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Démocratie à l’ancienne – ou dernier cri?

 

La Landsgemeinde qui s’est tenue dimanche à Glaris repose une question millénaire: comment s’exerce la démocratie?

Partons de l’actualité. Les Glaronnais votaient, à leur Landsgemeinde annuelle qui avait lieu dimanche, pour savoir si, au cas où une votation sur le plan cantonal serait incertaine, on n’en profiterait pas pour introduire le vote à bulletin secret. La proposition a été repoussée - Glaris continuera à voter à main levée.

Je conçois parfaitement que pour certains d’entre vous ce que je viens d’écrire là, c’est pour ainsi dire du latin, aussi vais-je tenter de vous raconter l’histoire de la Landsgemeinde, qui fut une forme ancienne de gouvernement cantonal dans certaines régions suisses (notamment les deux parties d’Appenzell, Nidwald, Obwald, Glaris).

C’est en 1406 ou 7 que cette forme de gouvernement cantonal est attestée pour la première fois, mais elle est sans doute beaucoup plus ancienne. Dans les cantons de Suisse centrale, les «Landsleute», ou gens du pays, se réunissent dans la «Landsgemeinde» ou communauté du pays, et ils délibèrent. A ciel ouvert. A micro ouvert, pour ainsi dire, tout le monde peut assister aux débats - ceux qui votent à l’intérieur d’une enceinte, ceux qui ne font que regarder sont dehors, à toutes les fenêtres des maisons environnantes, et ils sont toujours très nombreux. Pendant des siècles, il n’a pas suffi d’habiter le canton de la Landsgemeinde, il fallait aussi en être originaire.

Les Landsgemeindes ont souvent été houleuses; un chroniqueur du 18e siècle recommande de s’y rendre «avec un couvre-chef solide» et un bon bâton. Cela laisse deviner des débats… disons animés. A l’époque, tout le monde avait le droit d’intervenir, et on ne s’en privait pas.

Le tableau n’a pas trop changé avec le temps.

Voici une Landsgemeinde au 18e siècle à Trogen.

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Et en voici une au 21e siècle à Glaris - le lieu n’est pas le même, mais le reste est semblable.

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Personnellement, je suis une grande aficionada de Landsgemeinde. Je les ai découvertes lorsque j’ai dû m’y rendre en reportage, mais depuis j’y vais par mes propres moyens. Je n’ai plus le choix, il ne reste que Glaris. Je ne peux pas entrer dans l’enceinte des votants, strictement contrôlée à l’entrée (même en tant que reporter, si on voulait une image de l’intérieur de l’enceinte, il fallait y envoyer un cameraman qui aurait son insigne de participant - à Appenzell c’était le sabre familial), mais il n’en est pas moins possible de discuter avec les citoyens. Lorsqu’ils reconnaissent en leur interlocuteur un étranger, ils sont souvent avides de discussion, même.

 

Vote à main levée: démocratique ou tyrannique?

 

La première fois que j’ai participé à une discussion sur le sujet, j’étais écolière, pendant le cours d’éducation civique.

Depuis, les discussions se sont multipliées.

Les arguments “pour” sont estimables: c’est une tradition ancienne, qui marque une continuité historique; c’est une manière d’identifier le citoyen aux décisions prises en commun, dans un groupe physiquement présent; la citoyenneté, l’enracinement, deviennent ainsi concrets; cette réalité est encore renforcée par le fait que le gouvernement et les citoyens se rencontrent face à face; et la Landsgemeinde force le citoyen à faire preuve de courage civique en exprimant son opinion ouvertement.

Les arguments “contre” ne sont pas moins estimables: le plus évident est l’absence du “secret de l’isoloir”, qui ouvre la voie à toutes les pressions collectives sur l’individu, on vote comme les autres pour ne pas être mal vu; qui plus est, lorsque l’assemblée est très partagée, il est difficile de voir où est la majorité, le fameux 50% + 1 voix. On se souvient (surtout si on est Suisse) du refus répété des Appenzellois de donner le droit de vote aux femmes, alors que l’assemblée, à la fin, était très divisée. Lorsque Carlo Schmid, alors Landamann, a décrété que la majorité était pour accorder le droit de vote aux citoyennes d’Appenzell Rhodes intérieurs, autour de moi beaucoup estimaient que les mains levées n’atteignaient pas le 50%. Impossible de vérifier. Disons en passant que si le canton d’Appenzell a tant hésité à donner ce droit de vote à ses femmes, cela était justement lié à la Landsgemeinde: on craignait que cette assemblée d’hommes ne soit rendue caduque du moment que les femmes en faisaient partie. Un des arguments: la place de la Landsgemeinde ne sera jamais assez grande pour tous - on appréciera le niveau. 

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Elisabeth Pletscher s'est battue toute sa vie pour le droit de vote des femmes à la Landsgemeinde. La première fois qu'elle a pu lever la main, elle avait 82 ans.

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Deux générations plus tard, elles sont présentes.

Il n’a pas manqué de sociologues et de politologues pour remarquer que ce n’est pas un hasard que, quelques années après avoir accepté les femmes, les Landsgemeindes d’Appenzell (tant dans le demi-canton de Rhodes extérieurs que dans le demi-canton de Rhodes intérieurs) ont décidé de se saborder. Contre la Landsgemeinde, il y avait aussi la participation parfois basse du fait que pour voter il fallait être là, et que les obligations professionnelles ou familiales empêchaient une partie du corps électoral d’être présent.

Remarquons en passant que les politiciens ne sont pas autres à une Landsgemeinde que dans une salle de Conseil. Ils restent des politiciens, avec ce qu’ils ont de positif et de négatif.

