’impact social sur le modèle non “libre”, etc.

3)
pter
, le 30.11.2011 à 06:11

Smop: Il est dommage que tu occulte la face cachée du “payant”. Par exemple le support très aléatoire, la pérennité non garantie, la qualité très variable, le manque de cohérence des interfaces, la documentation souvent réduite au strict minimum, l’impact social sur le modèle “libre”, etc. (un exemple criant cité par Anne: Le Grand Robert…) Je pense qu’il y a assez d’exemples de chaque coté pour y voir de la partialité?

ps: En ayant basculé une entreprise de deux cent personnes il y deux ans de “tout windows”, sur tout ubuntu (y compris le serveur, avec gratuit un LibreOffice + openERP qui remplissent parfaitement la tache et sont même plus performants) je n’imagine même pas revenir en arrière! Et la je poste depuis firefox… contribue-je négativement a l’impact social? je crois pas, non..

4)
Inconnu
, le 30.11.2011 à 06:26

Merci pour cet article très intéressant qui m’a appris plein de choses.

5)
marcdiver
, le 30.11.2011 à 07:24

Ai adoré lire ce mot libre… suis au travail et me demande si je ne vais pas me lever et partir boire un café pour me sentir bien “libre”…

Comment ça hors sujet ? ok, suis déjà dehors… :-)

PS : belle humeur, merci !

6)
ysengrain
, le 30.11.2011 à 08:34

…pour désamorcer les réactions vives et quasi-viscérales de bon nombre de personnes concernées de prêt ou de loin par le Libre, un peu comme en son temps les guéguerres stériles PC/Mac, Coca/Pepsi ou Caleçon/Slip !

Caleçon/slip ? une guerre stérile ? comme tu y vas !! Parle pour toi !!

Par exemple le support très aléatoire, la pérennité non garantie, la qualité très variable, le manque de cohérence des interfaces, la documentation souvent réduite au strict minimum, l’impact social sur le modèle non “libre”, etc.

Tu veux parler de Microsoft par exemple ?

7)
djtrance
, le 30.11.2011 à 08:45

Ben, Smop est juste dans son message, pter aussi… Je connais des logiciels “libres” qui garantissent un support de malade tout comme des logiciels “payants” où leur support est juste déplorable… Et vice-versa bien sûr!

Je pense que le tout étant de trouver son équilibre: établir ses besoins, évaluer ses ressources, ce qui est disponible, à quel prix, etc.

N’importe quel logiciel restera propriétaire, au final…

Merci pour l’humeur :)

8)
soizic
, le 30.11.2011 à 08:52

Passionnant cet article !

Je pense que le logiciels payants (avec tous leurs défauts éventuels) visent un public qui ne veut qu’un outil lui évitant de trop réfléchir. Ceci semble la grande évolution de l’informatique. Je ne juge pas mais je pense tout de même que la “crétinisation” est de mode et peut-être même indispensable ?

Les libres sont plus contraignants ; j’ai abandonné Excel et compagnie pour Open Office ; excellent tableur, éditeur insuffisant à mon sens, mais un merveilleux forum où l’on partage forum et réflexion. Je parle là d’un Libre déjà très évolué. Quand j’ai travaillé dans un laboratoire informatique de pointe (vers 1986), nous étions en relation constante avec les grands de la Californie (via les News pour les initiés). L’éditeur libre (système SUN puis Solaris) s’étoffait petit à petit, mais un des chercheurs consacrait beaucoup de temps aux upgrades successifs répercutés sur toute l’université. Possible dans un monde où l’argent est peu important puisque rare, mais sans doute impossible dans le monde industriel.

Un logiciel libre déjà bien rodé, oui, pour les autres c’est à voir.

La liberté, j’aime et c’est pourquoi j’ai lâché iPhoto, iTunes et d’autres (et même une tentation pour Adobe mais il est irremplaçable). Et je déplore la voie que suit Apple en ce moment.

9)
soizic
, le 30.11.2011 à 08:54

où l’on partage expérience et réflexion.

