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La gratuité est-elle vraiment gratuite?

Culture en jeu est une association qui se définit de la manière suivante:

«Depuis sa création en 2002, l’association CultureEnjeu soutient l’idée d’une culture suisse riche et diverse. Elle observe la situation nationale et internationale dans les domaines qui touchent le développement de la culture. CultureEnjeu oeuvre pour mettre en lumière les problématiques essentielles qui détermineront le futur des branches culturelles et artistiques suisses».

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Culture en jeu s'engage à fond pour que la Loterie romande notamment puisse continuer à financer la culture, et que ses bénéfices ne tombent pas dans les poches de grands fianciers qui sont derrière les casinos privés - et qui aimeraient (en dernière analyse) voir disparaître à leur profit des institutions comme la Loterie romande.

Sur son site, on trouve de nombreuses contributions, et notamment une revue, consacrée aux rapports (souvent difficiles) entre les créateurs dans tous les domaines et l'argent; on peut consulter en ligne tous les numéros parus. Le prochain numéro, le 4e de 2009, est consacré à la gratuité. Ma contribution dans ce numéro a été passablement inspirée par divers débats sur le sujet qui ont eu lieu sur cuk.ch. Aussi, avec l'approbation du rédacteur en chef, nous vous en offrons ci-dessous la primeur.

 

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LA GRATUITE - COMMENT ET POUR QUI ?

 

Lorsque j’étais enfant, je rêvais d’un monde dans lequel tout serait gratuit — et où je ferais cadeau de mon travail, qui serait tout simplement ajouté au capital intellectuel mondial en dehors de toute transaction financière. A vrai dire, je ne sais pas pourquoi je parle au passé. J’ai grandi depuis — mais ce rêve-là ne m’a pas quittée. Je me dis qu’il reflète un besoin fondamental de l’homme: donner et recevoir, librement, en toute amitié. 

Problème: dans un monde régi par l’argent, c’est une utopie, car il y a toujours quelqu’un qui paie, et c’est parfois quelqu’un de lointain — le petit Africain que nous avons privé de son avenir en phagocytant ses matières premières, ou la jeune Chinoise qui fabrique ces baladeurs qui «coûtent si peu», 15 heures par jour, pour un salaire de misère. Or, pour que l’utopie du «tout gratuit» se réalise, il faudrait que TOUT soit TOUJOURS gratuit pour TOUS. Dans la société postmoderne, entièrement basée sur l’argent (ou sur la bourse), c’est impossible.

 

La gratuité — une notion qui coûte cher

 

Petit dialogue trivial.

Nous sommes au bord de la route, dans la région de Nice, et attendons le passage des coureurs du Tour de France.

«Pourquoi êtes-vous là?»

«Pour voir les coureurs», dit l’un.

«Parce que c’est gratuit», dit un autre.

«Gratuit? D’où venez-vous?»

Ils viennent de Brest, nous sommes à l’autre bout de la France, ils se sont mis quatre dans une voiture, parce qu’ils aiment le cyclisme, et parce que c’est «gratuit». J’ai calculé que ce plaisir «gratuit» aura coûté à chacun d’entre eux entre 200 et 300 francs suisses.

Cela aura rapporté à quelque marchand d’essence, à quelques restaurants, à quelque hôtel ou terrain de camping, et ainsi de suite. Pour les coureurs et les organisateurs du Tour de France, le rapport aura été de voir quatre personnes de plus sur la route, dont le “cerveau disponible” aura emmagasiné toute la publicité qui accompagne le Tour.

Autre exemple: les quotidiens «gratuits».

Un quotidien gratuit n’est pas plus gratuit qu’un échantillon «gratuit». Il est payé, et par nous, mais de façon indirecte: la publicité est financée sur le produit de vente des marchandises que nous aurons achetées parce que nous avons vu l’annonce dans le quotidien gratuit, qui peut faire payer la publicité d’autant plus cher que davantage d’entre nous l’auront lu.

J’ai pris tout exprès des exemples hors du monde de la culture, pour illustrer une affirmation qui devrait être une vérité de la Palisse, mais — à mon grand étonnement — ne l’est souvent pas: dans notre société, RIEN N’EST GRATUIT.

Un morceau de musique gratuit pas plus qu’autre chose.

Simplement, l’argent est distribué autrement. Et dans cette nouvelle distribution, les vrais dindons de la farce, ce ne sont pas les producteurs (les statistiques démontrent que les soi-disant pirates sont les meilleurs acheteurs de CD musicaux ou de films en DVD, par exemple), mais les auteurs.

Pour pouvoir télécharger de la musique «gratuitement», il faut disposer d’un matériel très dispendieux, et le morceau «gratuit» dont on jouira illégalement aura en fait coûté une jolie somme — et rapporté pas mal d’argent à quelques investisseurs, industriels, revendeurs (de supports, de liaison internet, etc.), tout en en privant d’autres de ce qu’ils considèrent leur bénéfice légitime — sans parler de l’auteur, qui ne touchera pas de droits.

Mais soyons assurés que si on parle beaucoup des auteurs dans nos milieux, ailleurs ce qui préoccupe les industries lésées, ce sont les marges et les bénéfices perdus avant toute chose. L’auteur, sans lequel aucune industrie culturelle n’existerait, est traité de plus en plus clairement pour ce qu’il est: un ouvrier sur le travail duquel on fera des profits, entre autres en le payant le moins possible.

 

La gratuité et l’auteur

 

L’écrivain Jean-Louis Sagot Duvauroux a publié deux écrits sur la gratuité: d’abord, en 1995, «Pour la gratuité», puis, en 2006, «De la gratuité». Dans la logique des choses, ils sont tous deux librement disponibles sur internet.

«De la gratuité», a été publié par les Editions l’éclat, qui mettent toujours les textes librement à disposition sur internet (gratuitement s’entend) en même temps qu’ils les mettent en vente comme livre. Résultat: de bonnes ventes de livres — les éditeurs pensent même qu’ils vendent davantage grâce à leur stratégie.

Je donne ici deux extraits de la réflexion de Jean-Louis Sagot Duvauroux qui me paraiss ent particulièrement pertinents. Ils sont consacrés plutôt au livre, mais ce n’est pas si différent pour les autres domaines de la création.

Il constate tout d’abord la rapidité avec laquelle les choses ont changé:

“Souvenez-vous de ces temps lointains. Le texte reste ligoté à la marchandise imprimée grâce à laquelle depuis Gutenberg, on sait le faire passer de mains en mains. L’onde Internet est déjà lancée, mais elle ne s’est pas encore répandue. Onze ans plus tard, elle est devenue tsunami. Désormais, pour un coût marginal, le texte se déverse sans délai sur la planète entière. Grosse suée chez les gardes-barrières de la propriété intellectuelle. Inquiétude aussi chez les écriveurs de textes écrits qui voient s’effriter, sans solution de rechange en vue, une de leurs sources de revenus.”

