Profitez des offres Memoirevive.ch!
Capitalisme – quelle histoire d’amour?

image

 

Une famille barricadée dans sa maison. Assise dans son living room. Dehors, une demi-douzaine de policiers. Ils enfoncent la porte, lentement, coup après coup. La famille, assise sans un geste, regarde. Finalement, la porte tombe, les policiers entrent et disent: «Tout le monde dehors, s'il vous plaît.» Sans un mot, la famille sort.

«C'était notre chez nous depuis des dizaines d'années», disent-ils. Ils viennent d'être expulsés parce qu'ils n'arrivaient plus à payer les intérêts de leur hypothèque.

Je viens de vous décrire une scène du film, Capitalisme, une histoire d'amour (Capitalism, a Love Story).

Michael Moore, l'auteur du film, dit: «Actuellement, aux Etats-Unis, on assiste à une expulsion toutes les sept minutes».

J'ai vu son film (qui a déjà eu des millions de spectateurs dans le monde) par hasard. Il n'est projeté que le dimanche en matinée dans un petit cinéma de Zurich et n'a pas fait l'objet d'une publicité particulière. Un peu comme si on voulait le passer sous silence.

image

Michael Moore: un don pour pointer du doigt les problèmes les plus brûlants de la société

L'autopsie d'une illusion

Le film de Michael Moore ne contient aucune théorie. Moore n'est pas un politique. Certains le taxent même de populiste, mais l'adjectif ne convient pas, car s'il se fait connaître, s'il gagne de l'argent en faisant ses films, il le réinvestit — son dernier film est fait avec le plus grand soin, et avec une incomparable maîtrise; il prend aussi des risques gigantesques en les faisant: il s'attaque toujours à des sujets tabous, qui irritent le pouvoir en place de terrible façon — mais ce qu'il traite, c'est chaque fois un des grands problèmes des Etats-Unis (et, finalement, d'une grande partie du monde). Il est une des rares voix d'une véritable opposition américaine qui, une fois qu'il attaque un sujet, va jusqu'au bout des choses.

Capitalisme, une histoire d'amour a commencé par vouloir être une histoire des expulsions. Mais pour expliquer ces expulsions en masse (des millions d'Américains sont devenus des sans-logis), il a fallu expliquer la crise financière, et aussi par quels trucs la classe moyenne a peu à peu été dépossédée, de son travail, de son habitat — de son existence.

image

Les banques expulsent les propriétaires, et mettent les maisons sur le marché, elles sont vendues au plus offrant. On fait des affaires en or sur le dos du malheur des expulsés, qui se retrouvent sous tente, ou dans un mobile-home s'ils ont de la chance.

A l'instar de beaucoup de grands économistes, Michael Moore place le début de la crise actuelle en 1980. Cette année-là, Ronald Reagan devenait président, et c'était l'homme des banques. Moore montre dans le détail comment et pourquoi. Il y a une scène hallucinante, prise dans les archives des télévisions, où on voit le Président Reagan faire un discours solennel, et soudain un des directeurs de Merrill-Lynch, une des grandes banques du pays, qui avait également une fonction à la Maison-Blanche, se penche vers lui et lui dit: «Acccélérez donc un peu». Sans cérémonie, comme on donne un ordre à un valet. A juste titre, Moore souligne qu'un banquier donne un ordre au Président des Etats-Unis, et que Reagan obéit.

image

L'instant a été capté par une caméra, son compris. Speed it up! ordonne cet homme de la finance sans autre cérémonie à Ronald Reagan, son président.

Tout le film est fait d'exemples, pas de prêches.

Wall Street, les banques, les assurances pillent l'Amérique avec la complicité d'une partie de la classe politique, tout le monde le sait, pourquoi donc faut-il en faire un film?, demande un critique.

Sa réponse: parce qu'il est temps de se défendre contre ces barons de la finance qui vident sans vergogne nos poches sans que nous nous défendions.

Mais pourquoi ne nous défendons-nous pas?

Michel Moore émet une supposition: parce qu'on agite devant nous la carotte du succès possible. Le rêve américain: tout le monde peut réussir. Un jour, je serai peut-être riche, pense chaque citoyen, et du coup, ne touchons surtout pas au système.

Le film, fait par un homme qui n'est pas un intellectuel, mais qui manie la caméra comme on jouerait du couteau, raconte comment, de concession en concession, de votation en votation, de petite loi en petit règlement, on corrompt la démocratie, qui finit par n'être plus qu'un mot vide. Ceux que nous élisons nous trahissent, ils se laissent acheter par les lobbies qui représentent les intérêts privés des grands industriels ou/et des grands financiers.

Ces trahisons, nous en entendons parler tous les jours dans les nouvelles, avec leur kyrielle de statistiques. Chez Michael Moore, on voit les visages, les destins qui se dressent derrière les statistiques.

Servitude volontaire?

En voyant Capitalisme, une histoire d'amour, j'ai pensé plus d'une fois: mais comment est-ce possible que les gens ne se révoltent pas? On détruit leur travail (en le délocalisant), on leur prend leur home, on envoie leurs enfants se battre dans des guerres auxquelles ils ne croient pas, ils sont obligés de prendre deux ou trois jobs pour nouer les deux bouts, ils n'ont pas de quoi se payer le médecin et pas d'assurance maladie.

Je me suis souvenu du Discours de la Servitude volontaire, de La Boétie, un texte écrit il y a cinq siècles, et d'une actualité brûlante. Il explique comment l'individu se laisse faire par les tyrans (c'est son terme), pourquoi il ne se révolte pas.

Michel Moore n'a probablement pas lu le texte de La Boétie. Mais par ses exemples, il l'a illustré. Et à la fin du film, chacun de nous est forcé de se poser la question, même s'il n'est pas américain — après tout, une des banques dont il est question dans le film, c'est l'Union de Banques suisses, l'UBS.

N'écoutez pas les critiques négatives, allez voir ce film et faites-vous votre propre opinion.

Vous me direz ce que vous en pensez (cette dernière phrase en hommage à Mme Poppins, que je salue).

51 commentaires
1)
Smop
, le 14.12.2009 à 01:44

Les films de Michael Moore ont le mérite d’exister et de pointer du doigt quelques bribes des nombreuses dérives du capitalisme. Mais quel dommage qu’ils soient bien plus militants que documentaires. A croire qu’ils s’adressent en premier lieu à un public de quasi demeurés tant les messages martelés sont simplistes. En tout cas, ils laissent supposer une bien piètre capacité d’analyse des américains. Par ailleurs, je trouve que Michael Moore est particulièrement complaisant avec la religion, alors que celle-ci est manifestement le premier facteur d’endoctrinement et d’abêtissement du peuple, surtout aux Etats-Unis.

2)
Inconnu
, le 14.12.2009 à 06:19

Je suis plutôt fan de Michael Moore, même si je regrette son regard partisan, et donc pas assez objectif (le summum étant Fahrenheit 911). J’ai tendance à préférer un style de journalisme équilibré, pesant le pour et le contre. Ceci dit, c’est son style, on le sait, il faut vivre avec. Et puis dans le camp d’en face, ils ne se gênent pas non plus pour faire de même.