10)
Théodore Besson
, le 30.11.2011 à 09:26

Bravo Guillôme, superbe article. Les apports que tu partages avec nous sont toujours magnifiques, merci beaucoup!

11)
Cukriec
, le 30.11.2011 à 09:27

Merci pour cette superbe humeur, qui m’a fait découvrir plein de choses, même si je n’ai pas tout compris ! Mais je la relirai… Autre sympathique découverte, la qualité et la drôlerie des illustrations, que je m’en vais découvrir sur le site.

12)
Franck Pastor
, le 30.11.2011 à 09:55

Sur un plan technique rien n’empêche que le contenu du Grand Robert soit protégé et crypté avec une clé de licence à associer, le logiciel Libre n’est pas incompatible avec du contenu protégé

Çà, ça me surprend. Comment peut-on protéger un contenu s’il doit y avoir libre accès au code source, et liberté de le copier et de le redistribuer ? Le contenu du Grand Robert n’est pas assimilable à du code source ?

13)
flup
, le 30.11.2011 à 10:02

Article très intéressant. En particulier le souvenir d’une époque où je tapais du code basic sur un Ti-88, en faisant une sauvegarde sur cassette audio à l’aide d’un câble dédié (nostalgie, quand tu nous tiens). Ça permet effectivement d’expliquer ce réflexe, parfois violent, d’accès aux sources.

Je pense que, comme toujours, l’utilisation d’un logiciel sera fonction des circonstances, des besoins etc. Si je prends l’exemple de l’édition de partitions musicales, l’immense majorité des gens utilise des logiciels commerciaux (Finale, Sibelius), souvent piratés. Par contre, une fois qu’il s’agit d’enseigner, on peut difficilement demander à des élèves d’acheter un logiciel à 600 €, alors que certaines solutions libres correspondent tout autant à leur utilisation mais de façon plus accessible (sans parler des soucis de rétro-compatibilité de certains logiciels commerciaux).

Et encourager l’utilisation de logiciels coûteux en sachant très bien que les élèves les pirateront n’est pas la meilleure valeur qu’on puisse leur transmettre en tant qu’enseignant…

14)
Franck Pastor
, le 30.11.2011 à 10:07

le support très aléatoire, la pérennité non garantie, la qualité très variable, le manque de cohérence des interfaces, la documentation souvent réduite au strict minimum,

Heu… Tu es en train de parler des logiciels informatiques en général, là :-)

16)
Guillôme
, le 30.11.2011 à 11:11

Merci à tous pour votre enthousiasme à la lecture de cette humeur :)

Il est dommage que tu n’aies pas aussi évoqué la face cachée du “libre”.

Tout d’abord, le Libre est un sujet très vaste et, effectivement, j’aurai pu développer sur de nombreuses facettes.

A tort ou à raison, je me suis concentré uniquement sur les acteurs qui revendiquent une définition du Libre en tentant de résumer leur pensée, et sur la difficulté de mettre dans une case bien identifiée le Libre. J’ai aussi voulu mettre en avant nombre d’idées reçues fausses sur le sujet.

Ensuite, un point important de mon humeur est “le Libre n’est pas en opposition avec le payant, le commercial, le droit d’auteur, la propriété… il s’agit d’un choix stratégique, économique, éthique ou politique indépendant de ces aspects!” “Tout cela n’étant finalement qu’un choix de licence et de modèle de développement retenu par les ayants droits dudit logiciel !”

En fait, on peut critiquer la licence Libre mais cela n’a aucun rapport avec les qualités/défauts du produits sous-jacent. A mon avis, on assimile à tort le produit logiciel avec sa licence, ce qui n’a pas de sens, les deux choses étant séparées!

La corrélation “logiciels pourris” et “Licence Libre” ne peut en aucun cas entrainer la causalité “Licence Libre => Logiciel Pourris”. Le passage d’une corrélation à une causalité est un piège intellectuel que l’on fait trop facilement.

D’ailleurs, les partisans du Libre font généralement le raisonnement tout aussi faux mais inverse “logiciels pourris” et “Licence privatrice” pour déduire que “Licence privatrice” => “Logiciels pourris”.