 

Glaris: un argument “pour” à soi tout seul

 

En Suisse romande surtout, on a toujours lié les Landsgemeindes à Appenzell, et tant qu’Appenzell en a eu, on n’a pas prêté plus d’attention que cela à Glaris. Quant aux Landsgemeindes de Nidwald et d’Obwald, elles ont disparu dans une relative indifférence extérieure. Nous, surtout en Suisse francophone, connaissons mal ces régions de Suisse centrale, et les assimilons à un conservatisme aigu. Pour ce qui est de Glaris, nous avons tort, car ici comme partout, le discours généralisant ne fait pas justice à la réalité.

Personnellement, je ne connaissais rien de Glaris le jour où je m’y suis rendue pour la première fois. Je suis allée boire un pot au Glarnerhof, le bistro situé sur une place appelée par la voix populaire Place des palissades, ces palissades étant destinées à séparer les troupeaux lors des marchés aux bestiaux; son nom officiel est Place de la Landsgemeinde, et au bistrot on m’avait bien expliqué, l’ironie dans la voix, qu’on avait prévu dès le 19e siècle de la place pour les femmes - qui participent à la Landsgemeinde depuis près de 40 ans. On m’avait invitée à venir participer à la Landsgemeinde suivante, j’avais accepté l’invitation persuadée qu’on m’oublierait dès que j’aurais passé la porte, mais pas du tout. J’ai reçu mon invitation, accompagnée d’une place réservée à une fenêtre, et je m’y suis rendue. C’était en 2006, et ça promettait d’être houleux. Avant de m’y rendre, j’avais fait une petite recherche, et j’avais constaté que lors des votations fédérales (qui concernent la Suisse entière), Glaris votait souvent sur les positions défendues par les partis de gauche.

En 2006, on posait une question capitale d’organisation. Le canton entier compte quelque 38’000 habitants. Il était divisé en 28 communes. Une initiative demandait de réduire les communes à 10. Un citoyen a fait usage de son droit individuel d’initiative pour demander que le nombre de communes soit vraiment réduit de façon radicale: trois suffiraient, Glaris Nord, Centre et Sud.

Les discussions avaient été vives. Après quoi, l’initiative individuelle était passée, haut la main, c’est le cas de le dire.

Ce qui permet de constater qu’avec les changements survenus dans la société entière, avec le déplacement des pressions sociales et une indépendance intérieure accrue de chacun, la pression sociale de la Landsgemeinde devient très relative, et qu’on y débat en fait comme dans un meeting, dans une manif - simplement en suivant un certain nombre de règles.

On s’aperçoit bientôt que ces règles sont en fait ce qui fait qu’une Landsgemeinde est plus ou moins démocratique. A Appenzell, on avait supprimé le droit de discussion dès 1876, et tout un arsenal de règles faisait que les électeurs s’exprimaient par “clans”, avec interdiction (morale) de voter autrement que son clan, et que cette forme de démocratie ouverte avait été affublée d’un corset qui la limitait effectivement.

A Glaris, le dernier canton où la Landsgemeinde demeure, ce corset est largement absent, en dépit du cérémonial (qui en fait une partie du charme). Le droit de discussion, le droit d’initiative individuelle, y cohabitent. Les décisions ne sont pas prises à l’avance par des clans.

On comprend maintenant mieux, je pense, l’actualité du week-end dernier. Il va de soi que, chaque fois qu’une votation très contestée à lieu, les battus demandent la suppression de la Landsgemeinde en prétextant que le vote à main levée «ce n’est pas sérieux». A la suite d’un vote dont il était mécontent, un citoyen a ainsi demandé qu’à la Landsgemeinde de dimanche on décide que lorsqu’un vote serait très contesté, il se fasse dans les urnes et non sur la place publique. Nombreux étaient les observateurs qui disaient que ce serait là la mort de la Landsgemeinde - la grande majorité des citoyens et le gouvernement in corpore ont voté contre. L’initiative a été repoussée.

 

Et la démocratie?

 

Le citoyen qui a lancé l’initiative n’est pas le seul à vouloir voir disparaître la Landsgemeinde. Sans même remonter jusqu’à Napoléon qui, pendant les quelques années où il a eu le pouvoir de le faire, a supprimé toutes les Landsgemeindes, ce genre d’assemblée a toujours eu ses adversaires, tant dans les cantons qui la pratiquaient qu’au niveau fédéral. Car cette institution multiséculaire ne paraît plus aujourd’hui aussi archaïque qu’il y a quelques années. Les Appenzellois sont même en train d’étudier la possibilité de la réintroduire. 

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La dernière Landsgemeinde appenzelloise, le 27 avril 1997. La reverra-t-on bientôt?

En ces temps de sacralisation du vote dans l’urne (ce plus petit dénominateur commun de la démocratie), elle pose ouvertement la question: l’urne est-elle vraiment l’alpha et l'oméga de la démocratie? N’y aurait-il pas d’autres formes possibles de débat citoyen? Après tout, les Etats-Unis ont été gouvernés, pendant quatre ou huit ans (selon les points de vue) par un homme qui n’avait pas été élu par la sacro-sainte majorité de 50% + 1 voix. Les télévisions privées, des campagnes de communication payées par des individus fortunés, faussent à tel point, dans bien des pays, l’opinion publique, que les citoyens finissent par voter contre leur propre intérêt.