Mais j’ai été un peu déçu par ce dernier film. D’un côté, les images sont fortes et le sujet dramatique (par rapport à Bowling for Columbine, en relativisant), on n’est pas loin de “Roger & Me” ou “The Big One”. Moore prend le temps de laisser tourner la caméra, ce qui est plutôt pas mal. Mais je le sens un peu moins engagé, comme s’il avait du mal à renouveler son “forfait indignation”.

3)
Okazou
, le 14.12.2009 à 06:44

Comme tu sais dire les choses, Anne !

Je n’ai pas vu ce dernier film de l’ami américain mais j’en ai beaucoup entendu parler. Trop souvent par des critiques repus dont le jugement est tellement gauchi par la fréquentation des pouvoirs d’argent qu’ils ont pris le pli de critiquer désormais ce qu’il reste de beau et noble dans ce monde en décomposition et d’encenser l’indéfendable.

Comme tu le dis, il faut d’abord aller voir ce film (j’attends le DVD) même s’il s’adresse cette fois plus nettement au peuple américain. J’ai vu quelques séquences, notamment celle de l’expulsion d’une famille, il faut avoir le cœur bien accroché pour ne pas crier devant cette infamie.

Que Moore se fasse traiter de populiste est un hommage que les crapules lui rendent et la preuve qu’il mène un combat juste. Aujourd’hui, dès que l’on met le doigt avec précision sur le fond du problème , on se fait traiter de populiste, comme on se fait traiter d’antisémite lorsqu’on exprime son soutien aux Palestiniens et ses critiques à Israël. Les libéraux en sont là, c’est-à-dire pas loin de leur fin.

Le plus tragique, dans cette histoire d’expulsion, c’est que les gens que l’on expulse n’ont jamais été propriétaires de leur maison et ne l’auraient peut-être jamais été. On emprunte, on achète et on hypothèque aussitôt pour meubler la maison, payer les études des mômes et s’acheter le véhicule qui justifie le garage. De toute façon, sans autonomie de transport, on est mort tant les villes américaines ne sont pas des villes organisées comme on l’entend chez nous. Alors tout va bien tant que l’on peut rembourser, non pas le crédit, qui ne varie pratiquement pas, mais l’intérêt du crédit. Lorsque les taux (toujours variables) augmentent, c’est fini et l’expulsion n’est jamais loin tant les choses vont vite là-bas. Un vautour rachète ensuite la maison mise en vente par le prêteur et le jeu recommence avec une autre famille juste assez riche pour pouvoir faire semblant d’être propriétaire et pas assez pour l’être effectivement.

Que Moore montre à quel point le président-le-plus-puissant-du-monde n’est rien face à la finance internationale (imaginons alors un Sarkozy !) est exemplaire et nous indique très clairement contre qui il faut se battre et que l’on ne peut compter que sur nous-mêmes pour ce combat. Nos politiques, c’est-à-dire ceux en qui nous mettons notre confiance, ceux qui sont sensés représenter nos intérêts, ne sont que des caniches (il n’y avait pas que Blair !) aux ordres de leurs maîtres, les financiers. Vernis de démocratie, le droit de vote.

Le jeu des politiques libéraux (gauche et droite réunies) est fort simple. Il s’agit pour eux d’adopter des mesures légales pour transférer un maximum d’argent public (celui des impôts des peuples ou celui de nos bourses plates) vers les poches sans fond des financiers. C’est précisément ce qui s’est joué avec le G20 de Londres, c’est exactement ce qui se joue en ce moment à Copenhague au sujet du carbone. Taxer le carbone, c’est du nanan pour la finance ! Écologie ? Réchauffement de la planète ? Souffrance des pays du Sud ? Foutaises !

Reste, comme tu le dis, Anne, à comprendre pourquoi les citoyens ne répliquent pas plus vigoureusement au sort qui leur est échu. Mais parce que ce sont des consommateurs, désormais, plus des citoyens. La démocratie est en train de mourir de la surconsommation et d’un mode de vie inepte. Sous nos yeux.

Quant au côté calotin de Moore, évoqué par Smop-1, il est fort regrettable puisqu’au bout du compte, ce peuple est foncièrement maléable et manipulable pour avoir choisi la croyance contre la raison. C’est leur croix…

P.S. : Espérons que Moore ne soit pas, à terme, déçu par Obama en qui il croit (plus qu’en Dieu ?)


Un autre monde est possible.

4)
François Cuneo
, le 14.12.2009 à 07:23

Merci Anne.

Je n’ai pas encore vu le film, mais de ce que j’ai entendu de partout, on trouve dommage qu’il tombe dans le populisme. Okazou dit que l’on doit l’être puisque c’est ainsi que l’on se fait traiter dès qu’on mène un combat juste et qu’on met le doigt sur les vrais problèmes.

C’est exactement ce que dit l’UDC, alors cela me gêne un peu.

Cela dit, j’aime beaucoup les films de Michael Moore.

5)
alarache
, le 14.12.2009 à 08:18

Je viens d’écouter ce dimanche à FranceInter le réalisateur d’un autre documentaire qui sort cette semaine: La fin de la pauvreté

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/cosmopolitaine/

http://lafindelapauvrete.com/

Nous sommes Six milliards sur la planète et 1 milliard d’êtres humains ne mangent pas un jour sur deux à leur faim. MAIS ALORS ? Comment expliquer que cohabitent dans notre monde autant de richesse au nord et de pauvreté au Sud. Serait-ce que la prospérité des uns fasse la misère des autres ? Questions et réponses dans « La fin de la Pauvreté », le documentaire passionnant et implacable que Philippe Diaz a filmé en Afrique et en Amérique Latine. « La Fin de la Pauvreté » sort en salle mercredi prochain et Philippe Diaz sera le dernier invité de cette Cosmopolitaine.

6)
Caplan
, le 14.12.2009 à 08:27

L’instant a été capté par une caméra, son compris. Speed it up! ordonne cet homme de la finance sans autre cérémonie à Ronald Reagan, son président.

Oui, et cet homme s’appellait Donald Regan(!) Sur cette vidéo extraite du film, on peut voir la gueule satisfaite qu’il arbore après avoir donné son ordre. Ça fait froid dans le dos!

Merci Anne!

Milsabor!

7)
monmac
, le 14.12.2009 à 08:28

bq%Okazou%. Espérons que Moore ne soit pas, à terme, déçu par Obama %% Il l’est comme le donne à penser ses newletters que je reçois et sa remarque dans le film sur les bailleurs de fonds d’Obama. Mais il joue encore la carte de l’espoir, du patriotisme et de la sensiblerie, ce qui peut nous agacer à juste titre.

Par contre, le taxer de populiste me paraît déplacé puisque ce terme se réfère à une attitude politique, ce qui n’est pas son terrain d’action. Il joue dans la cour de la prise de conscience et c’est tant mieux. Des Michael Moore, il en faudrait bien davantage, pour contrer les effets néfastes des médias, car ”…le journalisme équilibré pesant le pour et le contre…”, je cherche toujours ou le le lire et le voir.