Jean-Louis Sagot Duvauroux donne ensuite la clé fondamentale de la situation de la création dans nos sociétés:

«Les processus d’innovation culturelle – création artistique et littéraire, recherche scientifique, pensée théorique, inventions sociales – sont désormais placés sous la prépondérance du capitalisme financier. […] Ayant fait de l’innovation culturelle une marchandise comme une autre, les énormes concentrations capitalistes qui désormais la cornaquent évaluent ce produit comme elles évaluent les autres, à l’aune de leur critère unique: la capacité à générer un taux de profit suffisant pour se financer sur le marché des capitaux. Le débat n’est plus dans l’affrontement de la vérité contre l’erreur ou le mensonge. L’usage du langage, sa fiabilité, a cessé d’indiquer la route. Non plus «de quoi ça me parle», mais «qu’est-ce que ça me rapporte». La friction entre la vérité conservatrice de l’ordre établi et les explorations de l’innovation créative s’efface devant un critère totalement nouveau, totalement hétérogène à la question du langage: l’augmentation du taux de profit.” (1)

 

Quelle bataille, et par qui?

 

Lorsque les possesseurs de mp3 s’indignent qu’on ajoute une taxe sur leur baladeur pour compe nser le «piratage» et permettre aux auteurs de toucher quelques droits tout de même,   ils ont à la fois tort et raison.

Ils ont tort, parce que l’auteur aussi doit vivre.

Et ils ont raison pour deux motifs différents. 

D’une part, un grand nombre des morceaux qu’ils mettent sur leur baladeur ( tous, même, pour certains) ont été acquis tout à fait légalement, et payés — et leur argument est que si c’est comme ça, ils vont désormais pirater en toute bonne conscience.

Et d’autre part, toute cette grande lutte contre le piratage n’a pas en premier lieu été engagée pour les droits d’auteur, mais pour les profits des multinationales de la culture, ce que touchent les auteurs (souvent le moins possible — comptez sur les maisons de production pour cela) n’était qu’une fraction des sommes en jeu. On comprend que le consommateur qui oublie l’auteur, mais n’a guère loisir d’oublier l e producteur, ait l’impression de payer la marchandise deux fois.

 

La gratuité — réalisable?

 

Mais les protestations découlent aussi d’une confusion. 

Lorsqu’on parle des problèmes de droit d’auteur, on est souvent confrontés à des sourires sceptiques: on peut se faire pas mal d’argent en tant qu’artiste. Cette croyance générale est due au véritable lavage de cerveau que représente le culte du vedettariat dans tous les domaines de la création. Quelques talents exceptionnels surgissent, on fait la promotion de quelques autres: et on sous-entend que c’est à la portée de tout le monde. Vous ne vous enrichissez pas? C’est de votre faute. Vous êtes riche? Alors, si je pirate quelques centimes de vos droits d’auteur, vous ne vous en apercevez même pas.

Il y a là une grave confusion entre producteur et créateur, qui ne sont en dernière analyse, derrière de belles paroles, que patron et employé — mais un patron et un employé particulier. Le salaire ne sera versé que si la marchandise est vendue, avec des garanties minimes. 

Par ailleurs, pour que le système du vedettariat fonctionne, il faut qu’il y ait pénurie — c’est-à-dire peu d’élus pour beaucoup d’aspirants. Le producteur filtre avec un œil sur le profit, et que le contenu soit bon ou pas, cela vient en second lieu. Face à cela, le créateur n’a guère voix au chapitre.

Par rapport à la globalité de la création, le vedettariat n’est que de la poudre aux yeux — la plupart des artistes gagnent si peu sur leurs œuvres qu’ils sont obligés d’exercer un autre métier à côté, et de sacrifier du temps qu’ils pourraient consacrer à leurs œuvres. Et si beaucoup d’artistes se battent, c’est parce que ce qu’ils pensent avoir à partager (écrire, chanter, peindre, inventer, philosopher, etc., etc.) est pour eux plus important que l’argent.

Ils vivent dans une société où (comme Marx l’avait prédit à une époque où ce n’était pas encore totalement le cas) l’argent a tout envahi, y compris la conscience.

 

Conclusions?

 

Lorsqu’un objet de consommation est «gratuit», il est en fait payé autrement, bénéfices et pertes sont distribués différemment - dans une société régie par l’argent, rien, répétons-le, n’est gratuit. 

Mais si la gratuité, dans une telle situation, est une impossibilité, la revendication de la gratuité, elle, est l’expression — confuse, souvent mal dirigée — d’une aspiration profonde de l’humanité: une vie d’harmonie, sans conflits, dans laquelle nous pourrions donner et recevoir librement, dans un monde d’abondance, ce que nous avons de meilleur en nous: nos pensées, nos œuvres. Tout, quoi.

La revendication de la gratuité est donc plus que légitime. Mais il faut se rendre compte que si on veut que ce soit davantage que de belles paroles, si on va jusqu’au bout de la logique, elle ne se limite pas aux auteurs: elle met en cause tout le système social dans lequel nous vivons actuellement, et implique une société fondamentalement différente - plus égalitaire, plus fraternelle et plus juste.

 

(1) Jean-Louis Sagot Duvauroux, «De la gratuité», éditions de l’éclat, Paris 2006, et http://www.lyber-eclat.net/lyber/sagot1/gratuite1.html#2

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Un des derniers numéros de Culture en jeu

 

PS. On peut télécharger tous les numéros de Culture en jeu sur le site, et on peut s'abonner à l'édition papier, ne serait-ce que par solidarité... Dans le No 4/2009, d'autres articles examinent des points sur lesquels je ne m'attarde pas ici (internet, la musique etc.).

26 commentaires
1)
Okazou
, le 24.11.2009 à 06:14

Très beau papier, Anne. Presque trop beau car il ne laisse guère de prise à l’engagement d’un dialogue (un tant soit peu polémique, bien sûr !) tant ton regard sur la gratuité est proche du mien.

Gratuité souhaitée et espérée dans un contexte social à transformer.

Ce n’est d’ailleurs pas tant le gratuit, qu’il faut réclamer, mais le juste échange. L’échange équitable. Disons que l’idéal pourrait se situer entre gratuité et échange équitable. Quel que soit le service ou le bien concerné.