Dans le train du dimanche matin qui se rendait à Glaris, rempli de citoyens qui travaillent à Zurich ou à Lucerne, mais qui ont laissé leurs papiers à Glaris pour pouvoir exercer leurs droits populaires à la Landsgemeinde et qui, je peux en témoigner, vont voter en masse, l’opinion était unanime. La Landsgemeinde ne peut pas être la solution dans un pays comme les Etats-Unis, elle ne peut pas être une solution sur le plan fédéral pour la pourtant petite Suisse - elle serait même problématique dans de grands cantons comme Zurich ou Vaud. Mais elle témoigne du fait qu’il est possible de faire autrement, et qu’il y a peut-être d’autres «autrements» de la démocratie à inventer.

 

PS. Le pluriel allemand de Landsgemeinde est Landsgemeinden. J’ai adopté le mot comme s’il était français (suggestion d’Antidote), et j’ai mis les pluriels en “s”.

25 commentaires
1)
levri
, le 05.05.2009 à 02:19

Merci de m’avoir fait découvrir cette forme de démocratie dont j’ignorais l’existence.

2)
iker
, le 05.05.2009 à 05:03

Merci Anne pour ce magnifique papier qui tombe à pic, car il illustre parfaitement la proposition à laquelle je travaille avec un collectif de citoyens pour un débat démocratique qui se mène à travers les 159 communes du Pays Basque Nord.

Depuis quelques semaines, je suis invité dans de nombreux villages ou quartiers de villes des débats participatifs sur la mise en place institution pour le Pays Basque. Ce processus s’inscrit dans une logique d’empowerment, mots qui n’a d’autres traduction en français que “processus d’autonomisation”. L’empowerment est une notion qui a été l’un des axes fondateur de la campagne d’Obama aux États Unis, mais c’est en réalité une tradition très ancienne. Les québécois appellent ça “la capacitation”, le fait de profiter de tous les interstices que l’État est incapable d’assumer, pour créer des initiatives et répondre aux besoins de la communauté des citoyens.

Il faut savoir que depuis 1789, le Pays Basque Nord est le seul territoire de France à forte identité culturelle et linguistique à ne disposer d’aucune forme d’institution, ne serait-ce que la plus élémentaire (le département), là où la Bretagne, l’Alsace, la Savoie, la Flandre, la Corse, l’Occitanie, possèdent soit un ou plusieurs départements, plus des régions, voire des statuts particuliers ou un droit dérogatoire (en Alsace). Sans parler de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, et surtout de la Polynésie et de la Kanaky (ces deux derniers possédant déjà des statuts d’autonomies très avancés).

À l’heure de la réforme des collectivités territoriales dont Édouard Balladur, ancien premier ministre, a été chargé par le président Sarkozy, et où se profile l’agonie programmée des départements et des communes, qui deviendront des échelons de bases des régions et des communautés de communes, avant de disparaître à l’échéance d’une vingtaine d’année maximum.

Nous avons donc décidé de profiter de cette réforme annoncée pour réactiver une vieille tradition démocratique participative, afin de proposer à l’État français un partenariat durable, une stratégie gagnant-gagnant,

• d’un processus d’autonomisation et de dévolutions progressives de compétences,

• dans les domaines de la vie quotidienne des habitants,

• en solidarité avec les autres territoires de la république,

• dans un cadre d’expérimentation que la constitution reconnaît déjà (dans son article 72),

• et mettant à profit l’approfondissement de la construction européenne, pour développer des liens de coopération avec les provinces autonomes du Pays Basque Sud (pays basque péninsulaire, sous tutelle du Royaume d’Espagne) et toutes les autres régions de France ou de la Péninsule Ibérique, et du reste de l’Europe, qui le souhaiteraient.

••••

Comme en Suisse, nous sommes ici aussi un peuple de montagnes.

Il y a avait historiquement sur la partie nord du Pays Basque (ce que certains appellent le Pays Basque continental, sur le territoire de l’État Français) une tradition assembléaire qui avait quelques points communs avec ce que tu nous décris ici.

Depuis l’occupation romaine, il y a 2 000 ans, il existait des “fors” (fueros en Pays Basque Sud), où les souverains s’engageaient à respecter les lois édictées démocratiquement par les habitants du Pays Basque.

Les décisions se prenaient dans des assemblées.

Selon les provinces, ces assemblées s’appelaient Biltzar en Benafarroa (province de Basse Navarre) ou en Lapurdi (province du Labour) ou Sylviet en Xuberoa (province de Soule).

L’origine de ces assemblées remontent à la nuit des temps… il y a deux types de Biltzar ou de Sylviet :

• le biltzar du village

• le biltzar de la province

Les premiers se réunissent au niveau de ce qui n’était pas encore des communes et qui n’était alors que des paroisses.

Le fondement de la société basque est l’Etxe (se prononce “Etche”) c’est à dire la maison. Dans la société basque, la famille appartient à la maison, et non le contraire. Chaque maison “franche”, c’est à dire ne dépendant pas d’une autre maison, désigne en son sein un représentant qui parle au nom de toute la maisonnée. En général c’est le chef de famille, qui est l’aîné de la famille (fille ou garçon). Il n’y avait ni limite d’âge, ni de genre, ni de revenu.

Tous les dimanches, après la messe, les chefs de familles se réunissait dans un lieu appelé Kapitoleku (le lieu du chapitre, d’où l’expression “avoir voix au chapitre”). Mais ici, le chapitre était pas à prendre au sens religieux, mais laïque puisque le clergé, et la noblesse en avait été exclus depuis le moyen âge.

L’assemblée se réunissait donc toutes les semaines, et examinait les questions relatives à res publica (la chose publique). En ce sens, ces biltzar étaient déjà des institutions de type républicaines.