Outre le raisonnement faux, dans les deux cas la corrélation est elle-même fausse puisque l’on trouve une liste sans fin de logiciels Libre ou Privateur avec les défauts cités ou sans les défauts cités!

Çà, ça me surprend. Comment peut-on protéger un contenu s’il doit y avoir libre accès au code source, et liberté de le copier et de le redistribuer ?

Un logiciel libre n’est pas forcément viral. On peut très bien utiliser du logiciel Libre mélangé avec du logiciel propriétaire.

Par exemple, on peut très bien avoir un moteur de rendu Libre (ex : Webkit, Gecko…) pour assurer la compatibilité des pages Web et un navigateur Internet (Interface, fonctionnalités…) propriétaire (ex : Safari).

En ce qui concerne un dictionnaire, s’il est une ressource externe au programme comme source de données, il n’y a pas de raison qu’il soit assimilé au code source et/ou soumis à une licence Libre.

Ensuite, effectivement, en ayant accès au code source du logiciel de lecture, cela permet plus facilement de pirater un contenu protégé mais, à mon avis, c’est un faux débat car ce n’est pas au produit d’empêcher son usage illégal même s’il ne doit pas pour autant le faciliter (cf. mon humeur sur le piratage)

17)
Diego
, le 30.11.2011 à 11:31

Excellent article, très bien documenté, merci !

Çà, ça me surprend. Comment peut-on protéger un contenu s’il doit y avoir libre accès au code source, et liberté de le copier et de le redistribuer ? Le contenu du Grand Robert n’est pas assimilable à du code source ?

En effet, on parle là de deux choses bien différentes : le logiciel d’accès aux données et les données elles-mêmes, qui peuvent évidemment être sous licence.

Un exemple : Tu peux parfaitement retoucher une photo avec GIMP (libre, open source et tout) et la publier en copyright.

PS. Ouops, grillé par l’auteur !

18)
Modane
, le 30.11.2011 à 14:10

Par contre, une fois qu’il s’agit d’enseigner, on peut difficilement demander à des élèves d’acheter un logiciel à 600 €, alors que certaines solutions libres correspondent tout autant à leur utilisation mais de façon plus accessible (sans parler des soucis de rétro-compatibilité de certains logiciels commerciaux).

Juste pour souligner que la plupart des logiciels (coûteux) que j’enseigne, et qui étaient régulièrement piratés jusqu’à maintenant, sont pour la plupart en téléchargement gratuit 30 jours. (Mediacomposer Avid, FCPX, Autodesk Smoke, resolve, etc.) Loin du libre, tout çà, je sais bien, mais… pas d’équivalent…

19)
François Cuneo
, le 30.11.2011 à 16:27

Ouais, ben c’est pas simple…

Et puis je note:

comme l’a d’ailleurs fait François dans son humeur sur la mocheté du gratuit mais les commentateurs ne sont pas plus glorieux la plupart du temps!

Je t’en mettrai moi, du pas glorieux!:-)

Merci pour cet article très complet, mais, comme je l’ai dit, pas simple du tout.

20)
popey
, le 30.11.2011 à 16:52

Très bon article, merci beaucoup Guillôme ! Je suis aussi, à mon échelle, un promoteur du libre. Mon cheval de bataille le plus courant est le format des documents d’échange de données, nottament les formats bureautique. Je trouve que l’apport majeur du libre n’est pas la gratuité, mais la liberté (pour du libre, ça semble logique). Et un exemple caricatural est justement fourni par les formats de données de la suite office, qui ont comme unique finalité de lier les utilisateurs (et leurs correspondants) à la suite office.

Dans bien des situations, les formats propriétaires sont pertinents. Mais quand il s’agit d’échange de données, le libre me semble la seul solution raisonnable.

Après, que le logiciel pour acceder à ces données soit libre ou non est laissé aux choix de chacun. Et c’est justement là qu’on voie l’intérêt du format libre : on a le choix !