Pour en rester aux biens culturels il est bon de rappeler que ce que nous payons aujourd’hui est moins une œuvre que son support – moins le texte que le livre. L’œuvre d’un seul être enregistrée (un livre est un enregistrement, une manière de mise en mémoire en même temps qu’une mise à disposition) sur un support élaboré par un artisanat ou une industrie et la distribution de ce support sur des réseaux (libraires, disquaires, Toile…)

Trois intervenants sont concernés : l’artiste créateur ; le fabricant-commerçant-distributeur ; vous et moi. On voit qu’entre l’artiste qui crée l’œuvre pour nous et nous-mêmes qui sommes dans l’attente de sa création se glisse, comme un coin dans un tronc, le monde marchand qui, comme nous, mais avec une attention et des intentions très différentes, attend la naissance de l’œuvre pour nous la fourguer (pas de sentimentalisme en affaire) et nous vider les poches. Tout le problème réside dans cette interface marchande qui s’immisce entre des hommes qui créent de la culture et des hommes naturellement avides de cette culture. Un échange équitable peut s’établir aisément entre les créateurs et les récepteurs de culture. En revanche il est parfaitement inéquitable entre l’industrie et le créateur et entre l’industrie et le pigeon de payant.

Faut-il alors supprimer cet ogre d’intermédiaire ? Et d’abord, est-il vraiment utile ou bien ne se contente-t-il pas de sucer la sève des organismes vivants (vous savez ? l’homme !) qu’il parasite par les deux bouts ?

Mes libraires, j’y tiens. Mes disquaires aussi. Ils sont compétents et les rapports humains directs se raréfient tellement par les temps qui courent. Et puis je remarque que j’achète plus souvent ma littérature chez de petits éditeurs qui ne se sont pas fait bouffer par des gros dans la tourmente des concentrations. Hachette appartient au marchand d’armes Lagardère et Hachette ce n’est pas que Hachette littérature mais aussi : Grasset, Fayard, Stock, Calmann-Lévy, Jean-Claude Lattès, Harlequin, Armand Colin, Hattier, Le Livre de Poche et Marabout. J’en oublie sûrement.
Heureusement, les petits éditeurs (qui vivent de peu mais sont passionnés par ce qu’ils font) se multiplient.

Les éditeurs de supports papier sont plus à l’abri de la dématérialisation (numérisation) des œuvres. Ce n’est pas demain que l’on se baladera avec un eBook®, le livre papier est un objet trop sensuel et tellement plus pratique au lecteur. En revanche, les éditeurs de supports de musique ont du mouron à se faire.

Aujourd’hui la musique peut être produite directement par son créateur et distribuée sur la Toile. Demain, des coopératives (structures éminemment démocratiques) peuvent être créées pour produire et distribuer la musique, tous genres confondus.
Pour la coopérative, le travail n’est pas une marchandise (Organisation Internationale du Travail), les salariés-coopérateurs détiennent la majorité du capital et ne disposent, quelle que soit leur fonction, que d’un seule voix à l’assemblée générale. On regarde alors le monde autrement. Idem pour les mutuelles dont les membres sont, dans le même temps, actionnaires et clients.

Les compétences n’ont jamais été l’apanage des directions des grands groupes. Les compétences, on les trouve chez les créateurs et les techniciens. Chez ceux qui ne réclameront jamais de parachute doré.

Les moyens techniques et les moyens légaux sont aujourd’hui réunis pour mettre en place une culture dynamique et ambitieuse, non marchande, où chacun trouvera, créateur ou technicien, une maîtrise et une reconnaissance de son travail et où le consommateur cèdera sa place à l’amateur gourmand.

La recherche d’un échange équitable entre créateur, producteur et amateur d’œuvres culturelles me semble donc plus intéressante que la quête de la gratuité.


Le monde n’est pas une marchandise.

2)
ysengrain
, le 24.11.2009 à 08:56

Merci Anne, de ce beau rappel à l’ordre, en quelque sorte.

Une fois qu’on a compris qu’aussi les relations entre individus ou êtres vivants ne sont pas gratuites, “c’est plié”. Le chien dont on vante, à juste titre, la fidélité, qui de fait n’est qu’une relation d’amour, trouve une récompense à cette fidélité. Il en est de même me semble-t-il dans toutes les relations. Hélas, ces relations là ne sont pas les seules à être “imbibées” d’intérêt.

3)
jeje31
, le 24.11.2009 à 09:14

Bonjour,

merci pour ce très bon article qui pose bien le problème de la gratuité.

Dans l’élaboration d’un produit culturel de masse, il y a pas mal d’intervenants entre l’auteur et le producteur. On l’oublie trop souvent et c’est dommage que cet article ne les mentionne pas. Mais je pense aux ouvriers de l’imprimerie, aux techniciens du son du studio d’enregistrement, aux cadreurs, aux monteurs du cinéma, etc. Ils sont pris en étau entre l’auteur – parfois sacralisé quand il atteint la renommée – et le producteur. Donc quand les producteurs cherchent à gagner de l’argent, c’est aussi pour pouvoir payer toutes compétences, souvent tenues pour quantité négligeable. Mais qu’on ne fasse pas dire ce que je ne dis pas : le profit pour le profit voulu par ces multinationales n’a évidemment pas grâce à mes yeux.

4)
ysengrain
, le 24.11.2009 à 10:38

Gratuité disiez vous ? Hier, je fais une réservation pour l’exposition sur les peintres hollandais de la collection du RijksMuseum d’Amsterdam. J’ai le choix entre le site de la Pinacothèque de Paris qui reçoit cette manifestation et la FNAC, grand distributeur de billets d’entrée. Étant adhérent à la FNAC, je choisis la FNAC pour cette transaction. Je choisis la possibilité d’imprimer les billets. En fin de transaction, juste avant de cliquer sur “Payer”, je m’aperçois de l’existence d’une ligne de facture supplémentaire: => Impression du billet à domicile: 1 euro. Oui, vous avez bien lu. De cette manière, en utilisant mon courant électrique, mon ordinateur, mon imprimante et ses cartouches, que même que je les ai payées moi même, et mon papier, je fais faire à la FNAC l’économie de gestion de billet, d’impression, d’envoi et ces mal-élevés veulent me faire payer ??

J’ai adressé un e mail pour signaler cette anomalie et faire part de mon mécontentement.

Réponse:

Bonjour Ysengrain

Merci de nous avoir contactés. Voici la réponse du service client à votre demande numéro 452022-1258990884 :

Suite à votre mail, nous vous informons que vous pouvez effectuer votre achat de chez vous ; et obtenir vos billets de façon instantanée, sans attendre de les recevoir par courrier, ou sans avoir à vous déplacer en magasin. C?est un nouveau service qui vous est proposé. Ce service a nécessité des développements technologiques permettant de générer votre billet, et de fournir les informations nécessaires à l?accès à la manifestation pour que vous puissiez entrer. Au titre de ce service, des frais vous sont facturés. Cordialement, L’équipe Billetterie

5)
MondeFormidable
, le 24.11.2009 à 11:13

La “gratuité” ? Une remarquable invention totalitaire ou le peuple fini par faire des sauts de cabri pour réclamer ses propres chaines.