Heureusement, des Moore, il y en a par milliers sur la toile et on assiste à une véritable percée de la conscience et du pouvoir citoyen qui annonce la fin d’une société à bout de souffle. Dans son film, le parallèle avec la Rome antique est drôle et pertinent.

8)
Jimbo
, le 14.12.2009 à 08:33

C’est définitevement un film qui s’addresse en priorité au public américain. S’il veut toucher le plus de monde possible, il est obligé de le tourner de cette façon. L’américain de base veut et doit recevoir un message simple au départ. Sinon aucune chance que ça passe. Déjà qu’il faut qu’il puisse encore se payer un billet de cinéma…

Sinon ce qui me gène en général est le fait de “péjorer” le populisme de Michael Moore. Ce gars a du mérite, vraiment. Je vous défie de faire la même chose que lui en Suisse. Le comparer à l’UDC… quand même soyons sérieux.

9)
Emilou
, le 14.12.2009 à 08:46

Les exemples du passé, le communisme URSS, Chine, ……suffisent à me conforter dans l’idée que si le capitalisme entraîne les dérives citées plus haut, il reste encore le système le moins imparfait. Ceux qui le dénoncent et lui attribuent tous les maux de notre société sont les premiers à en profiter dans, parfois, ce qu’il a de vil. La crise actuelle n’a pas fait la part belle à notre système économique. Celle-ci nous a, aussi, fait perdre la mémoire. Si elle a eu l’incommensurable mérite de souligner certaines limites du capitalisme, elle en a occulté ses mérites. Je pense à des Aragon, Sartre et tant d’autres, aveuglés par la philosophie séduisante (il est vrai) de Marx, se sont laissés lamentablement piégés lors d’un voyage en URSS au point de fairel’apologie de son régime inique dès leur retour en France, . C’était tellement facile de céder à la flagornerie des dirigeants du moment dès lors qu’on profitait d’une entière liberté et du bon confort matériel de l’ouest. Si on avait découvert le régime idéal cela se saurait. Il est permis d’espérer connaître “La” société idéale, égalitaire, soucieuse de la personnalité humaine….et c’est salutaire légitime, mais entre temps cessons de cracher dans la soupe même si celle-ci à parfois un goût amer.

10)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 08:54

Mais quel dommage qu’ils soient bien plus militants que documentaires. A croire qu’ils s’adressent en premier lieu à un public de quasi demeurés tant les messages martelés sont simplistes. En tout cas, ils laissent supposer une bien piètre capacité d’analyse des américains.

Militant et documentaire ne sont pas incompatibles, Smop. Oui, ce sont des documentaires militants: ils disent des choses que la presse américaine, presque entièrement privatisée et devenue en presque totalité le porte-parole du pouvoir, veut ignorer. Ils font des liens que la machine de communication des pouvoirs s’emploie à occulter. Et il simplifie, car c’est vrai: l’Américain moyen n’a pas reçu la formation suffisant à faire des analyses. Raison pour laquelle dans ce film en particulier, Moore procède par exemples, qu’il donne d’abord, avant d’expliquer ce qu’ils signifient.

Je suis plutôt fan de Michael Moore, même si je regrette son regard partisan, et donc pas assez objectif (le summum étant Fahrenheit 911). J’ai tendance à préférer un style de journalisme équilibré, pesant le pour et le contre.

Attention! Michael Moore n’est pas un journaliste: c’est un cinéaste militant. Il traite de problèmes brûlants de manière originale, il n’a jamais prétendu vouloir être objectif. Il donne l’autre message. C’est un militant. Il suffit de regarder son site pour se rendre compte de ce qu’il tente de faire: donner une voix à ceux qui n’en ont pas, et une perspective à ceux qui en cherchent une. Il donne la sienne. L’hostilité dont il est l’objet de la part des puissants est une preuve qu’il gêne. Il n’est pas sûr d’être efficace, mais lorsqu’on milite contre de si grosses machines, on ne sait jamais si on le sera.

11)
Tom25
, le 14.12.2009 à 08:55

Personnellement j’aurais tendance à dire que les gens ne se révoltent pas car ils n’auraient plus de télé sinon. LA réponse qui nous est toujours faîte quand on critique le capitalisme est « Oui mais sans le capitalisme vous n’auriez ni télé, ni frigo, ni ordinateur, ni Coca-Cola » et là chacun repique du nez vers ses chaussures.

Je suis quasi persuadé que ces personnes qu’on expulse de leur maison et qui partent vivre dans un mobile home ont gardé leur télé. Alors on me dira qu’une télé ne vaut rien, on en fabrique à grande échelle. Mais et les logements ? Il semblerait qu’il y en ait beaucoup de vacants.

Je parle de la télé parce que c’est l’objet le plus parlant pour illustrer ce que je veux dire. Il y a le rêve américain, et cette fenêtre magique qui nous amène à l’autre bout de la galaxie en tournant un bouton.

Mais il y a une chose sur laquelle je voudrais revenir, et là je vais passer pour un extrêmement violent. Tu dis, Anne, « je ne comprends pas pourquoi les gens ne se révoltent pas ? ». Que ferais tu si voyais le père de tes voisins fracasser la tête à coup de grosse pierre de ceux venus l’expulser ? Tu lui retiendrais le bras, ou tu lui tendrais une batte de base-ball en lui expliquant qu’avec ça il se ferait moins mal aux mains ? La première question est « qui est prêt à se révolter ? » et la deuxième est « Qui est prêt à laisse faire la révolte ? ».

12)
Zallag
, le 14.12.2009 à 08:59

Un journaliste d’investigation, un journaliste-dévoileur, comme on le dit parfois dans son pays, un homme modeste et courageux, que j’admire énormément, c’est Günther Wallraff, qui a mené son enquête Ganz unten en se déguisant en Turc, verres de contact teintés, prêt à tout travail, même sale et peu payé, comme le disait son annonce, même aux dépens de sa santé, et ayant coupé presque tous ses contacts familiaux et professionnels pour s’immerger dans le milieu de ceux de “tout en bas”. On en parle ici.

Un gars qui s’implique à ce point, c’est invraisemblable. Et surtout la modestie qu’il a toujours eue vis-à-vis des médias, c’est exemplaire. Moore, certes, c’est bien aussi, mais trop différent. Trop américain, avec des attitudes de showman excessives à mon avis.

13)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 09:04

Sinon ce qui me gène en général est le fait de “péjorer” le populisme de Michael Moore. Ce gars a du mérite, vraiment. Je vous défie de faire la même chose que lui en Suisse. Le comparer à l’UDC… quand même soyons sérieux.

Ouf! Jimbo, merci de l’avoir dit!