21)
ToTheEnd
, le 30.11.2011 à 16:55

On ne va pas reprendre tous les arguments du bien et du mauvais… mais je voulais rebondir sur ceux qui vantent les boites qui ont opté pour le libre. Je peux aussi donner des dizaines de cas de gros projets qui se sont lamentablement plantés.

Et puis après, y a les gars de l’IT qui sont plus CFO que CIO et qui sont contents d’avoir économisé 100K par an mais ont pourri la vie de centaines d’employés qui se débrouillent comme ils peuvent avec un truc aussi stable qu’une Renault.

Bref, comme souvent, il ne faut pas confondre l’outil et l’objectif qu’on souhaite atteindre; c’est différent.

22)
Smop
, le 30.11.2011 à 17:13

Ma position sur le “libre” est simple. Je me moque de la philosophie qui est derrière. Les logiciels que j’utilise sont des outils. Ils me permettent de gagner du temps et de l’argent. En conséquence, leur prix m’importe peu s’il est en adéquation avec les bénéfices réalisés. Si le “libre” m’offre une qualité de service égale pour un coût moindre, je suis preneur. Ce n’est malheureusement pas souvent le cas, tant en qualité, qu’en exploitabilité (ergonomie par exemple, essentielle à mes yeux), qu’en coût réel (TCO). Jusqu’à présent, mes meilleures expériences ont été avec des produits hybrides, à savoir une fondation libre mais encapsulée dans une structure technique et commerciale qui pallie à ce que le “libre” ne sait pas faire, et parfois complète celui-ci avec des briques propriétaires. De bons exemples sont RedHat, MacOS X et bon nombre d’appliances. Je suis par exemple ravi de remplacer en ce moment plus de deux cent serveurs Microsoft Windows et HP-UX par des RHEL. Mais certains diront que RedHat ou MacOS X ont perverti et détourné l’esprit du “libre”. C’est là qu’intervient le subjectif, à savoir la dimension politique du “libre”, moteur de la majorité de ses afficionados, et qui m’agace franchement. L’affectif n’a rien à faire là-dedans !

Lorsque j’évoquais l’impact social sur le modèle non “libre”, je pensais aux millions d’employés directs et indirects des éditeurs. Le modèle de développement du “libre” étant généralement collaboratif et bénévole, qui va permettre aux éditeurs de survivre ? Tout travail mérite salaire. A fortiori lorsque l’utilisateur en bout de chaîne tire un bénéfice du produit.

Enfin, le bon vieil argument de la mise à disposition du code source ne tient pas à mes yeux. Certes séduisant dans son principe, mais dans les faits, je n’ai connu qu’une infime minorité d’utilisateurs, personnels ou professionnels, qui en ont l’utilité.

23)
Guillôme
, le 30.11.2011 à 18:12

Le modèle de développement du “libre” étant généralement collaboratif et bénévole, qui va permettre aux éditeurs de survivre ? Tout travail mérite salaire.

Comme je l’avais dis en commentaire dans de précédentes humeurs, le développement “Libre” n’est pas bénévole et les gens sont payés.

Après, qu’il y ait des contributeurs qui font ça de façon gratuite sur des projets qui ont des moyens financiers importants ou des sponsors importants (Fondation Mozilla, Document Fondation, GNU, Google,…), cela a lieu partout! Microsoft a bien ses MVP, les JO ses bénévoles,… Libre à chacun de faire ce qu’il veut, y compris écrire gratuitement sur Cuk.ch et faire concurrence aux éditeurs de magazine!

En général, les contributeurs qui mettent à disposition gratuitement leur travail le font pour plein de raisons qui leur apporte une rémunération sous une autre forme (support matériel pour une entreprise afin de vendre, obtenir en retour le support et le débogage de son développement s’il est intégré, projet d’étude…)

Ensuite sur la concurrence des entreprises qui font du Libre et/ou du Gratuit (l’exemple phare étant Google), c’est tout simplement un choix de modèle économique.

Déplorer que ce modèle économique puisse détruise d’autres modèles est compréhensible mais cela a eu lieu de tout temps indépendamment du Libre (disparition des fabricants de VHS avec le DVD, disparition des acteurs traditionnels de la photo argentique avec le numérique, concurrence de la vente à distance, concurrence de la vente par internet,…).

