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“Dialectes” et “langue classique”

Depuis que les citoyens du monde cherchent à retrouver leurs racines, les langages régionaux (dialectes, patois) refont parler d’eux. En Suisse alémanique, ils représentent un problème central, à la fois politique et culturel.

Zurich. Nous sommes dans un ascenseur. Deux Italiens se racontent en riant l’entrevue qu’ils viennent d’avoir avec quelqu’un qu’ils n’aiment pas. En italien, bien entendu, c’est ainsi que je sais qu’ils sont originaires de la péninsule. Tout à coup, au milieu de son récit, l’un d’eux singe la réponse de son ex-interlocuteur – dans le plus pur dialecte zurichois. C’est ainsi que j’apprends qu’ils sont aussi zurichois. Ils sont typiques. Ce sont ce qu’on appelle en Suisse des Secondos, enfants d’immigrés nés en Suisse, parfaitement intégrés et parlant indifféremment leur langue d’origine et la langue du lieu où ils vivent. Je suis l’une d’entre eux (je ne suis pas née en Suisse, mais c’est tout comme).

A la sortie de l’ascenseur, j’ai arrêté ces deux jeunes gens et je leur ai posé la question qui m’intéressait dans l’immédiat:

«Lorsque vous alliez à l’école, vous avez appris le dialecte ou l’allemand?»

«Les deux», ont-ils répondu à l’unisson.

«Puisqu’on était ailleurs qu’en Italie, autant que ça serve. Le dialecte suisse allemand c’est très bien avec les copains. Mais pour la vie sérieuse, autant savoir l’allemand.»

«Mon frère et moi», a précisé le second, «on est même allés en Allemagne, parce qu’avec l’allemand qu’on nous enseignait ici, ailleurs qu’en Suisse, on se moquait vite de nous.»

Ils savent aussi l’anglais, et m’en font la démonstration au moyen d’une série de jurons très colorés. Leur accent est parfait, ils doivent être doués pour les langues.

«En sommes, vous êtes trilingues.»

«Sans problème», dit l’un, désinvolte.

«Bien obligés», complète l’autre.

Là-dessus on se serre la main, et nous nous quittons.

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Les enfants sont naturellement multilingues

Si je leur ai prêté attention, et ne les ai pas oubliés, c’est que depuis quelques jours le débat fait rage en Suisse alémanique: faut-il vraiment parler “le bon allemand” aux enfants dès l’école enfantine? N’est-ce pas trop tôt? La majorité des pédagogues disent que non: les enfants sont naturellement multilingues, et nous autres immigrés sommes là pour le prouver. Les enfants qui ont grandi en Suisse alémanique encore plus que ceux qui ont été élevés en Romandie. Ce n’est pas seulement une question pédagogique. Le fait qu’on en parle objectivement n’enlève rien au caractère émotionnel du problème. (Je dois être maso – m’attaquer à l’usage des dialectes alémaniques. A chaque fois que j’en ai parlé, je me suis attiré les foudres des jusqu’au-boutistes des deux camps.)

Pisa 2000

En 2’000, l’étude annuelle de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) dite PISA (Programme international pour le suivi des élèves) avait porté un jugement sévère sur la capacité des enfants alémaniques à maîtriser l’allemand, qui était devenu pour certains d’entre eux, dans les termes mêmes de certains participants à l’étude, «une sorte de langue étrangère».

A vrai dire, cela ne faisait que confirmer ce qu’une partie de la population exprime depuis longtemps: «Notre langue maternelle est le dialecte», vous dit-on volontiers. Et depuis quelques décennies, dans le sillage des mouvements antiautoritaires, les dialectes alémaniques ont été utilisés de plus en plus souvent – à la radio, à la TV, et bien entendu à l’école.

«La première fois que j’ai participé à un cours à Hambourg, où tout se passait en allemand, je n’ai rien compris», me confiait il y a quelque temps un médecin d’une quarantaine d’années qui fait partie de ce qu’il qualifie lui-même de la «génération dialecte»: à la maison, à l’école, à l’armée, et largement à l’université, l’allemand était peut-être une langue écrite, mais rarement orale. «Il a fallu que je sorte de Suisse pour comprendre à quel point je m’étais restreint.»