J’aimerais remarquer que

a) Okazou n’a pas traité Moore de populiste, il a dit que le traiter de populiste, c’était un hommage qu’on lui rendait… J’ai compris cela comme: on l’insulte, donc on se rend compte qu’il est dangereux pour le système.

b) Traiter quelqu’un de populiste est une manière de se débarrasser de sa probité intellectuelle, en ce moment. Il simplifie les choses pour les mettre à la portée d’un public américain assommé par l’abêtissement ambiant (merci les TV privées et autres torchons essentiellement publicitaires). Capitalim, a Love Story est un modèle de vulgarisation éducative, pas de populisme. Il parle au grand public de manière à être compris.

14)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 09:14

Tu dis, Anne, « je ne comprends pas pourquoi les gens ne se révoltent pas ? ». Que ferais tu si voyais le père de tes voisins fracasser la tête à coup de grosse pierre de ceux venus l’expulser ? Tu lui retiendrais le bras, ou tu lui tendrais une batte de base-ball en lui expliquant qu’avec ça il se ferait moins mal aux mains ? La première question est « qui est prêt à se révolter ? » et la deuxième est « Qui est prêt à laisse faire la révolte ? ».

Mon cher Tom, tu confonds la révolte sociale organisée et une révolte personnelle, compréhensible, mais néanmoins criminelle. Tu penses bien que ce que tu supposes a déjà eu lieu. Pas à coups de pierre, mais à coups de fusil, la plupart des Américains étant armés. Cela montre le niveau der désespoir auxquels réduisent les expulsions de millions de familles.

Michael Moore montre trois exemples, disons, ordinaires: la famille qui ne sont pas de chez elle volontairement, mais se fait sortir passivement par la police, la famille qui non seulement quitte la ferme ancestrale, mais encore la nettoie et la met en ordre pour les prochains. Et la famille qui résiste, mais par des moyens légaux, et qui gagne.

Quand je me demande pourquoi les gens ne se révoltent pas, je veux dire: pourquoi ne s’organisent-ils pas pour changer les choses, pas pourquoi ne prennent-ils pas les gens à coups de pierre.

15)
marief
, le 14.12.2009 à 09:48

Anne, on ne rappellera jamais assez le Discours de la Servitude volontaire, de La Boétie. S’il y a un livre dont l’étude devrait être mise aux programmes, c’est bien celui-là… et comme par hasard, même quand on étudie Montaigne et qu’on parle de La Boétie, ce livre est passé sous silence. Je l’ai découvert tardivement et ça a été une révélation. Allez, à la place de la Lettre de Guy Mocquet par exemple !

16)
Inconnu
, le 14.12.2009 à 09:48

Dire que le monde court à sa perte et que certaines irresponsables font des gosses ! ;-) Heureusement qu’il y a des Michael Moore et des Yes Men pour ne pas désespérer des étatsuniens, en tout cas je leur fais plus confiance qu’à Obama, prisonnier du lobby financier.

17)
alec6
, le 14.12.2009 à 10:59

Merci Anne pour cet article.

Pour continuer le débat, voici un petit lien vers un article intéressant de Paul Jorion dont je vous recommande chaudement la lecture et la visite régulière du blog.

@ Emile Verschueren : Le pire n’excuse pas le mauvais ! De plus, en prenant du recul, je ne suis pas certain que le communisme soviétique s’oppose à ce point au capitalisme. Les deux systèmes n’ont eu de cesse d’exploiter les ressources de la planète comme si celles ci étaient infinies et de promouvoir chacun à sa manière une civilisation matérialiste. Avec une différence sociale importante que cela nous fasse plaisir ou non du côté communisme (santé, éducation, culture…), mais passons , là n’est pas le propos (on pourrait en discuter, je suis d’accord).

Cela ne justifie pas le goulag, certes, mais par ailleurs, Tchernobyl ne doit pas faire oublier Bopal !
Car d’un point de vue environnemental, ces deux systèmes n’ont rien à s’envier ! Accessoirement les conséquences dont on discute vaguement à Copenhagen en ce moment mettront tout le monde d’accord d’ici peu !

18)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 12:53

@ Emile Verschueren : Le pire n’excuse pas le mauvais !

Il est permis d’espérer connaître “La” société idéale, égalitaire, soucieuse de la personnalité humaine….et c’est salutaire légitime, mais entre temps cessons de cracher dans la soupe même si celle-ci à parfois un goût amer.

Dans la mesure où il n’y a pas d’autre soupe et qu’il est important de survivre, je la mange, c’est certain. Mais on a tout de même le droit de se plaindre parce qu’elle est salée (ou amère, comme tu dis). Sinon, rien ne changerait jamais.

19)
Tom25
, le 14.12.2009 à 13:18

Les moyens légaux sont malheureusement souvent vains contre tout un système. La révolte légale passe pas tout le peuple, soit le politique. La crise écologique et la crise capitaliste ne se résoudront gentiment QUE par la politique. S’il ne s’agit que de petits groupes qui se révoltent de ci de là ce sera plus sanglant.

Et je fais bien exprès de parler de violence à coup de batte de base ball. Il y a un peu plus de mille ans des gens qu’on appelle aujourd’hui barbares s’appropriaient des maisons à coup de massues. Aujourd’hui c’est à coup de fluctuations boursières. Dans 1000 ans on appellera ces gens des barbares, ni plus ni moins.
A cette époque, il fallait s’entrainer à se battre sous peine d’être dépossédé, aujourd’hui il faut travailler plus.
Le « dicton » « travailler plus pour gagner plus » sous entendait que ceux qui travailleraient comme avant vivraient comme avant. Ce n’est pas vrai, il y a surenchère et celui qui ne suit pas crève.
Désolé, mais je préfère encore les bagarres à coups de pierres, là au moins les deux camps connaissent les règles du jeu. Et surtout, il suffit qu’un des deux pose sa pierre et tourne les talons pour que ça s’arrête là.

20)
alec6
, le 14.12.2009 à 13:22

J’oubliais de mettre en lien des commentaires de Paul Jorion à propos du film de Michael Moore

21)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 13:27

je préfère encore les bagarres à coups de pierres, là au moins les deux camps connaissent les règles du jeu. Et surtout, il suffit qu’un des deux pose sa pierre et tourne les talons pour que ça s’arrête là.

Et pourtant, à la fin, pour que les choses changent vraiment, c’est la discussion qui a été décisive. Pour ce qui est des coups de spéculation boursière, les règles sont connues et simples à comprendre – c’est sur ce terrain-là qu’il faut se battre, et que Michael Moore se bat.

Quant à l’illusion que si un camp pose la pierre l’autre s’en va, il suffit de parcourir l’histoire de l’humanité pour voir que ce n’est absolument pas ainsi que cela se passe.

22)
alec6
, le 14.12.2009 à 13:47

Une parenthèse à propos de Paul Jorion à l’attention de ceux qui ne connaissent pas son blog.

Paul Jorion est anthropologue, ayant vécu aux USA pendant 15 ans et travaillé dans la finance bancaire. Il sais donc de quoi il parle ! Il s’est fait connaître en 2007 en publiant un livre “prédisant” la crise de 2008 des subprimes.