On y débattait de toutes les questions concernant la vie du village sachant que la terre était souvent une propriété collective : la question du pacage des bêtes, de la construction ou de la réfection des routes, de l’église, du cimetière, du commerce, des échanges avec les villages voisins, de la solidarité envers les plus démunis, de l’aménagement des terrains communaux, l’entretien des fossés, la solidarité pour les travaux des champs, les semailles, les récoltes, l’égrenage du maïs, la construction d’une étable, l’accueil de nouvelles familles, l’éducation des enfants, … bref, tous les sujets possibles et imaginables.

Il faut avoir en tête que le Pays Basque était alors (et reste encore malgré les apparences) une société matriarcale particulièrement forte, malgré les tentatives de l’église catholique pour y mettre un terme. Comme c’était généralement les aînés de chaque famille qui siégeaient dans les biltzar, il y avait, statistiquement, à peu près autant de femmes que d’hommes à participer dans les biltzar.

Le principe du Biltzar était celui ci :

• des sujets étaient soumis à l’ordre du jour ;

• ils étaient présentés et détaillés dans le Biltzar

• le ou la chef de famille ramenait le sujet dans son etxe, et le sujet était débattu pendant dans la semaine par toute la maisonnée jusqu’à qu’on trouve un consensus

• la semaine suivante, le chef de famille ramenait le point de vue de l’etxe, au Biltzar soit avec un mandat impératif soit pouvant faire valoir la diversité des points de vue

• un premier tour de table permettait de recueillir le sentiment général

• commençait alors un processus de négociations et de va et vient entre le biltzar et les etxe, en vue de la recherche d’un consensus absolu et indiscutable, opposable à tous

• si ce consensus n’aboutissait pas, les différentes options étaient ramenées au débat dans chacune des etxe Cela pouvait durer une séance ou deux, ou parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou parfois des années sur les sujets engageants l’avenir du village avant que l’ensemble de la communauté des citoyens du village arrive à un point de vue commun.

Mais en aucun cas, il ne serait venu à l’idée qu’une décision soit prise à la majorité. La recherche du consensus était le principe de base.

Une fois que la décision était adoptée, elle était consignée dans des registres paroissiaux et s’imposait à tous, y compris aux nobles et aux membres du clergé, aux juges.

Ce principe de Biltzar ou de Sylviet était d’abord appliqué à l’échelle du village, mais ensuite il s’appliquait aussi à l’échelle de la province, selon le même mécanisme de va et vient entre :

• l’etxe

• le biltzar du village

• le biltzar de la province (ou siègeaient les représentants de chaque village, et qu’on appelait le “maire abbé” bien qu’il ne fut absolument pas membre du clergé).

Ce va-et-vient opérait jusqu’à ce que le consensus aboutisse.

Lorsqu’on y était parvenu, la délibération était de nature législative, elle avait force de loi, et elle s’imposait à tous, y compris au roi de Navarre, puis au roi de France, qui n’avait plus qu’à s’incliner devant la décision collective… ou parfois y opposer son veto.

Au fil du temps, avec l’établissement de la monarchie absolue en particulier, les rois successifs consacrèrent beaucoup d’effort pour tenter de réduire cette forme de démocratie républicaine, qui perdura pourtant jusqu’en 1789.

Ce mode de démocratie représentative n’était sans doute pas parfait (comme dans tout système il pouvait y avoir un écart entre les principes et leurs mise en œuvre), mais il reposait sur la volonté collective de toutes les familles et tous les habitants, et non sur l’imposition d’une majorité (fut-elle d’une voix) sur une minorité.

Ces principes devaient être balayées par l’Assemblée nationale, la nuit du 4 août 1789, ou les privilèges (en latin privi lege, les lois particulières) furent abolies, en particulier sous l’impulsion du “club breton”, ancêtre du club des jacobins, animé alors par Le Chapelier, qui se rendra bientôt célèbres par ses fameuses lois interdisant de 1791 à 1865 le droit de grève, les syndicats, les corporations, les mutuelles, les coopératives, ou le droit d’association.

Partout en France, d’une région à l’autre, il existait parfois des traditions démocratiques parfois avancées… parfois beaucoup plus sommaires.

En 1789, cela faisait 165 ans que les États généraux n’avait plus été convoqués, depuis Louis XIV. Composés des trois ordres à part égale (un tiers pour la noblesse, un tiers pour le clergé, et un tiers pour le “Tiers état” composé exclusivement des bourgeois, et non du peuple comme on tend à le croire parfois qui était en réalité exclu de ce processus), ces États Généraux étaient en général consultés pour de grandes réformes fiscales, car le Roi n’était pas maître en la matière; bien que ce fût un pouvoir “régalien”.

Les critères fixés par le roi Louis XVI pour être désigné comme représentant du Tiers États étaient de désigner des représentants au suffrage censitaire :

• exclusivement masculins

• âgés de 25 ans au moins (à une époque ou l’espérance de vie était de 28 ans)

• payant l’impôt Ce qui éliminait pratiquement 90 % de la population du processus de décision, et les votes s’y opéraient à la majorité et non à l’unanimité.

De plus, pour envoyer des représentants siéger aux États Généraux à Paris, la pression était forte pour ne désigner que des notables parlant parfaitement le français à une époque où selon l’abbé Grégoire, un des maîtres à penser de la Révolution, seuls 3 des 28 millions de “français” étaient capables de parler, lire et écrire en Français, et à peine 6 autres millions capables de mener une conversation en français. Les 19 autres millions, soit 70 % de la population, n’en parlaient pas un traître mot. Leur langue maternelle étant l’occitan, le corse, l’alsacien, le breton ou le gallo, le flamand, le catalan, le basque, et des dizaines d’autres langues et dialectes comme le picard, aujourd’hui disparus pour la plupart).