Je pense que je tenterai de faire une humeur sur l’économie du Libre et les modèles économiques du Libre pour les entreprises privées si j’en ai le temps et le courage pour expliquer tout cela ;)

24)
Franck Pastor
, le 30.11.2011 à 18:50

Enfin, le bon vieil argument de la mise à disposition du code source ne tient pas à mes yeux. Certes séduisant dans son principe, mais dans les faits, je n’ai connu qu’une infime minorité d’utilisateurs, personnels ou professionnels, qui en ont l’utilité.

Directement, peut-être. Indirectement, il y en a bien plus. En particulier tout ceux qui utilisent des solutions hybrides mais basées sur du libre, dont toi-même :

Jusqu’à présent, mes meilleures expériences ont été avec des produits hybrides, à savoir une fondation libre mais encapsulée dans une structure technique et commerciale qui pallie à ce que le “libre” ne sait pas faire,

Aurait-ce été possible si le code source de la « fondation » n’avait pas été librement accessible et modifiable, leur permettant ainsi de l’adapter à leurs besoins (ou de mieux y adapter leur propre code).

25)
Tom25
, le 30.11.2011 à 23:37

Merci Guillaume, comme d’autres, j’ai compris que je n’y comprenais rien. Et c’est déjà très bien.

Sinon, c’est vrai que c’est extrémement compliqué de reprendre le code source d’un autre. Moi même il me faut du temps pour me replonger dans du code écrit quelques mois auparavant.

Je mets les codes sources de mes programmes à disposition sur mon site, mais c’est pour aider ceux qui souhaitent se mettre à RealBasic -> RealStudio. Et ça me foutrait sacrément les boules qu’un type modifie 3 bricoles à mes programmes et les vende.

27)
flup
, le 01.12.2011 à 07:23

Ce que l’on sait à propos des légumes, c’est que l’administration US vient de considérer la pizza comme un légume; elle peut donc constituer la part “légume” du repas d’une cantine scolaire…

Plus proche du sujet, la question de l’accès aux sources se retrouve aussi dans les ouvrages écrits: prenons l’exemple d’un chercheur. Il compte faire éditer sa thèse; il peut malgré tout la laisser “libre”, ce qui n’empêche pas qu’elle soit vendue sous forme imprimée, par exemple.

D’autres préfèrent ne donner aucun accès à leur thèse parce qu’elle va être éditée. Mais là, on touche une question qui n’est pas affective, mais éthique. Faut-il considérer les résultats de la recherche académique comme accessibles à tous ?

28)
guru
, le 01.12.2011 à 10:30

Il est libre, Max. Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler!

Milsabor!

J’ai rencontré Hervé Christiani à l’Apple Expo il y a quelques années. Il est lui aussi sur Mac, si ça se trouve, il nous lit. Bravo Hervé!

Merci Guillaume pour cet essai de vulgarisation sur un sujet pas simple…

29)
pat3
, le 01.12.2011 à 18:13

Merci pour l’article, Guillôme!

Mon point de vue sur le libre est résumé dans cette phrase, que je viens de lire ici :

pour être clair, oui, c’est génial les “opensource/libres”, pour les ingénieurs qui peuvent s’en servir et/ou vérifier que c’est bien ce qui est mis en oeuvre dans les machines.

Les gens non informaticiens eux sont obligés de croire ce qu’on leur dit.

Si le libre est intéressant dans son principe, dans les faits, il ne change RIEN pour l’utilisateur lambda. Il permet juste de penser que la communauté des informaticiens pourra faire quelque chose si le logiciel libre vient à faillir, alors qu’elle ne pourra rien si le logiciel propriétaire se met à défaillir.

30)
Smop
, le 02.12.2011 à 01:54

Il permet juste de penser que la communauté des informaticiens pourra faire quelque chose si le logiciel libre vient à faillir, alors qu’elle ne pourra rien si le logiciel propriétaire se met à défaillir.