6)
Guillôme
, le 24.11.2009 à 11:17

Désolé Anne, je n’ai pas encore eu le temps de lire le magazine cité et son article sur le gratuit… Promis, je le fais dès que possible.

Je me dis qu’il reflète un besoin fondamental de l’homme: donner et recevoir, librement, en toute amitié.

Ce qui me gêne dans ton humeur, c’est le mélange gratuit et libre. Ce sont deux choses fondamentalement différentes.

Personnellement, j’attache beaucoup plus d’importance à des formats ouverts, à la liberté d’utilisation, au partage de la connaissance… qu’à la gratuité!

Comme tu le dis rien n’est gratuit, mais à la rigueur, peu importe. Ce qui est gênant c’est ce qui n’est pas libre!

Et quand je dis libre, je ne dis pas libre au sens licence GPL du logiciel où l’on peut dupliquer ton oeuvre et la redistribuer sans que tu n’aies ton mot à dire ou un quelconque bénéfice.

Non, quand je dis libre, je veux dire dont on peut jouir sans entrave et sans limitation artificielle dans la limite des droits acquis.

Dans la logique des choses, ils sont tous deux librement disponibles sur internet.

Libre ne veut pas dire gratuit. Libre peut impliquer la gratuité. Gratuit ne veut pas dire libre et, encore moins, gratuit n’implique pas libre dans la logique des choses…

Lorsque les possesseurs de mp3 s’indignent qu’on ajoute une taxe sur leur baladeur pour compenser le «piratage» et permettre aux auteurs de toucher quelques droits tout de même, ils ont à la fois tort et raison.

En France, la taxe sur les supports d’enregistrement (ex : VHS) a toujours eu lieu, il y avait donc moins d’indignation sur ce sujet que sur la protection des morceaux de musique :

  • protection qui empêchait la copie en violation du droit à la copie privée (depuis la loi a été changée en France et il est autorisé d’interdire la copie à ses clients (sic) )
  • protection qui limitait les usages de façon stupide (lieu de lecture, matériel de lecture…)

Là où les couacs ont eu lieu, c’est avec la disparition des vendeurs en ligne qui ont subitement laissés sur le carreau les acheteurs avec leurs morceaux qui devenaient illisibles. Vu les risques financiers et les plaintes, l’industrie est finalement revenu à la raison avec désormais des morceaux de musique qui ne sont plus protégés.

Concernant la taxe sur les supports, je ne vais pas entrer dans ce sujet et les abus car sinon je fais écrire 6 pages de commentaires!

La gratuité — réalisable?

Encore une fois, je pense que cette question positive la gratuité comme si c’était un but en soi. Alors même que je pense que la gratuité n’a pas d’intérêt. Ce qui compte, c’est l’accès à l’information, l’absence de verrou technologique!

Lorsqu’on parle des problèmes de droit d’auteur, on est souvent confrontés à des sourires sceptiques

Pour ma part, non.

Je me pose plutôt des questions sur la durée des droits d’auteurs ou sur les droits des auteurs à protéger eux-mêmes leurs droits en substitution de la justice elle-même… Sujets complexes où je n’ai pas d’avis tranché ou de réponse à donner.

7)
alec6
, le 24.11.2009 à 11:38

Excellent article Anne !
je ne développerai pas d’avantage, Okazou l’a bien mieux fait à ma place, mais je mettrai ton article en parallèle avec cet autre article de Contre-info (encore et toujours conter-info !) dont l’original en anglais est à lire ici.
Je vous recommande le paragraphe sur le paradoxe de Lauderdale ie valeur d’usage et valeur d’échange… C’est long, c’est de l’économie et c’est en anglais, mais permet de comprendre un peu mieux le monde dans lequel nous vivons (le fond de l’article est consacré au “capitalisme soi disant vert”) !

PS sans aucun rapport, et pour faire suite à l’article de François Charlet, j’ai vu le film 2012 et repéré entre autres ce dialogue “un milliard de dollars ! c’est beaucoup !” – “ce ne sont pas des dollars, mais des euros” sacrés yankees !

8)
Modane
, le 24.11.2009 à 11:54

Là, c’est clair! Et je suis d’accord avec le simple déplacement du circuit financier pris pour de la gratuité, et le rôle des intermédiaires que tu soulignes.

La question du droit d’auteur ne devrait pas être remis en cause. Mais la marge des intermédiaires, elle, l’est déjà souvent. Et pour avoir vu un jour arriver dans une maison de production le cadeau qu’on allait faire à un personnage connu, une Porsche, payée par la communication, j’abonde!…

Au point que si j’apprenais avant à mes monteurs et vidéastes les circuits de distribution et le statut d’intermittent, j’ajoute maintenant qu’ils ont toutes possibilités de vendre eux-mêmes, directement, et d’ainsi prendre les budgets, et le risque de l’entreprise.

Mais comme le soulignait Anémone dans un entretien, il y a quelques années, il est paradoxal de demander à un créatif d’être aussi un commerçant, les deux n’allant souvent pas de pair.

9)
MondeFormidable
, le 24.11.2009 à 13:09

la gratuité ?

C’est la bête travestie en ange.

C’est l’impuissance sous l’illusion du pouvoir.

Et son paroxysme c’est taxer le chant du rossignol, pour offrir “gratuitement” la dernière bouse que les “communiquants” “créatifs” “pubard” “markecteux” “think thank” on choisi de nous imposer.

10)
ToTheEnd
, le 24.11.2009 à 16:03

Je n’ai pas tout compris parce que j’ai l’impression que la question du jour est, au fil des lignes, emportée par la cause de l’auteur sur des terrains différents qui appellent des commentaires et des solutions différentes.

C’est clair que rien n’est gratuit et penser autrement, c’est faire preuve d’une jolie naïveté (bon, il y a encore énormément de croyants).

Il ne fait aucun doute que l’éclosion de nouveaux talents a été possible via Internet… aucune major ou autre multinationale aurait mis un rond sur certains nouveaux artistes.

Je ne doute pas que dans le même temps, certains artistes souffrent de la transformation… mais comme dans tout changement.

Tout ça, c’est une transition et comme toute transition, elle a un début et une fin. Actuellement, tout le monde crie (de l’auteur à l’éditeur en passant par le client) car tous sont en train de perdre quelque chose… mais celui qui gagnera à la fin est d’après moi le client.

J’aimerais prendre un exemple simple: aujourd’hui, je regarde de moins en moins la TSR et en particulier, certains de leur programme. Toutefois, je dois m’acquitter de la redevance et de bien autres taxes alors que je ne regarde pas 5% de ce qu’ils diffusent.