Copié sur son blog : «Il a publié, La crise du capitalisme américain (La Découverte : 2007 : Le Croquant 2009), L’implosion. La finance contre l’économie : ce que révèle et annonce « la crise des subprimes » (Fayard : 2008) et La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire (Fayard : 2008). Ses deux ouvrages les plus récents sont L’argent, mode d’emploi (Fayard : 2009) et Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard : 2009).»

23)
Tom25
, le 14.12.2009 à 13:58

spéculation boursière, les règles sont connues et simples à comprendre

Tu rigoles ? Même les plus qualifiés avouent se perdre dans ces méandres. Il faut 20 ans d’enquête pour savoir où sont passés tels ou tels fonds ?

Je ne suis pas d’accord que l’arrêt de la violence physique est une illusion. Ce que j’appelle la violence financière ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus de biens à prendre, jamais avant. La violence physique s’arrête souvent bien avant la mort de l’adversaire.
Mais bon, tout ça pour répondre à ta question. Fous ta main dans la gueule à quelqu’un et tout le monde criera au scandale et viendra s’interposer, avant même de connaitre les raisons de ton geste. Fous quelqu’un à la porte de chez lui, personne ne réagira, sauf au repas suivant pour alimenter la discussion.
Voilà, cette violence est dans nos mœurs et nous l’acceptons.

24)
alec6
, le 14.12.2009 à 14:42

Quant aux comportements “révolutionnaires” ou non du peuple… “le crédit sur le dos et son lot de rêve d’un monde meilleurs” risque d’avoir raison des jacqueries naissantes. Je veux dire par là que devoir bosser pour assurer son logement et le reste (véhicule, canapé, TV…) calme les ardeurs des révoltés face à l’injustice.

Comme l’écrit beaucoup mieux JC Michéa, il y a un siècle l’ordre social était maintenu par l’église (sermons, confession, bonne conscience…) et l’armée (service national, drapeau, patriotisme, valeurs nationales…). Aujourd’hui l’ordre social est organisé par la publicité dont l’effet premier n’est pas de vendre de la lessive, mais de montrer la “normalité” à travers la vie rêvée d’une famille modèle (pavillon, femme au foyer, petit dèje dans le jardin, enfant roi choisissant la bagnole du père de famille…), entretenu par les centres commerciaux, les sondages, l’avis des consommateurs, les grands messes télévisuelles (Téléthon, Mondial, KO Lanta et consorts…), et maintenu par LE CRÉDIT ! Le fameux crédit venu pallier la baisse des revenus de la populace (“la France d’en bas” de ce côté ci des Alpes) des plus pauvres aux moins riches, ceux que l’on appelle “la classe moyenne” où que ce soit sur la planète. Grâce au crédit, les gouvernants ont la paix ! Grâce à une organisation du travail (délocalisation, mise en concurrence, “travailler plus pour gagner plus”…) qui dévalorise ce dernier, les “travailleurs” de plus en plus nombreux, le coût du travail est de plus en plus bas (offre vs demande). Le crédit donne l’illusion de posséder et interdit toute révolte… Le capital est ainsi réparti en deux lots : ceux qui ne l’ont pas et qui travaillent pour l’obtenir, ceux qui l’ont et qui le font fructifier ! Ces derniers sont doublement gagnant : par les bénéfices et par le calme social qui découle de la rareté organisée pour que les premiers puissent l’obtenir (taux plusieurs fois supérieurs au taux d’inflation)!

Trop fort le capitalisme ! ce n’est même plus a love story, mais un syndrome de Stockholm.

PS, le système pourrait se perpétuer à l’infini s’il n’était ancré sur un principe par “essence” délétère : la nécessité d’une croissance éternelle basée sur l’exploitation de ressources énergétiques et premières… non renouvelables (et secondairement émettrices de GES) ! Là est le hic !
Le capitalisme crèvera par ce côté là, pic de production des ressources dans un premier temps (pic interdisant une quelconque croissance, imposant par là même une décroissance subie), changement climatique dans un second. Il se pourrait même que le système s’effondre avant l’épuisement des ressources elles mêmes… Entre parenthèses, on comprend mieux l’intérêt qu’ont les “World Cies” de tout poil à nier l’origine anthropique du réchauffement , puisqu’in fine ils serait reconnus comme directement responsable du merdier actuel.

25)
François Cuneo
, le 14.12.2009 à 17:03

Oups…

Certains ont cru que je comparais l’UDC à Moore?

Bien évidemment que non.

Ce que je reprochais, c’est la phrase du commentaire qui disait “Que Moore se fasse traiter de populiste est un hommage que les crapules lui rendent et la preuve qu’il mène un combat juste”.

Cela dit, la suite du commentaire d’Okazou permet la lecture qu’en a fait Anne en commentaire 13.

Merci à elle de m’avoir éclairé.

26)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 17:17

Grâce au crédit, les gouvernants ont la paix ! Grâce à une organisation du travail (délocalisation, mise en concurrence, “travailler plus pour gagner plus”…) qui dévalorise ce dernier, les “travailleurs” de plus en plus nombreux, le coût du travail est de plus en plus bas (offre vs demande). Le crédit donne l’illusion de posséder et interdit toute révolte…

Et puis le crédit permet de tirer le tapis de sous les pieds, c’est-à-dire qu’il donne le pouvoir à la finance de détruire la classe moyenne lorsqu’elle n’est plus nécessaire – par exemple maintenant, où on préfère délocaliser.

Et pour terminer, ce n’est pas pour jouer à «j’suis plus vite que toi», mais je te signale qu’un spécialiste de l’économie mettait en garde contre la pratique des subprimes dès 2005, et il prédisait que l’économie mondiale en souffrirait. A tel point que je me suis demandé un moment s’il n’était pas super alarmiste. Pour finir, il était seulement plus clairvoyant que moi… Pas difficile, tu me diras. Ce gars-là vaut la lecture pour ceux qui savent l’anglais, il s’appelle Andrew Leonard, il écrit pratiquement tous les jours, et on le trouve ici.

27)
Anne Cuneo
, le 14.12.2009 à 17:22

Citation de Anne Cuneo

spéculation boursière, les règles sont connues et simples à comprendre

Tu rigoles ? Même les plus qualifiés avouent se perdre dans ces méandres. Il faut 20 ans d’enquête pour savoir où sont passés tels ou tels fonds ?

Sans rire, Tom, les règles sont simples – mais on met par-dessus beaucoup de bruit et de fureur pour nous faire penser que de toute façon on ne comprend rien. du coup on y croit, on se dit qu’on ne peut rien faire, c’est trop difficile, et le tour est joué: on nous vole.

Tu n’as jamais entendu parler du jeu de la pyramide? On a de l’argent au départ, on paie les premiers avec l’argent qu’investissent les suivants, et les derniers venus perdent leur investissements. Voilà un des principes de la bourse. Il y en a encore quelques-uns, aussi simple que celui-là, mais qu’on recouvre de calculs savants.

28)
Tom25
, le 14.12.2009 à 17:33

J’ai tendance, comme beaucoup, à tirer à boulet rouge sur ce système mais il faut bien préciser, si besoin est, que le citoyen n’est pas irréprochable.