Ce n’est pas tout à fait vrai. J’ai dirigé pendant quelques années les opérations d’un éditeur de logiciels (outils de développement) et les sources de tous nos produits étaient déposées et accessibles en cas de défaillance de notre part par le biais de contrats d’entiercement (source code escrow). C’était une exigence sine qua non de nos distributeurs et de nos grands comptes.

Par ailleurs, et par expérience, la communauté du “libre” est assez capricieuse et bon nombre de logiciels ou de portages ne sont plus maintenus, généralement par manque d’intérêt. Même de gros projets Open Source sont tombés dans l’oubli suite à la défaillance de leur leader.

Bref, pour conclure, le “libre” et l’Open Source ont sans le moindre doute leur place dans l’écosystème, mais il ne faut par pour autant considérer ce modèle comme étant la solution miracle. En particulier, lorsqu’on fouille un peu, on se rend compte que leur coût réel (TCO ou CCV) est loin d’être négligeable et comparable au paradigme propriétaire.

31)
pat3
, le 02.12.2011 à 09:28

Citation de pat3

Il permet juste de penser que la communauté des informaticiens pourra faire quelque chose si le logiciel libre vient à faillir, alors qu’elle ne pourra rien si le logiciel propriétaire se met à défaillir.

Ce n’est pas tout à fait vrai. J’ai dirigé pendant quelques années les opérations d’un éditeur de logiciels (outils de développement) et les sources de tous nos produits étaient déposées et accessibles en cas de défaillance de notre part par le biais de contrats d’entiercement (source code escrow). C’était une exigence sine qua non de nos distributeurs et de nos grands comptes.

Je ne vois pas de contradiction entre ces deux avis (je ne comprends pas, en fait, le ce n’est pas tout à fait vrai)?

Bref, pour conclure, le “libre” et l’Open Source ont sans le moindre doute leur place dans l’écosystème, mais il ne faut par pour autant considérer ce modèle comme étant la solution miracle.

Je n’ai pas non plus dit cela; j’ai dit que le Libre fonctionnait comme une croyance, pour le commun des mortels non codeurs, et que les questions d’accès au code n’avaient pour eux (nous, je m’inclue dans ce commun) qu’une valeur symbolique.
C’est un peu comme souvent sur le web: on relaie la pensée des informaticiens sans pouvoir véritablement juger par nous-même, et on débat souvent de choses dont on n’a ni les tenants, ni les aboutissants (dernier débat en date, flagrant parce que ses participants experts n’interviennent pas souvent dans le débat public, l’évolution de FinalCut et la grogne des monteurs). Au fond, le Libre est une des mythologies de l’internet.

32)
Smop
, le 02.12.2011 à 12:01

Je ne vois pas de contradiction entre ces deux avis (je ne comprends pas, en fait, le ce n’est pas tout à fait vrai)?

Je répondais à ton commentaire mettant en avant que le fait d’avoir la possibilité d’accéder au code source permettait à la communauté des informaticiens d’agir en cas de défaillance de l’auteur de celui-ci. A cela je répondais que c’est également vrai pour les logiciels propriétaires, leur source étant aussi, dans une certaine mesure, accessible.

Pour le reste, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris.

33)
pat3
, le 02.12.2011 à 23:14

A cela je répondais que c’est également vrai pour les logiciels propriétaires, leur source étant aussi, dans une certaine mesure, accessible.

Ok, je comprends mieux… :)

34)
Tom25
, le 05.12.2011 à 08:57

Tiens, un truc tout bête dans le fait de donner ses codes sources en téléchargement, je me suis rendu compte hier qu’avec le code source d’un de mes progs, je donnais les préférences qui contenaient tous les mots de passe de mes comptes emails.

35)
Inconnu
, le 05.12.2011 à 14:00

Merci Guillôme pour cet article ! :)

Sans vouloir jouer les envahisseurs, et puisque Guillôme a explicitement changé les termes de la licence pour son article, j’attire votre attention sur les Creative Commons et le droit suisse , article que j’ai écrit il y a quelques temps. Si certains suisses d’entre vous, comme moi, écrivent et publient…