Demain, via un forfait que je paierai par mois ou par an, j’aurai accès à 24h de contenus par jour dans le monde entier. Je pourrai choisir ce que je veux sans payer 1 sous de plus et sans me préoccuper du fait que j’ai un abonnement ou non, qu’il faille payer un magazine car je veux lire un article. Le partage de mes deniers sera assuré au pourcentage de ce que je regarde… de l’auteur, réalisateur, producteur, etc.

Le directeur de la chaîne Mezzo disait récemment: ça me va d’être dans un marché de niche au niveau mondial… c’est tout de même 20 millions de téléspectateurs. Et qui s’en plaindrait?

Tout le monde y trouvera son compte à l’exception de ceux qui n’ont pas vu le changement venir, qui y sont réfractaires ou qui n’en veulent pas.

T

11)
Anne Cuneo
, le 24.11.2009 à 16:48

Ce qui me gêne dans ton humeur, c’est le mélange gratuit et libre. Ce sont deux choses fondamentalement différentes.

Personnellement, j’attache beaucoup plus d’importance à des formats ouverts, à la liberté d’utilisation, au partage de la connaissance… qu’à la gratuité!

Comme tu le dis rien n’est gratuit, mais à la rigueur, peu importe. Ce qui est gênant c’est ce qui n’est pas libre!Et quand je dis libre, je ne dis pas libre au sens licence GPL du logiciel où l’on peut dupliquer ton oeuvre et la redistribuer sans que tu n’aies ton mot à dire ou un quelconque bénéfice.Non, quand je dis libre, je veux dire dont on peut jouir sans entrave et sans limitation artificielle dans la limite des droits acquis.

Un livre que j’emprunte à la bibliothèque municipale de ma ville (gratuit dans la mesure où j’ai payé mes impôts, qui co-financent la bibliothèque) est libre et (apparemment) gratuit.

Je n’ai malheureusement pas le temps de dépiauter ton raisonnement, mais il me paraît peu logique.

Quant au fait que je ne fais pas la distinction, je répète que mon article est un de six qui paraissent dans CultureEnJeu No 24 (sortie prévue le 16 décembre) que j’encourage les débatteurs ci-présents à lire. On peut le commander ou s’abonner pour une somme très modique ici

Quelques semaines après la parution, le numéro est mis en ligne (gratuitement) où on trouve aussi les anciens numéros. Si l’envie vous prend de les lire, commencez à rebours, par le dernier. au début nous tâtonnions un peu, les numéros sont moins approfondis que depuis quelque temps.

12)
Anne Cuneo
, le 24.11.2009 à 16:56

Tout ça, c’est une transition et comme toute transition, elle a un début et une fin. Actuellement, tout le monde crie (de l’auteur à l’éditeur en passant par le client) car tous sont en train de perdre quelque chose… mais celui qui gagnera à la fin est d’après moi le client.

Tu emploies le mot juste: le CLIENT gagnera. Le client qui implique une transaction essentiellement mercantile. Le problème, très complexe, de la culture est que la culture en tant que marchandise tend à un tel nivellement par le bas, que le consommateur qui y aura gagné (en argent) aura perdu (en culture). Je ne prétends pas avoir la réponse, mais il me semble qu’une chose soit sûre: cette réponse, ce n’est pas la libre concurrence de la société ultra-libérale actuelle.

13)
Anne Cuneo
, le 24.11.2009 à 16:59

Encore une fois: cet article est une partie d’un tout. Certains des arguments que vous aimeriez voir discutés le sont dans le No 24 de CultureEnJeu, sortie prévue le 16 décembre. Le probléme de la gratuité et du libre y sont traités sous toutes les coutûres.

CultureEnJeu

14)
ToTheEnd
, le 24.11.2009 à 18:23

Allons, allons, un client n’est pas qu’un hominidé qui a évolué avec des sous dans ses poches. Il est également un formidable vecteur de communication. Tous ceux qui ont connu le succès doivent remercier les amis et autres qui ont participer – du moins au début – à la propagation de son oeuvre. Cet élément n’est pas prêt de changer… au contraire, il va se renforcer.

Donc, est-ce que ces 500 dernières années ont vu un progrès en terme du nombre d’artistes et de l’offre culturelle disponible? A notre échelle, est-ce que ces 100 dernières années ont vu plus d’artistes et de choix que tout autre période?

Assurément. Ne pas le voir, c’est faire preuve de mauvaise foi.

Va-t-on vers moins de choix, moins de qualité, moins d’offre, etc.? Ou comme tu le dis, on va perdre en culture?

Ton argumentation ne me convainc pas… d’après moi, les décennies à venir devraient être encore plus intéressantes que celles qui se sont écoulées.

T

15)
Guillôme
, le 24.11.2009 à 23:21

Un livre que j’emprunte à la bibliothèque municipale de ma ville (gratuit dans la mesure où j’ai payé mes impôts, qui co-financent la bibliothèque) est libre et (apparemment) gratuit.

Aujourd’hui oui mais demain avec le livre numérique ce ne sera pas le cas si les solutions fermées et liberticides prennent le pas sur les solutions ouvertes. Ton livre sera d’apparence gratuite et non libre…

Rien qu’à ma médiathéque municipale, je ne peux pas profiter de la vod arte (20 films avec ma carte) car je suis sous mac et que arte utilise une solution fermée et avec des verrous numériques.

16)
Smop
, le 25.11.2009 à 00:31

Cette conclusion en ode à la gratuité, ou plus exactement à l’échange sans passer par la case de la très relative valeur de l’argent, est sympathique. Comme toutes les utopies d’ailleurs. Cependant, dans un monde malheureusement mené par la vénalité, force est de constater que nombreux sont ceux qui dissimulent derrière leur revendication de la gratuité et du partage la justification du vol.

17)
pat3
, le 26.11.2009 à 08:25

Deux remarques après t’avoir lu, Anne, et avoir lu les commentaires.

Je suis globalement d’accord avec ton idée de la (fausse) gratuité, mais je reste très dubitatif quant à la conception angélique de l’artiste qui sous-tend ta réflexion: si comme le dit Modane

La question du droit d’auteur ne devrait pas être remis en cause

la gestion du droit d’auteur pourrait être discuté, la durée du droit d’auteur pourrait faire débat, et, plus globalement, c’est la question de la valeur de la production artistique (car toute production artistique n’est pas œuvre d’art – à moins qu’on entende par là ouvrage d’art) qui pourrait être discutée. Or, dans ton propos, l’artiste est neutre (si ne c’est valeureux), c’est le marchand qui pourrit tout.