On a commandé une voiture à ma femme car la sienne qui a une quinzaine d’année ne passe plus le contrôle technique, loin s’en faut. Et on la paye comptant, on aurait même pu en acheter plusieurs (pas de Porsches non plus). Et on n’a ni l’un ni l’autre des salaires de ministres, mais on fait pas mal l’écureuil.

Un de mes revendeurs vient de m’appeler à l’instant pour m’annuler la commande d’un beau poêle à bois. En effet, une cliente lui avait commandé l’un des plus beaux, à 6000 € + la pose etc. Au moment de lui verser l’acompte elle lui dit : « Il faut me faire crédit sur 20 mois. Ma banque de veut pas je suis déjà surendetté ! ». Et c’est loin d’être un cas isolé. Ce qui est dingue, c’est qu’elle a choisi le plus cher. Et elle n’éprouve absolument aucune gêne à demander un crédit sur 20 mois tout en déclarant qu’elle ne peut déjà plus faire face à ses crédits en cours.

L’image du tapis est excellente, et au bout du tapis appellent les sirènes.

29)
alec6
, le 14.12.2009 à 18:08

ce n’est pas pour jouer à «j’suis plus vite que toi», mais je te signale…

Damned Anne, moi qui croyais faire illusion avec ma culture bien étalée !! hi hi hi!
Quoi qu’il en soit, merci pour cette référence, son nom ne m’étais pas inconnu, mais sans plus. A lire donc.

30)
Okazou
, le 14.12.2009 à 18:08

« Okazou n’a pas traité Moore de populiste, il a dit que le traiter de populiste, c’était un hommage qu’on lui rendait… J’ai compris cela comme: on l’insulte, donc on se rend compte qu’il est dangereux pour le système.

Traiter quelqu’un de populiste est une manière de se débarrasser de sa probité intellectuelle, en ce moment. »

Pas de doute, Anne, tu sais lire.

Extrait du Discours de la Servitude volontaire d’Étienne de La Boétie (1530-1563) :

« Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. »

Bêêêêêh ! L’histoire du berger, de sa houlette et de ses chiens. On admet… ou pas.

On trouve ici le discours in extenso de La Boétie (publié sur Debian GNU/Linux en LATEX).

Doit-on rappeler que le bon Étienne avait 18 ans lorsqu’il rédigea son discours contre la tyrannie, discours anarchiste s’il en est ?

31)
alec6
, le 14.12.2009 à 19:19

je digresse à peine… (merci Kermovan)

32)
Tom25
, le 14.12.2009 à 20:20

Ce qui me surprend dans tout ça, c’est qu’on ne voit pas de nouvelles banques se créer. Enfin je dis ça, je ne suis pas trop au courant mais les banques que je vois je les connais depuis que je suis tout gosse.

Et au sujet du dessin ci-dessus, Okazou, j’ai peur quand je te lis. Un comble hein ?

33)
alec6
, le 14.12.2009 à 20:55

Si, si, de nouvelles banques se créent, enfin… de nouvelles banques issues de la fusion ou de l’acquisition d’autres banques !! C’est ça le monde rêvé de la concurrence, une, saine et indivisible, amen !

Credo in unum deum, patrem omnipoténtem, factórem cœli et terræ, visibílium ómnium et invisibílium… tout un programme !

Le capitalisme est une religion, les cours de la bourses égrenés comme savent le faire les commentateurs sur France inter, n’ont rien à envier aux cinq Pater et quatre Ave de nos confessionnaux d’antan!

34)
Argos
, le 14.12.2009 à 21:44

Les raisons de la crise actuelle dépassent de loin ce qu’essaie de démontrer Michael Moore. Dans un système autre que capitaliste, il n’aurait jamais pu réaliser son film. Cela dit, de tels films sont absolument nécessaires à la réflexion et le documentaire qui prend parti m’a toujours paru infiniment plus intéressant que celui qui tente d’être objectif. L’un des meilleurs du genre reste pour moi L’Heure des brasiers,de Solanas, qui savait mêler révolte et intelligence de la forme.

35)
CHD
, le 15.12.2009 à 18:02

@ Emilie Pour être parfaitement objectif le capitalisme n’est pas un projet de société. On ne peut donc pas le comparer au communisme, au nazisme, etc. C’est pourquoi il existe tout aussi bien des démocraties capitalistes que des dictatures capitalistes. En tout cas, ce n’est pas le capitalisme qui a amélioré les conditions de vie des descendants des “misérables” de Victor Hugo, mais bien un mouvement de fond de notre société. Pour reprendre la citation d’Anatole France (qui parlait de la science) je pense que le capitalisme ne se soucie ni de plaire, ni de déplaire, il est juste inhumain.

Quand au communisme c’est vrai qu’il n’a jamais produit autre chose que des dictatures. Mais si je devais faire l’avocat du diable, je dirais qu’il a immédiatement été attaqué par le “capitalisme”. C’est d’ailleurs dans cette optique que la grande démocratie étasunienne avait facilité la constitution de l’armée Nazi via son business de l’acier, des télécommunications, etc. Et si l’on note qu’a l’issu de la seconde guerre mondiale plus des 2/3 des réserves mondiales d’or étaient détenues par les état-unis, on peut se dire que c’était bien la plus grosse affaire de tout les temps !

@ Argos tu peux être certain que dans une dictature (capitaliste) il n’y aurait pas non plus de Michael Moore.

36)
alec6
, le 15.12.2009 à 18:46

Es-tu bien certain CHD que le capitalisme n’ait pas de projet de société ? Consommer toujours plus pour avoir l’impression d’exister, n’est-ce pas là un projet de société ?

“J’ai donc je suis”, pour faire court ou bien sa variante à talonnettes : “Travailler plus pour gagner plus” sous entendu “pour consommer plus et être heureux plus !” Ou bien est-ce une façon pour les plus riches d’être encore plus riche en faisant croire aux plus pauvres et aux fameuses classes moyennes que le bonheur est dans le prêt !
Piège dans lequel même la gauche dite radicale en France (Besancenot) est tombée avec son incessant appel au “pouvoir d’achat”. (Donnez, donnez moi, le pouvoir d’achat, et je m’offrirait… “La Chanson du Dimanche”).

Hum ?

On peut en discuter…

37)
Tom25
, le 15.12.2009 à 19:16

Et quand bien même Michael Moore n’aurait pas pu faire son film si nos pays n’avaient pas été capitaliste (ce dont je ne suis pas convaincu comme cela a été expliqué), est ce une raison pour justifier le capitalisme ? Parce qu’il laisse des gars comme Michael Moore faire des films il a sa raison d’être ?
J’ai moi aussi ma raison d’être, j’ai cassé les 2 jambes à mon voisin, mais je lui ai laissé la vie sauve. D’autres que moi l’auraient tué !