Ici, 90 % de la population ne parlait que le Basque, reconnu aujourd’hui par les linguistes comme probablement la plus ancienne langue d’Europe et déjà imprimée par Jeanne d’Albret, nièce de François 1er, au moment on son oncle, tentait de codifier l’usage du français par l’édit de Villers Cotterêt à partir de 1535, et qu’il fallut plus d’un siècle pour que n’apparaisse l’Académie française, pour simplifier la langue et la rendre accessible à la majorité de la population. Ceci n’avait été qu’un demi succés puisque seuls 30 % des habitants la pratiquait régulièrement en 1789.

••••

Nous sommes donc passé d’un système à forte tradition de démocratie participative assembléaire où chacun des membres de la communauté des citoyens avait le sentiment d’avoir été consulté, à un système de vote où une élite, issue d’une toute petite minorité aisée, âgée, d’origine bourgeoise, aristocratique ou cléricale, francophone (voire francophile), pouvait imposer ses décisions à l’immense majorité de la population hors d’état de comprendre les lois qui s’imposaient à eux.

Ce système fut alors vécu comme une atteinte aux droits fondamentaux d’un peuple qui plus de trois cent ans avant la Révolution Française, avait déjà appris à imposer aux rois, aux nobles, aux prêtres et aux moines, ses décisions et non le contraire.

Ce qui était censé promouvoir les libertés leur retirait les leurs, chèrement acquises au fil des siècles.

Quant à l’égalité, elle n’était qu’un prétexte, à imposer l’uniformisation de la domination d’une minorité sociale et linguistique à l’immense majorité de la population.

Encore une fois, la Suisse peut apporter un élément de réflexion intéressant.

Ton éclairage Anne nous sera donc bien utile, au moment où nous nous posons la question de comment nous faire entendre des représentants de l’État.

34 000 électeurs du Pays Basque, représentant 18 % de la communauté des citoyens en âge de voter, ont déjà signé une pétition en vue de l’organisation d’une consultation de type référendum sur le sujet d’une reconnaissance institutionnelle spécifique, et que l’État refuse d’y répondre.

Si dans pays à taille humaine comme la Suisse on trouve encore utile de faire appel à des procédure de démocratie directe… on peut s’interroger sur le pourquoi d’un pays de 60 millions d’habitants, à nier toutes les formes de démocraties participatives après avoir élu son monarque républicain tous les cinq ans.

C’était déjà flagrant avant, mais désormais, c’est plus nécessaire que jamais lorsqu’on sait que ce souverain s’appelle Nicolas Sarkozy, si vous voyez là où je veux en venir. ;-)

3)
Saluki
, le 05.05.2009 à 06:31

Ossau Iraty et Appenzell, même combat…

4)
Inconnu
, le 05.05.2009 à 06:56

Merci Anne. La question du vote à bulletin secret a été introduite en France, dans le cadre du Code du Travail, pour les grêves de + de 8 jours et je trouve que c’est une bonne chose. On évite ainsi le “peer pressure”, pour ne pas dire plus.

5)
Okazou
, le 05.05.2009 à 06:57

Le bulletin dans l’urne est tellement « le plus petit dénominateur commun de la démocratie » que l’on pourrait aussi bien le supprimer sans que la démocratie en pâtisse le moins du monde. Au contraire, semble-t-il, quand tu rappelles, Anne, que l’attrait pour ce maudit bulletin devient malsain avec les groupes de pression, notamment affairistes, qui s’y entendent pour fausser le jeu autant que faire se peut.

En effet, à une époque où la chose politique devient si complexe que les ministres eux-mêmes ne sont, observez-le bien, que les porte-parole des techniciens (énarques, normaliens, polytechniciens, etc…) qui, eux, sont les véritables artisans des lois et… des discours, quand ils ne sont pas (et c’est souvent) la force de proposition même, ne serait-il pas temps, pour retrouver la démocratie avec le considérable et salvateur avantage de se débarrasser d’un système perverti au dernier degré, de réinventer le tirage au sort des élus, à la manière du tirage au sort des jurés d’un tribunal d’assises ? [ Si vous avez lu d’un trait vous avez gagné le droit de respirer ;-))) ]

Au moment où la plupart de ceux qui se croient citoyens (doux rêveurs), au moment où les politicards et leurs commanditaires banquiers ou affairistes (sombres salauds) ont beau jeu de limiter l’action démocratique à deux doigts qui s’écartent pour laisser choir un bout de papier dans l’urne, à ce point où nous sommes rendus où le vote lui-même, lorsqu’il ne sied pas auxdits affairistes et politicards est jeté aux orties (cf. Traité constitutionnel européen rejeté par les Hollandais, les Français puis les Irlandais sans qu’on en tienne compte), bref au moment où la démocratie est devenue à peu près rien face aux forces du profit pour le profit rejetant l’homme au rang de produit négociable (esclave moderne qui s’ignore), n’est-il pas temps d’adopter des règles du jeu réellement modernes, honnêtes et équitables ? [Respirez si vous le pouvez encore ]

Un jour peut-être considèrerons-nous comme pitoyable la démocratie à bulletins de vote et 50 % + 1 voix. D’ailleurs pourquoi pas une majorité des deux-tiers ou des 4/5 ? Les têtes des consommateurs sont tellement formatées, l’obéissance est si parfaite… On ne conteste même plus ses propres chaînes tant elles sont devenues invisibles.