Ce genre d’affirmation provoque souvent de vives réactions. En effet, il y a ceux qui disent que le dialecte n’est pas adapté à l’expression large et précise des concepts intellectuels et techniques, qu’il n’a pas une littérature suffisante pour cela, et il y a ceux qui croient au contraire qu’avec les dialectes on peut tout dire. En dépit des constatations de l’étude PISA.

La langue de l’ennemi

Une partie de l’attitude alémanique face au dialecte et à l’allemand littéraire vient bien entendu de l’histoire du XXe siècle.

Dans sa très grande majorité, la population suisse, toutes convictions politiques confondues, a été d’emblée violemment antinazie. Hitler et son mouvement représentaient tout ce contre quoi la Suisse a lutté pendant des siècles. Et quelles qu’aient pu être les compromissions des gouvernants, des industriels ou des banquiers, le fait sur lequel on n’insistera jamais assez, c’est que plus la menace hitlérienne devenait concrète, plus l’antinazisme helvétique devenait virulent.

Un des prétextes invoqués par le gouvernement allemand pour ses agressions était la réunification du grand Reich sous la férule de Berlin. Et une des choses qui définissaient ce grand Reich, c’était la langue.

En Suisse, une des manières que l’homme de la rue avait de prendre ses distances, c’était de ne pas parler l’allemand: on utilisait le dialecte comme une arme. Qui sait si en aimant les mêmes opéras, les mêmes poètes, si en parlant la langue d’Hitler, on ne risquait pas de devenir comme lui?

Dans son journal, Max Frisch a exprimé cela très clairement:

«Les mille histoires qu’on nous raconte [sur l’Allemagne nazie] m’ont fait me demander de plus en plus souvent comment je me serais comporté dans une telle situation. … Elles ont ébranlé notre confiance en notre propre humanité. Des hommes qui prononcent les mêmes mots que moi, qui aiment la même musique que moi, ne sont nullement à l’abri.»

Se réfugier dans le dialecte, c’était une manière de se mettre à l’abri. La survalorisation du dialecte dans la Suisse de la fin du XXe siècle m’a toujours paru avoir ses racines dans le traumatisme nazi. La Suisse a certes évité le pire, mais je répète, il ne faut pas confondre la population dans son ensemble avec les profiteurs, avec l’opportunisme et l’antisémitisme de certains gouvernants, et avec la toute petite minorité fasciste du pays: le gros des Suisses a dû faire de gros sacrifices, des centaines de milliers d’hommes jeunes ont passé des années à garder les frontières, on n’est certes pas mort de faim – mais les pénuries, la menace d’une invasion, sont restées présentes jusqu’au bout. Et si cette invasion avait eu lieu, la population était prête à se battre pied à pied. Le nazisme a laissé des traces profondes même dans ce pays épargné.

Tout cela explique pourquoi les Suisses alémaniques clament si fort, aujourd’hui encore, leur «bilinguisme». L’allemand, on veut que ce soit clair, est la langue «des autres», ceux avec qui dans les moments cruciaux on ne voulait rien avoir de commun.

Si on voulait être rationnel à tout prix, on pourrait répondre par deux arguments.

D’une part, le dialecte alémanique n’est pas unique en son genre. Regardez la carte.

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Carte des parlers germaniques depuis 1945 (origine: Wikipedia)

Et encore, depuis 1945, quelques nuances ont disparu, à ce qu’il paraît. Or je n’ai rencontré nulle part une insistance pour s’accrocher consciemment à la forme dialectale de la langue comparable à celle des Suisses. Certes, les accents diffèrent largement, on ne parle pas vraiment à Munich comme à Hambourg ou à Berlin, même sans dialecte. Il y a probablement des gens qui préfèrent leur dialecte à l’allemand (disons) classique. Mais on ne les rencontre pas vraiment, et ils ne font pas débat, alors que la question de la langue utilisée pour l’enseignement des petits fait parfois la une de la presse alémanique, et qu’elle est débattue avec virulence en ce moment même.