Ben non; à mon avis, non. L’artiste peut aussi être vénal (le débat sur la loi DAVDSI a bien montré que c’était le cas), calculateur, trompeur même, en tenant un discours artistique empreint de certaines valeurs, quand il en véhicule de tout autre dans sa vie économique (épargnes et actions)… On est passé près, dans le débat français, d’un accord sur la licence globale, qui aurait à mon avis clôt le débat: mais curieusement, les producteurs, les ayants-droits (ah les ayants-droits: épiciers de la propriété intellectuelle, petits propriétaires du talent de leurs aïeux), certains artistes parmi les mieux payés, les sociétés de gestion des droits des artistes se sont élevés contre… C’est qu’il aurait alors fallu remettre sur la table le mode de répartition des droits de la SACD et de la SACEM…

Ce serait bien qu’on arrête cette dichotomisation digne du conte populaire, méchant marchand, gentil artiste. Ça fausserait moins le débat; notamment quand on considère l’éco-système au sein duquel l’artiste prend place; même lorsqu’on se dit qu’en allant au concert plutôt qu’en achetant les disques, on réduit l’écart entre l’artiste et son public, on se trompe: une tournée, c’est du matériel, du transport, et des gens: des techniciens, un loueur de salles, un organisateur de tournée. C’est tout ce monde qui vit de la production musicale d’un interprète, qui est parfois l’auteur-compositeur (sinon, c’est encore une autre personne); et tout ça ne fonctionne que s’il y a de la promotion pour le faire savoir, des affiches, des billets, des spots radio, du buzz internet: autant de produits qui font l’activité d’une industrie.

Bref: non, l’artiste n’est pas hors du monde, à créer sans souci et sans contrainte, il fait partie d’un monde à valence économique forte. Et ça a toujours été le cas!! La littérature s’est développée avec la lecture, qui elle même s’est développée avec la production de masse permise par l’imprimerie! En même temps, ça a développé la controverse, l’esprit critique, la diversité d’opinion… Et la marchandisation. Que je sache, la renaissance italienne ne s’est pas faite sans argent: le mécénat faisait vivre les artistes. Et il y a toujours eu d’habiles marchands d’art pour s’immiscer entre l’artiste et son public. Je ne dis pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais je dis qu’à ne pas vouloir voir le problème comme un système, on le fausse: la solution ne serait pas d’éradiquer les marchands; sitôt fait, on verrait des artistes les réclamer, le public les réclamer, etc. Enfin, pour ce qui peut se dématérialiser, il y a moyen de réduire les intermédiaires et modifier les données de l’éco-système; la marchandisation mondialisée rate toujours quelque chose: le local.

Pour revenir sur la question de la gratuité, je suis plutôt d’accord avec Guillôme, il me semble que l’amalgame entre libre et gratuit fausse un peu la réflexion, et d’accord avec Okazou, que la recherche de la justesse de l’échange doit primer sur la gratuité.

L’industrie de l’immatériel change la donne, car elle met en avant le flux et structure ses valeurs autour: ce qui compte, pour des fournisseurs d’accès et leurs fournisseurs, c’est la bande passante. À côté de cela, le modèle économique qui faisait dépendre la valeur du support et de son circuit de diffusion a du mal à perdurer; les verrous sautent un à un; on a bien vu que le modèle de verrouillage du support ne fonctionne pas: on ne peut pas à la fois distribuer à volonté à partir d’une source unique et espérer verrouiller la réception à un récipiendiaire unique.

Je pense qu’on viendra à une licence globale, plus ou moins chère, et que la différenciation se fera sur la valeur supposée des contenus véhiculés, le catalogue auquel la licence, plus ou moins chère, donnera accès.

La gratuité, décidément, amène bien des développements: ce n’est que la partie immergée d’un énorme iceberg, qui touchent aux fondements de nos sociétés industrielles…

18)
Anne Cuneo
, le 26.11.2009 à 14:44

la gestion du droit d’auteur pourrait être discuté, la durée du droit d’auteur pourrait faire débat, et, plus globalement, c’est la question de la valeur de la production artistique (car toute production artistique n’est pas œuvre d’art – à moins qu’on entende par là ouvrage d’art) qui pourrait être discutée. Or, dans ton propos, l’artiste est neutre (si ne c’est valeureux), c’est le marchand qui pourrit tout.

Je voudrais rappeler une fois de plus que ma réflexion fait partie d’un tout (CultureEnJeu No 24), et que dans le tout quelqu’un développe justement la situation de l’artiste dans la situation actuelle. Je ne considère donc pas que l’artiste est neutre, je ne développe pas, parce que quelqu’un d’autre le fait.

Je voudrais cependant juste remarquer que lorsque c’est neuf, nous ne voyons pas toujours clairement si oui ou non une production qui se dit artistique est une oeuvre d’art. On cite toujours le cas de Proust, que Gide a refusé de publier parce que c’était trop moche – il est typique. Même moi, j’ai vécu cela avec mon premier film, fait il y a vingt-sept ans, descendu en flammes comme nul; maintenant il a été restauré et il fait partie des classiques de la cinémathèque – ou comment appelle-t-on ces films restaurés. En matière d’art (et de recherche dans tous les domaines) les mécènes ou investisseurs doivent accepter qu’on se trompe, qu’on tâtonne beaucoup, qu’on soit trop hors des modes du moment – une manière de faire qui ne colle pas avec l’exigence du rendement rapide.

Je suis comme toi d’accord avec Okazou, que la justesse de l’échange prime sur la gratuité.

Entendons-nous: mon texte n’impliquait pas une prise de position tranchée par rapport à ce qu’on appelle la gratuité: j’en exposais la non-réalité effective, et j’essayais de dire à quel rêve utopique l’idée de la gratuité correspond.

Je ne peux pas résister à la tentation de te dire que j’adore comment tu traites l’artiste de vénal lorsque, tout en ayant des rêves d’égalité, il est prudent et prend des précautions pour ses vieux jours, en épargnant et – ô faute impardonnable – en achetant des actions.

Si tu en as tiré la sensation que je considère l’artiste comme hors du monde, tu te trompes. C’est bien parce qu’il est dans le monde et qu’il a besoin de vivre que l’argent qu’il gagne avec ses oeuvres est important. Et je considère quelque peu insultant que ma fille soit traitée, le jour où elle exigera l’argent que j’ai généré pour elle, en admettant que mon oeuvre me survive, d’“épicière de la propriété intellectuelle, de petit propriétaire du talent de ses aïeux”.

Et juste pour terminer, les droits de répartition de la SACD (je suis moins familière avec la SACEM) sont constamment revus – la SACD s’occupant de faire en sorte, soit dit en passant, que le travail que nous avons fourni soit rémunéré, et nous y tenons. Eh oui, nous sommes des êtres vénaux, qui revendiquons le droit de manger un beefsteak de temps à autre. Quelle indignité!

19)
MondeFormidable
, le 27.11.2009 à 10:45

Anne

Une chose m’a toujours ” constamment émerveillé”

c’est la propension de ” l’art” a se déclarer “vertu” et exiger que ce soit le” vice” que lui-même denonce, le fasse vivre, au nom de la “gratuité”. Il n’y aurait pas une nouille dans le cotage verdoyant où gambadent les bisounours ?

je citerais l’exemple de la loterie = il n’y rien d’artistique dans une loterie, que de l’argent, une “affaire” comme tant d’autres qui rapporte pour ses organisateurs, et l’espérance du lucre pour les joueurs, où est l’art ?