38)
CHD
, le 15.12.2009 à 20:23

@ Alec6 Le capitalisme historique (celui qui a produit la révolution industrielle sur le dos des fameux “misérables”) existait bien avant la société de consommation et de loisir que l’on connaît actuellement (du moins en occident). En soit, le capitalisme est “simplement” un régime économique impliquant la propriété privée des moyens de production. C’est pourquoi, il peut très bien épouser des causes inattendues telles que l’humanitaire ou l’écologie pour peu que cela soit individuellement profitable et à court terme. C’est bien là toute la différence avec un projet de société dont l’objet est, par définition, l’intérêt général et à long terme. L’histoire montre que les deux ne sont pas nécessairement incompatible: l’école gratuite, laïque et obligatoire n’est pas une invention communiste même si le capitalisme actuel voudrait bien lancer une OPA agressive dessus (comme sur tout les autres services publics).

C’est difficile d’évaluer le capitalisme vu que l’on manque carrément de point de comparaison. Mais ça ne me rassure pas de savoir que largement plus de la moitié du budget des grands groupes pharmaceutiques part dans le marketing, le juridique et de moins en moins dans la recherche. Et si je ne devais garder qu’une seule image de nos sociétés actuelles, ce serait celle de la NASA qui n’arrive même plus à retourner sur la lune malgré 50 ans de progrès (du moins technologique): aurait-on fait une sortie de route sans nous en rendre compte ?

39)
Anne Cuneo
, le 15.12.2009 à 23:20

Je suis d’accord avec CHD – le capitalisme tel qu’il est aujourd’hui n’est pas un projet de société, puisque tendanciellement, il détruit la société, les liens sociaux, le travail juste et rémunéré, la nature, tout ce qui gêne l’accroissement du profit, le libre marché ne pouvant pas être un projet. Le seul «projet», c’est la voie libre à la recherche du profit.

“J’ai donc je suis”, pour faire court ou bien sa variante à talonnettes : “Travailler plus pour gagner plus” sous entendu “pour consommer plus et être heureux plus !” Ou bien est-ce une façon pour les plus riches d’être encore plus riche en faisant croire aux plus pauvres et aux fameuses classes moyennes que le bonheur est dans le prêt ! Piège dans lequel même la gauche dite radicale en France (Besancenot) est tombée avec son incessant appel au “pouvoir d’achat”.

Je dois dire que lorsque j’ai entendu Besencenot dire ça, les chaussettes m’en sont tombées. En effet, si tu réfléchis 5 minutes, il y a une contradiction fondamentale entre rechercher le profit, plus respecter la nature pour ne pas détruire la planète, et les appels au pouvoir d’achat. Lorsqu’on veut faire davantage de profit, on exploite (et pollue) la nature à outrance, on délocalise, cela met plein de gens dans une situation difficile dans le pays (France, Suisse etc.), il y a moins d’argent à dépenser, les ressources naturelles tendent à s’épuiser, cela crée la crise, et comme mot d’ordre de sortie de crise on nous dit qu’il faut rétablir le pouvoir d’achat, travailler plus pour consommer plus, mais voilà, il n’y a pas de travail pour tout le monde, alors le pouvoir d’achat s’écroule, c’est la crise, etc – voir plus haut.

40)
alec6
, le 16.12.2009 à 01:04

Anne et CHD, je ne suis évidement pas en désaccord avec vous, mais je me pose des questions à propos de cette bestiole nommée Capitalisme.

Par exemple, le Capitalisme existe-t-il vraiment avant le 18e siècle et la révolution industrielle . Je sais, ça paraît con posé de cette façon, mais l’idée du capitalisme et sa ou ses descriptions telles que les Adam Smith et consort en on fait le récit existent-elles avant ?

Parle-t-on de capitalisme au moyen âge, à la renaissance ou dans la Rome antique ? Le capitalisme n’est-il lié qu’à la propriété privée des moyens de production ? Quelle production ? Une agriculture de subsistance ? Quelques productions locales de briques ou de draps ? Quelques rares exportations de soies, épices ou mécaniques uniques ?
Certes un système commercial s’est bâtit autour pour organiser ces échanges, mais l’essentiel du “commerce” est informel alors, l’argent ne concerne qu’une infime partie de la population, la majorité se contente de troc, et d’auto suffisance bien partagée.

Plus précisément, le capitalisme n’est-il pas consubstantiel dès le départ d’une production de masse, de manufactures où règne la division du travail, du machinisme, d’une force de travail qui ne dépendra plus ni de l’homme, ni de l’animal, ni du vent ou de l’eau, mais d’une énergie essentiellement voire définitivement thermique ?

Je n’ai pas de réponse…

Au risque de m’aventurer, je me demande même si le capitalisme peut exister sans une source d’énergie indépendante de l’homme, de l’animal ou des éléments naturels ? A contrario, si la production dépend de la force humaine ou animale tant pour l’extraction de la ressource (argile par exemple) que pour sa transformation en bien d’équipement ou de “consommation” que seraient des briques ou des jarres, quelle serait la latitude de ce système (le capitalisme ?) à exploiter (dans sa définition actuelle) les humains, si TOUTE la production dépendait du bon vouloir et du savoir faire de ces mêmes individus ?

En d’autres termes, le levier “exploitant” du capitalisme n’est-il pas fourni par une énergie abondante et quasiment gratuite permettant de remplacer efficacement le bonhomme par la machine ou du moins dans un premier temps en aliénant le premier à la seconde pour une production infinie et totalement indépendante de l’humain, si ce n’est pour la “consommer”.
Rappel, “consommer” signifie “détruire par l’usage”.

In fine, l’histoire du capitalisme n’est-elle pas liée à celle des énergies fossiles : charbon dans un premier temps, puis pétrole et gaz, permettant, extraction, production, sur-production, consommation, sur consommation, gaspillage et destruction (donc rareté !) et au final délocalisation et dématérialisation ?

Une telle dépendance ne peut mener qu’à sa disparition, dans le sang et les larmes.

41)
Okazou
, le 16.12.2009 à 06:12

Pour comprendre l’organisation des sociétés, les systèmes politiques, le capitalisme et les autres systèmes économiques il faut aller en amont à la recherche des fondamentaux. Comprendre le fond des choses, pas seulement ce qui émerge.

Proudhon et sa Théorie de la propriété permettent de comprendre et parler en connaissance de cause. À lire absolument pour éclairer ses propres choix, quels qu’ils soient. C’est touffu mais un vrai régal.

42)
Anne Cuneo
, le 16.12.2009 à 09:07

Par exemple, le Capitalisme existe-t-il vraiment avant le 18e siècle et la révolution industrielle . Je sais, ça paraît con posé de cette façon, mais l’idée du capitalisme et sa ou ses descriptions telles que les Adam Smith et consort en on fait le récit existent-elles avant ?

Autre conseil de lecture, Le Capital – je sais que c’est considéré ringard de nos jours, mais on a tort. C’est un dépiautement des mécanismes, sans prêche. Le militantisme de Marx est visible dans d’autres textes, le Manifeste communiste par exemple, mais Le Capital est un ouvrage scientifique, d’une passionnante lecture, qui répond à toutes les questions de ton Post 40. La partie la plus difficile va de la troisième à la septième section. Mais la huitième répond bien à tes questions. Bref, parcours le lien que je te donne, tu peux «piquer» ensuite.