Un autre monde est possible.

6)
Okazou
, le 05.05.2009 à 06:59

« Nous sommes donc passé d’un système à forte tradition de démocratie participative assembléaire où chacun des membres de la communauté des citoyens avait le sentiment d’avoir été entendu, à un système de vote où une élite, issue d’une toute petite minorité aisée, francophone (voire francophile), âgée, d’origine bourgeoise, aristocratique ou cléricale, pouvait imposer ses décisions à l’immense majorité de la population. »

Nous sommes passés à ce moment de l’histoire, mais je ne suis pas surpris que ça t’échappe, de micro-sociétés de quelques dizaines de milliers d’hommes : le Pays basque, à une macro-société (infiniment plus complexe) de plusieurs dizaines de millions de citoyens : la France.

Ce qui peut convenir à Glaris ne conviendra pas forcément à la Fédération russe.

(Sois aimable, iker, de ne pas noyer la concision de ma réponse sous un flot d’arguments auxquels je ne pourrai répondre brièvement. Merci)

7)
Anne Cuneo
, le 05.05.2009 à 07:50

La question du vote à bulletin secret a été introduite en France, dans le cadre du Code du Travail, pour les grêves de + de 8 jours et je trouve que c’est une bonne chose. On évite ainsi le “peer pressure”, pour ne pas dire plus.

Quand je vois comment les gens votent parfois, après certaines campagnes financées par des lobbies d’intérêts – et ici nous avons de nombreuses occasions de constater cela, on vote quatre fois par an – je ne suis pas certaine que le bulletin secret suffise à éliminer la “peer pressure” dont tu parles.

Pour qu’elle soit éliminée, il faudrait que chaque citoyen soit à même de voir les problèmes dans leur ensemble, qu’il puisse apprécier les pours et les contres – et nous voilà déjà dans le domaine d’une réforme de l’éducation publique. Vaste débat.

8)
Saluki
, le 05.05.2009 à 08:20

Quand je vois que le taux d’illettrisme progresse en France, je cherche la pertinence du suffrage universel. N’en déduisez pas à la va-vite que je suis devenu fasciste… Nous avons eu un tremblement de terre cette nuit, en Alsace: 4,2. Ça ne m’a pas réveillé, je l’ai appris à la radio.

9)
alec6
, le 05.05.2009 à 09:31

Photographié hier soir sur la vitrine d’une banque, rue de Belleville…

10)
Kermorvan
, le 05.05.2009 à 10:12

Victor Hugo a écrit que « ouvrir une école, c’était fermer une prison » ; le slogan a été abondamment repris. Nous avons mis des écoles partout, imposé des scolarités longues, et il n’y a jamais eu autant de prisons. Je ne sais si l’illétrisme progresse en France, mais je ne vois pas que le maintien dans le système scolaire jusqu’à l’âge adulte, et bien au delà, ait produit des citoyens plus libres, plus conscients, plus intelligents. Si je considère mes ancêtres, et ceux de ma femme, (nos grand-parents, que nous avons connus), l’un ne savait lire ni écrire, l’autre avait juste le certificat d’études primaire… je demeure dubitatif.

Je vois bien que les moyens d’information, aux mains des puissants, sont dévolus à la publicité et à la propagande. Lorsque les gens était moins scolairement cultivés, peut-être pensaient-ils plus par eux-mêmes, il y avait peut-être moins de ‘prêt à penser’.

L’appel des vieux anciens résistants mourants aura-t-il un écho  ?

Ou prêchent-ils dans le vide, ces vieillards ?

11)
iker
, le 05.05.2009 à 11:07

Nous sommes passés à ce moment de l’histoire, mais je ne suis pas surpris que ça t’échappe, de micro-sociétés de quelques dizaines de milliers d’hommes : le Pays basque, à une macro-société (infiniment plus complexe) de plusieurs dizaines de millions de citoyens : la France.

Ça ne m’a pas échappé, mais on n’a demandé l’avis à personne à l’époque. D’autant que les Biltzar, comme les États généraux du Labourd, de Basse Navarre et de Soule avaient demandé à l’unanimité, selon le principe du consensus, à leurs députés, en particulier les frères Garat, de défendre l’idée que puisqu’il y aurait désormais des départements, que le Pays Basque en soit un à part entière.

Que penseraient les Suisses de Glaris s’ils votaient une décision à l’unanimité, et que la confédération leur disait, “vous pouvez toujours vous asseoir dessus, nous avons décidé ce qui était bon pour vous” ?

Par contre, il ne t’a pas échappé non plus que nous sommes passés de l’échelle d’une macro-société (la France) à une mega société (donc encore plus complexe) de plusieurs centaines de millions de citoyens (l’Europe). Que ça ne s’est pas fait à la force des Baïonettes mais par l’effet du bulletin de vote soit des citoyens (démocratie directe) soit des députés et sénateurs réunis en congrès (démocratie représentative), dont nous savons qu’il n’est pas pour autant un système parfait, puisque tu le contestes toi même.

Si on applique ton raisonnement à la question européenne, tu devrais te résigner et ronger ton frein pour les siècles à venir. La résistance de la micro-société serait-elle moins légitime que la résistance de la macro-société ?

Dans cette mega société européenne, encore plus complexe avec un centre éloigné des périphéries, il est plus nécessaire que jamais d’avoir des territoires de proximité gérant les problèmes de la vie quotidienne dans la transparence, sous le regard direct des citoyens et avec leur participation.