Faut-il s’étonner, que le lucre revienne au lucre ?

Inversion des choses non ?

Si j’ai bien compris les artistes, fort justement, revendiquent de vivre de leur “art”, rien de plus normal.

Qu’ils soient financés par le “lucre” relève, si on va au fond des choses, d’une perversion, qu’ils auraient du dénoncer d’entrée, un “privilège” pervers… qui avait en lui la négation , justement, que l’art, et les artistes doivent pouvoir vivre de leur “art”, et que cela ai un air de “gratuit” pour le gueux qui en profitent ne saurait cacher cela.

Ne serait-il pas du devoir des artistes de dénoncer cela, mais cela remettrais en cause bcp de privilèges et de passe-droit et ferait tomber des tartuffes, des opportuniste, des fumistes, comme un essaim de mouche sous un coups de Flytox, non ?

c’est toujours à double tranchant cela, une “gratuité” financée par des puissances, dont les artistes dépendent. Ou est leur “indépendance” ?

Toujours en fait “au service”, que ce soit “l’art officiel” au service du “peuple” (grincement de dents) manipulation , ou du marché, spéculation.

Effectivement “rien n’est gratuit”. et le “vraie gratuité” qui se démarque de ce “jeux de con” sera, elle, toujours suspecte, au yeux de tout les “religieux” ou des tartuffes.

20)
MondeFormidable
, le 27.11.2009 à 10:58

Tant-pis, je vais aller au bout des choses, par provoc un peu, sinon ce serait pas drôle. ;o)

donc l’artiste serait d’utilité sociale, ce n’est pas contestable, si on regarde d’un seul coté de la lorgnette … “On” doit le financer pour que le “peuple” en profite “gratuitement”.

Mais , mais, alors, le paysan c’est pareil…. dira mon estomac…

Et tout les autre corps de métier un peu “utiles”, du cordonnier au chaudronnier.

ce monde “idéal” pour les “artistes” a existé, où tout était gratuit.

c’était l’ U R S S …

21)
pat3
, le 29.11.2009 à 13:29

Anne, j’aime bien ta réponse et son ironie…

Je voulais juste souligner le fait que dans la façon dont ton article pose la question de la gratuité, la seule position qui n’est pas mise en discussion est celle de l’artiste. C’est là le sens de mon développement.

Je voudrais cependant juste remarquer que lorsque c’est neuf, nous ne voyons pas toujours clairement si oui ou non une production qui se dit artistique est une oeuvre d’art.

Tout à fait d’accord, mais cela conduit à un paradoxe, puisque la demande est de financer de manière particulière, différente, privilégiée, la création artistique; non pas au regard d’une valeur objective (si tant est qu’on puisse donner une valeur objective à une production humaine, c’est une autre question), mais en vertu du principe de la valeur (sociale? sociétale? nationale, au sens du prestige des nations?) de l’art (Jean-Marc Leverato a bien discuté de ces questions dans son ouvrage devenu classique: La mesure de l’art: sociologie de la qualité artistique ).

Il y a pour moi contradiction entre la revendication d’être payé “comme tout le monde” pour le travail que l’on fournit, et financé “autrement” pour la valeur présupposée de son travail.

Je ne peux pas résister à la tentation de te dire que j’adore comment tu traites l’artiste de vénal lorsque, tout en ayant des rêves d’égalité, il est prudent et prend des précautions pour ses vieux jours, en épargnant et – ô faute impardonnable – en achetant des actions.

Raccourci? Je disais

L’artiste peut aussi être vénal (le débat sur la loi DAVDSI a bien montré que c’était le cas), calculateur, trompeur même, en tenant un discours artistique empreint de certaines valeurs, quand il en véhicule de tout autre dans sa vie économique (épargnes et actions)…

Le débat sur la loi DAVDSI qui a été long, a montré plus qu’à son tour des artistes consacrés, assis sur un pactole qui sans doute permettra à deux générations de descendance de vivre confortablement de ses rentes (tant mieux) crier au vol de leur pain… Rappelons que les mêmes crient au scandale quant au taux de leur imposition (Halliday, Pagny, pour les plus bruyants d’entre eux).

Tu n’es pas de ceux-là, mais quand tu dis

Eh oui, nous sommes des êtres vénaux, qui revendiquons le droit de manger un beefsteak de temps à autre

il y a des métaphores qui font mal, aujourd’hui où des travailleurs précaires dorment dans leur voiture parce que leur paie ne suffit pas à leur assurer un loyer. Ce n’est pas de cela exactement que l’on discute, non?

Quant à l’achat d’action, je fais référence au double discours qui est de dire, d’un côté, que l’actionnariat, c’est mal, et de l’autre, qu’il faut bien penser à ses vieux jours en achetant des actions. Là, je ne comprends pas, ou plutôt, je comprends mieux pourquoi ce système s’est aussi bien développé.

Enfin, en ce qui concerne les ayants-droits, ce que je veux dire, c’est que la discussion devrait pouvoir être ouverte, sur la durée du droit d’auteur: en France, c’est 70 ans, les conventions internationales s’accordent sur 50 ans; c’est déjà une génération de moins, et on pourrait sans doute s’accorder là-dessus; mais pourquoi ne discuterait-on pas du pourquoi 50 ans? Pourquoi les droits d’auteur ne se limiteraient pas à la descendance immédiate? Ce n’est pas à ta fille que je pensais, mais à tes petits enfants, et à tes arrières petits enfants, qui, si chez vous les générations sont assez rapprochées, pourront régenter tout usage de ton œuvre, sous le seul prétexte que tu as été leur arrière grand-mère. Ça, pour moi, ça devrait se discuter, au nom même du principe de la valeur culturelle (partagée?) de l’art…

22)
Anne Cuneo
, le 29.11.2009 à 16:26

@Pat3

Je ne vais pas reprendre le débat point par point, parce que de toute évidence, nous ne nous comprenons pas sur certains points. Juste un détail: le droit d’auteur était de 50 ans partout, et il a été prolongé à 70 dans une bonne partie du monde il n’y a pas très longtemps, justement parce que les gens vivent désormais beaucoup plus longtemps.

Je trouve bizarre ce rejet de ce que les petits-enfants jouissent du fruit du travail de leur ancêtre. Le jour où l’héritage n’existera plus, alors bon. Mais une fois de plus, voilä qu’on réclame une exception aux lois de l’héritage justement pour le droit d’auteur.