43)
alec6
, le 16.12.2009 à 10:02

Merci Anne et O. j’avoue que mes questions puisse être passées pour un peu naïves, d’autant que si je connais les références que vous me donnez, je ne me suis pas plongé dedans avant de poser mes questions; chose que je vais faire pour affuter mes arguments et/ou corriger mes errements…
D’autant que mes questions sont très mal posées…

Néanmoins,je repose ma dernière question : L’histoire du capitalisme n’est-elle pas liée à celle des énergies fossiles ? Parle-t-on du même capitalisme avant et après la révolution industrielle ?

Avec une foule de questions sous-jacentes. Peut-on être propriétaire sans être capitaliste ? Peut-on être capitaliste sans être propriétaire ? La réponse est-elle si évidente que ça ? Le seigneur médiéval est-il un capitaliste quand il cède une partie de ses terres avec les serfs qui vivent et travaillent dessus, ces derniers étant assurés de conserver leur toit et gagne pain (au sens premier) indépendamment du propriétaire ? De quoi est vraiment propriétaire un actionnaire de BNP-Paris-Bas ?

44)
Kermorvan
, le 16.12.2009 à 11:43

Proudhon et Marx n’analysent pas ceci : de nos jours (encore pour peu de temps), il en coûte un dollar pour extraire un baril de pétrole en Arabie Saoudite. Un baril de pétrole, c’est environ 1600kwh, tandis que la puissance d’un humain (mesurée par ce qu’il mange, par la chaleur qu’il dissipe dans l’environnement) est de 100w, et qu’un panneau solaire photovoltaïque fournit environ 100 kWh par m² et par an.

45)
alec6
, le 16.12.2009 à 12:34

Merci Kermorvan pour ce rappel thermodynamiste (!)…

Reformulé à ma sauce, quid du capitalisme dans un monde où un litre d’essence coûte un millième de SMIC et fournit le travail de dix esclaves ? Quid de ce capitalisme quand le litre d’essence n’existait pas ? Quand sera-t-il avec un litre d’essence coûtant dix, cent, mille fois plus ?

46)
Anne Cuneo
, le 16.12.2009 à 13:51

Mon cher Alec, tu devrais aller voir le film de Michael Moore Capitalism, a Love Story, il pose les mêmes questions que toi, et donne quelques réponses, avec des exemples qui ne sont pas tout à fait les mêmes que les tiens, mais qui sont très équivalents, et transposables. Comme quoi on revient au point de départ. CQFD.

47)
Kermorvan
, le 16.12.2009 à 14:12

comment est-ce possible que les gens ne se révoltent pas?

Il y a de la marge

48)
Anne Cuneo
, le 16.12.2009 à 23:55

Nom d’un chien Kermorvan, tu m’as fait pleurer. Magnifique chanson, exceptionnelle vidéo.

Il y a de la marge en effet…

49)
Anne Cuneo
, le 17.12.2009 à 00:16

@ Alec6 Pour répondre à tes questions sur les origines, il y a Les origines de la classe laborieuse en Angleterre de Engels, c’est une description avec une vision historique. Engels était le fils d’un propriétaire d’usine textile de Manchester, son père l’avait envoyé y travailler (pour l’éloigner de ses idées «extrêmistes» – beau succès paternel) et il parlait de ce qu’il voyait, sans complaisance et avec compétence.

50)
alec6
, le 17.12.2009 à 15:39

Merci encore Anne, mais j’ai les mêmes remarques à faire que Kermorvan 44.
Propriété, moyens de production… on est bien d’accord, mais… quel économiste, philosophe, anthropologue, sociologue ou je ne sais quoi ou qui a clairement mis en évidence la TOTALE dépendance du capitalisme moderne (depuis la révolution industrielle) avec une énergie de moins en moins chère et de plus en plus abondante ?

Faut-il attendre le Club de Rome et ceux qui peu ou prou gravitèrent autour et Jancovici pour ne citer que lui très récemment pour que soient rappelées les lois basiques de la thermodynamique ? Tout déplacement, toute transformation, toute construction demande de l’énergie et dans tous les cas de figure l’énergie restituée est inférieure à l’énergie initialement nécessaire… Sinon nous aurions inventé le mouvement perpétuel.

Je crois donc que le capitalisme moderne est construit sur cette idée absurde du mouvement perpétuel, voire sur une illusion encore plus absurde du toujours plus à partir de toujours moins ! La finance avec les Madoff et autres aigrefins nous en a donné l’exemple avec leur système pyramidal ou “Ponzi Scheme”…

Propriété, exploitation, productivité, rentabilité voire même sécu, assurances chômage et services publics ne sont que des moyens parmi d’autres pour obtenir toujours PLUS ! Or tout cela n’est possible QUE par la grâce d’une énergie toujours plus abondante… Le système ira même jusqu’à accepter tout naturellement de recycler tout ce qu’on voudra du moment qu’au bout du compte il y aura croissance.

Or… l’énergie ne se recycle pas ! Travail = chaleur. Maîtrise du feu, exploitation des énergies fossiles (moteurs thermiques, carbochimie…) = chaleur + recombinaison chimique en CO2 et vapeur d’eau pour l’essentiel de ce que l’on ne peut recycler sans dépenser à nouveau de l’énergie ! Or… CO2 et vapeur d’eau sont des gaz à effet de serre !

Que l’énergie (et matières premières fossiles – pétrole > plastiques, lubrifiants, solvants…) devienne un tout petit peu moins abondante et le système se casse la gueule !

Dans la première phase du capitalisme, le maître a besoin de l’esclave et inversement… Avec la révolution industrielle, le maître n’a plus besoin de l’esclave. Et ce n’est plus du tout la même chose. C’est là le fond de mon questionnement.
C’est ce qu’exprimait (très mal au demeurant) Viviane Forester dans “L’horreur économique”. Mais je ne me souviens pas avoir lu quoi que ce soit à propos de l’énergie dans son livre, dommage.

51)
CHD
, le 26.12.2009 à 11:47

En allant par là, c’est tout simplement la vie qui a besoin d’énergie et de matière première: un coureur du tour de France c’est minimum 6000 kCal par jour (plus une grosse cuillerée d’érythropoïétine après chaque repas).

Sinon je pense que la société de consommation, qu’elle soit capitaliste, communiste, islamiste, ou n’importe quoi d’autre, a encore de beaux jours devant elle. Car il ne faut pas oublier qu’il y a encore beaucoup de réserves naturelles, y compris même en France où, par exemple, les mines d’uranium et de charbon du Briançonnais pourraient très bien rouvrirent un jour ou l’autre. Et avec l’émergence de nouvelles sources d’énergies, renouvelables ou non (comme l’hydrogène), il est probable que cette transition énergétique ne soit pas trop brutale. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’écologie est devenue un business très profitable comme c’est souvent le cas lorsque qu’il y a spéculation sur une pénurie ou une menace quelconque…

Bonnes fêtes.