On ne gère pas la crise de la même manière sur la Costa del sol, en Andalousie, et à Londres… pourtant tous les deux sont hautement concernés par la spéculation immobilière et la crise des subprime. Pourquoi devrait-on avoir la même forme d’administration en Moselle (Lorraine) touchée par la désindustrialisation, et à Bonifacio, en Corse, avec les problèmes de privatisation du littoral par des oligarques ou des people qui se croient au dessus des lois ?

Ce qui peut convenir à Glaris ne conviendra pas forcément à la Fédération russe.

Je te laisse libre de comparer la France avec la Fédération Russe qui, au passage, est un mix entre un système d’inspiration jacobine avec 46 Oblast (des régions administrés par des sortes de préfets disposant du pouvoir civil et militaire) et un système fédéral avec 21 républiques (des minorités nationales) jouissant (théoriquement) de la plus grande autonomie et du droit (tout aussi théorique) à l’autodétermination. Ceci dit, quand on voit ce que Poutine et ses cosaques on fait en Tchétchénie… je suis pris d’un doute sur sa capacité à respecter sa propre constitution.

“mais je ne suis pas surpris que ça t’échappe”………… “(Sois aimable, iker, de ne pas noyer la concision de ma réponse sous un flot d’arguments auxquels je ne pourrai répondre brièvement. Merci)”

Ça s’appelle une injonction paradoxale.

Tu m’autoriseras à recycler ta requête chaque fois que ton argumentation détaillée, ne nous laisse le choix qu’entre renoncer à écrire, parce que je nous n’avons pas le temps, ou devoir répondre par un raisonnement, des exemples et des illustrations, pour ne pas laisser un point de vue devoir s’imposer comme étant une évidence, alors qu’il ne l’est pas pour tout le monde ?

12)
Joël (exGlimind)
, le 05.05.2009 à 11:15

Fascinant. Pour moi Genevois, cette manière de voter, je la ressens uniquement du maintien de la tradition. Mais après cette lecture, c’est bien plus que cela apparemment.

Je n’ai qu’une envie maintenant, y aller en touriste. Je vous pose donc la question, Anne, est-ce facile, possible (sans contact aucun) ? Si oui, rendez-vous est pris !

Die nächste Landsgemeinde findet am Sonntag, 2. Mai 2010 statt.

13)
iker
, le 05.05.2009 à 11:16

Ossau Iraty et Appenzell, même combat…

Pas tout à fait Saluki… pendant des années, j’ai boycotté l’Appenzeler tant que le semi-canton éponyme n’établissait pas le droit des femmes à voter. ;-)

La communauté des citoyens, c’est tout ceux qui habitent un pays, qui y contribuent par son travail, ses impôts, sa participation à la vie civique (associations, syndicats, enteprises, mutuelles…) quel que soit leur nationalité, leur genre,…

Ceci dit, on va pas en faire tout un fromage ;-)

14)
Franck Pastor
, le 05.05.2009 à 11:22

En 1789, cela faisait 165 ans que les États généraux n’avait plus été convoqués, depuis Louis XIV.

Il s’agissait de Louis XIII, et c’était en 1614-1615, ce qui nous fait 174-175 ans en fait.

15)
alec6
, le 05.05.2009 à 11:49

Désolé, je n’ai pas encore tout lu (il faut que je bosse pour le grand capital !!).

Sinon pour les curieux, je vous propose d’écouter la rediffusion de l’émission Terre à Terre de France-Culture de samedi dernier, vous pouvez aussi la podcaster…

On s’éloigne à peine du sujet avec une réflexion intéressante sur l’Etat, le Capitalisme et la démocratie…

Merci au fait Anne pour cet article sur les Landsgemeinden.

16)
iker
, le 05.05.2009 à 12:08

Bien vu Franck 175 ans et pas 165…

Au début, à partir de 1302, les États généraux étaient convoqués fréquemment, en langue d’oïl et en langue d’oc, par alternance. Par exemple, pendant la Guerre de Cent ans ils pouvaient se réunir une à deux fois par ans. Wikipedia n’est d’ailleurs pas exhaustif ni tout à fait exact sur ce sujet.

Précision dans la précision, c’est sous le règne de Louis XIII, mais qui avait à peine 13 ans lorsqu’il les a convoqués, une seule fois. En réalité c’est sa mère, la régente Marie de Médicis, qui considère que son fils est “trop faible de corps et d’esprit” pour régner, qui les convoquera. Et c’est là que Richelieu, à la tête de l’État du Clergé, se révélera.

Louis XIII n’y eut plus recours par la suite, et lorsqu’il mourut prématurément à l’age de 41 ans, son fils Louis XIV n’avait que quatre ans. Mazarin et Anne d’Autriche avait souhaité convoquer les États généraux, mais devant la fronde du “parlement de Paris” d’une part, et “la fronde des princes”… Ils se ravisèrent. Louis XIV sera le premier dont le règne se sera opéré sans consulter le peuple ne serait-ce qu’une seule fois. C’était le sens du propos.

17)
alec6
, le 05.05.2009 à 14:07

Je me rapproche du sujet… pour vous conseiller d’aller faire un tour sur le site De Defensa.org et découvrir ce qui se passe aux USA et dont les médias français ne se font pas les rapporteurs.

Certes les drapeaux de la guerre de Sécession ne sont pas encore hissés, mais le sujet fait débat public. A la lecture de la prose d’Iker je n’ai pu que me faire l’écho de ces lectures.