Ou bien dans la société tout est gratuit, et plus besoin d’héritage. Ou bien rien n’est gratuit. Et alors la propriété intellectuelle existe aussi, avec ses lois et ses règlements. Malheureusement, personne n’a trouvé de solution intermédiaire universelle. Juste de combines ponctuelles. Je le regrette, mais la réalité est celle-là.

23)
pat3
, le 29.11.2009 à 22:54

@Anne

Sur le droit d’auteur, mes sources sont donc mauvaises; pourrais-tu m’en donner de meilleures?

Sur la question des ayants-droits: les enfants héritent de leur parents, pour qu’ils héritent de leurs grands parents il faut un leg particulier (non? Je peux me tromper). Pour moi, la propriété intellectuelle, si elle protège le droit des individus, ce qui est une bonne chose, bloque parfois l’accès aux œuvres par le plus grand nombre, ce qui est une mauvaise chose. Par exemple, si on respecte la loi, il faut en France demander une autorisation pour utiliser en cours une reproduction de tableau de peintre sous le droit d’auteur… même quand on est prof d’histoire de l’art, ou d’art plastique.

Il me semble que l’immatérialité de l’œuvre et son statut d’œuvre d’art devrait justement permettre son versement au patrimoine commun. Prenons un tableau de maître, par exemple. Sa propriété (matérielle) demeure aux ayants-droits, comme tout bien matériel. Mais quel dommage que les reproductions de ce tableau à des fins non marchande soient elles aussi soumises au bon vouloir des ayants-droits; quel dommage qu’un internaute admirateur se voit fermer son blog (ou notifier une injonction qui l’incite fort à le faire) parce qu’il reproduit le dit tableau sur son site, même dans un format d’image non utilisable pour l’imprimerie. De même, en appliquant la loi à la lettre, si je prends en photo une œuvre architecturale contemporaine, soumise au droit d’auteur, et que je la mets en photo sur mon site web de photo de voyage, je peux être poursuivi par l’auteur ou ses ayants-droits, en raison du droit de propriété intellectuelle. Bof, non?

Mais si nous ne nous comprenons pas, c’est, à mon avis, que la discussion serait longue pour démêler les tenants et les aboutissants de nos positions respectives, et que le medium accroit la difficulté de ce long échange… On est d’accord sur le fond de l’illusion de la gratuité; pas sur les formes actuelles de la rémunération, ni sur la place de l’artiste et la valeur de son travail dans l’écosystème marchand auquel il contribue.

24)
Guillôme
, le 30.11.2009 à 16:43

nous ne nous comprenons pas sur certains points.

Et c’est normal, car derrière le mot “droit d’auteur” se cache une réalité multiple.

Comme le dit pat3 en commentaire 23, il y a une dérive du droit d’auteur qui à mon sens n’est pas bon.

Aujourd’hui, tout est techniquement mis en place pour limiter au maximum les droits de l’utilisateur de l’oeuvre et maximiser les revenus sur la vente de ces droits.

Interdiction en France, depuis peu, d’utiliser/posséder/distribuer des logiciels de copie DVD qui enlève la protection…

Au canada, il était (ou il est, je n’ai plus suivi les développements) interdit de transformer ses cd achetés en mp3 pour son balladeur Obligation de repasser à la caisse.

Aux États-Unis, le lecteur Kindle d’Amazon qui a défrayé la chronique, autorise Amazon à accéder aux données et à les modifier/supprimer/limiter selon son bon vouloir (Ils l’ont fait d’ailleurs avec le livre 1984).

Je pourrai ainsi lister des dizaines d’exemples de limitation.

Tout ça me fait penser qu’il ne faudra pas s’étonner si un gigantesque effet boomerang a lieu avec une remise en cause des durées de droits d’auteur, une remise en cause des taxations et des reversements, une remise en cause des créations “fermées” forcée par l’explosion des artistes diffusant en licence ouverte…

Pourquoi cette remise en cause? Tout simplement parce qu’il ne sera pas possible de gagner sur deux tableaux : une granularité du droit d’auteur toujours plus importante et la valeur du droit d’auteur maintenue au niveau de ce qu’elle était quand les contraintes étaient faibles.

Le débat ouvert.

25)
Anne Cuneo
, le 01.12.2009 à 17:19

Guillôme!!!

Tous les exemples que tu cites n’ont pas rapport au droit d’auteur, mais au fait que le chiffre d’affaires des machands de culture baisse avec les copies. Le droit d’auteur déficient n’est qu’une conséquence, et ce n’est pas lui que les industriels de la musique ou de la chose écrite ou filmée essaient de protéger, CE SONT LEURS PROFITS. Les auteurs sont autant victimes que les gens qu’on oblige à passer deux fois à la caisse.

Plutôt que de vous acharner sur le droit d’auteur, vous feriez mieux de regarder la vraie direction du vent!

Je l’ai dit dans mon article, et vous me le prouvez: le vedettariat est un lavage de cerveau – vous confondez, Pat3 et toi (et des millions d’autres), le fait que quelques-uns gagnent beaucoup avec la grande masse des travailleurs culturels qui triment, et dont les industriels de mauvaise foi se servent pour dire à leur place qu’ils vont perdre en droit d’auteurs avec la copie “illégale”.

La vérité, c’est qu’ils se fichent des auteurs comme de l’an 40, à ce niveau-là. Ce sont leurs poches qui importent.

PS. Ce que tu appelles la durée du droit d’auteur est en fait la durée de la protection légale, qui signifie que le marchand de culture à qui l’artiste a obligatoirement cédé ses droits pour être multiplié et diffusé peut continuer à vendre ton livre, ton film, ta musique etc. Si quelqu’un d’autre veut vendre, il doit payer au marchand de culture. L’auteur touchera si tout va bien quelque 5% de la transaction. Tandis qu’à la fin de la protection légale, tout le monde peut vendre, publier, filmer, chanter. Le droit d’auteur n’est qu’une infime partie du problème.

26)
Guillôme
, le 01.12.2009 à 18:49

Guillôme!!!

Anne !!!!! ;)

Bon, je ne suis pas d’accord avec tes affirmations (corrélation entre copie et baisse, baisse des revenus des marchands de culture…).

Je ne peux pas développer, ce serait trop long et trop difficile de retrouver toutes les sources mais si j’ai le courage je ferais une humeur car c’est un sujet qui m’intéresse :)

le vedettariat est un lavage de cerveau – vous confondez, Pat3 et toi (

Désolé Anne, mais je n’ai rien dit sur le vedettariat, ni parlé de ceux qui gagnent beaucoup ou de ceux qui triment…

D’ailleurs, je ne comprends même pas la plupart de ta réponse par rapport à mon commentaire, j’ai l’impression que soit c’est décalé soit on parle de choses différentes sous couvert de mots identiques!

La prochaine fois qu’on se croise, je t’offre le café et on refait le monde ;)