Le XXIe siècle qui se voulait dans ses premières années le champion de la mondialisation heureuse, de la fin de l’histoire et de la géographie (délocalisation réglementaire), verra-t-il le morcelage des États ici et là (Belgique, Espagne, France, USA, Suisse…)

18)
Kermorvan
, le 05.05.2009 à 16:40

• exclusivement masculins

• âgés de 25 ans au moins (à une époque ou l’espérance de vie était de 28 ans)

Il faut préciser qu’il s’agit de l’espérance de vie à la naissance, sinon ça ne veut strictement rien dire. On mourait en bas âge, et les femmes mouraient des suites de couches. Si l’on comparait l’espérance de vie des hommes de 20 ans (hors guerre), ça sonnerait différemment. Evidemment, il y a aussi les famines, les épidémies, ça fait des trous dans les courbes statistiques, comme les guerres. Mais tout ça, ça va revenir, non ?

19)
Anne Cuneo
, le 05.05.2009 à 20:50

Je n’ai qu’une envie maintenant, y aller en touriste. Je vous pose donc la question, Anne, est-ce facile, possible (sans contact aucun) ? Si oui, rendez-vous est pris !

Die nächste Landsgemeinde findet am Sonntag, 2. Mai 2010 statt.

Rien de plus facile – il y a même des trains spéciaux (depuis Lucerne, et si nécessaire depuis Zurich), c’est déjà super dans le train, les gens viennent exprès pour voter, et ça discute ferme… Faisons un groupe et allons-y! C’est un peu moins confortable sans invitation, on doit se contenter d’être sur la place, hors du ring, sans vue de haut comme j’ai eu l’année où j’étais invitée. Mais c’est possible, et même plaisant. Rendez-vous le 2 mai 2010, donc!

Et une fois que vous y êtes, à Glaris, il n’y a pas que la Landsgemeinde.

20)
bgc
, le 05.05.2009 à 22:57

@Kermorvan

“Victor Hugo a écrit que « ouvrir une école, c’était fermer une prison » ; le slogan a été abondamment repris. Nous avons mis des écoles partout, imposé des scolarités longues, et il n’y a jamais eu autant de prisons”

Ca dépend aussi ce que l’on y enseigne, et surtout, surtout, comment on l’enseigne, et dans quel but.

“Enseigner” est souvent confondu avec, ou utiliser pour “formater”. Pas par les professeurs ou les instituteurs que je respecte infiniment, mais par ceux qui font et imposent les programmes.

21)
Joël (exGlimind)
, le 06.05.2009 à 07:55

…c’est déjà super dans le train, les gens viennent exprès pour voter, et ça discute ferme…

Ce qui me laisse mois d’une année pour travailler mon glaronnais ;) Dans une année c’est loin, mais je suis go. On en reparle en avril…

22)
Argos
, le 06.05.2009 à 18:10

C’est mon prof d’histoire du droit qui nous avait emmené à la Landesgemeinde de Glaris – après un tour dans les vignobles du Lac de Wallenstadt. Il nous a aussi appris que Glaris, au dix-neuvième siècle, avait été un pionnier des lois sociales. En 1846 la Landesgemeinde approuvait une loi interdisant le travail des enfants de moins de douze ans dans les fabriques, une mesure inouïe à l’époque. La Landsgemeinde confirma ces dispositions en 1848. Après l’interdiction du travail dominical (1858), elle fit un pas de plus en 1864, contre la volonté du gouvernement et du Grand Conseil, en limitant la durée normale du travail à douze heures et en prohibant le travail de nuit. En outre, elle institua un congé maternité de six semaines. En 1872, la Landsgemeinde ramena la journée normale de travail à onze heures. La loi cantonale sur les fabriques fut ainsi le modèle de la loi fédérale de 1878 sur le même objet.En 1892, la Landsgemeinde adopta une loi contenant des mesures de protection (notamment la journée de onze heures) en faveur des employés des entreprises non soumises à la loi sur les fabriques. Glaris fut le premier canton à se doter d’une assurance vieillesse et invalidité en 1916 (elle servait par exemple une rente annuelle de 180 francs à un homme de 66 ans ayant cotisé à raison de 6 francs par an pendant trente-trois ans) et d’une assurance chômage en 1925. Pas mal, non ?

23)
CHD
, le 06.05.2009 à 19:13

La démocratie est une très ancienne coutume, particulièrement active dans les nombreuses villes (dites franches car affranchies des droits féodaux) ainsi que dans certains pays de montagne (e.g. les cantons “primitifs”). Par exemple, c’est en 1343 que le dauphin a signé la charte (i.e. la constitution) de la république des escartons (incluant les Hautes-Alpes ainsi que le Turinois), entérinant ainsi la coutume (la présence royale ayant toujours été assez lointaine). Le taux d’alphabétisation était d’ailleurs très élevé dans ces régions afin que les chefs de famille (i.e. les femmes lorsqu’elles étaient veuves) puissent participer aux assemblées de la commune, de l’escarton et du grand escarton.

24)
Anne Cuneo
, le 07.05.2009 à 08:42

Pas mal, non ?

Vraiment pas mal! Et ça a continué. Je n’ai pas la liste sous la main pour compléter la tienne, Argos, mais j’avais cherché à me faire une image du canton avant d’aller à la Landsgemeinde, et je m’étais rendu compte que sur l’Europe, sur les étrangers, sur toutes sortes de modifications des lois sociales, Glaris votait le plus souvent “moderne”. Le plus étonnant par rapport à nos stupides idées reçues, c’est de discuter avec les gens – un mix de conscience des traditions et d’ouverture très intéressant.

25)
Modane
, le 07.05.2009 à 18:06

Passionnant, Anne!