D’autre part, deuxième argument: existe-t-il une langue qui ne se divise pas en parlée et écrite? D’accord, la distance entre le dialecte alémanique et l’allemand est plus grande qu’entre le français écrit et le français oral. Et pourtant… Même un Frédéric Dard, le roi de l’expression argotique, n’écrit pas vraiment comme on parle. Qui plus est, le français écrit (pour ne prendre qu’un exemple) emploie encore largement le passé simple, qui a complètement disparu de la langue parlée. Lorsqu’un enfant sort du cocon maternel pour aller à la rencontre des autres, lorsque la maîtresse enfantine parle une langue qui va devenir compréhensible pour tous, ce n’est pas donné d’avance. Même dans la langue maternelle.

Sans compter qu’il y a aujourd’hui dans les classes des enfants venus du monde entier, dont la langue maternelle n’est pas le parler local, et qui pourtant vont devoir comprendre et se faire comprendre. Les maîtresses enfantines alémaniques vous disent: «Rendez-vous compte, ces pauvres petits doivent apprendre trois langues!»

Mes deux lascars de l’ascenseur vous diraient que pour des centaines de milliers de petits Italiens, Espagnols, Portugais, Grecs, etc. c’est là une réalité depuis bien avant tous ces débats. Ils ne s’en sont pas plus mal portés. Parmi ceux qui sont restés en Suisse à l’âge adulte, il y en a dans toutes les professions. Certains d’entre eux sont même devenus écrivains dans la langue apprise. Leur (notre) bilinguisme n’a pas été un handicap, mais une chance.

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L’oral et l’écrit

13 commentaires
1)
François Cuneo
, le 15.04.2008 à 06:53

D’abord, désolé pour la mise en ligne à 6h45, j’ai oublié de mettre sur 4…

Ensuite.

Le dialecte suisse-alémanique, je lui en veux beaucoup.

C’est certainement à cause de lui que j’ai été mauvais en allemand à l’école.

De toute façon, l’allemand, ça ne servait à rien de l’apprendre, vu que si l’on allait en Suisse alémanique avec nos beaux efforts, soit les gens ne comprenaient rien (Dieu sait si ça m’est arrivé les dernières années à l’armée avec les p’tits jeunes!), soit ils vous répondaient (à l’époque, c’est beaucoup moins le cas) en français.

2)
Danih
, le 15.04.2008 à 08:22

Dans le canton de Berne, les enseignants alémaniques ont l’obligation d’enseigner en langue allemande. Mr. Pulver, Directeur de l’Instruction Publique, lors d’un de ses premiers discours, a assuré qu’il veillerait à ce que cela soit respecté dans la pratique. Belles paroles! A Bienne, on constate que nos collègues dans leur grande majorité n’utilisent que le dialecte en classe et que beaucoup sont incapables de s’exprimer correctement en allemand. Les enfants qui ne sont pas de langue maternelle alémaniques doivent donc apprendre et l’allemand et le dialecte. De fait, on constate qu’ils s’expriment bien mieux en dialecte qu’en allemand. Tout cela ne fait qu’accentuer encore les inégalités entre romands et alémaniques.

3)
Saluki
, le 15.04.2008 à 09:08

Ah, les histoires d’ascenseur…

Mes parents ont fui le fascisme et la vendetta le jour de leur mariage.
Maman allait enseigner le français et c’est naturellement vers la France qu’ils se sont dirigés. Comme je suis un “bébé accident” de 18 ans cadet de mon frère, je ne les ai jamais entendus parler italien ou sarde, même s’ils se chamaillaient. Une rupture totale et définitive, ils ne sont jamais retournés là-bas.

J’ai donc appris l’italien par curiosité et, bien sûr, attirance de l’interdit, le dialettù sassarezzu par pur défi.
Quand la direction de la filiale italienne du groupe multinational où je travaillais s’est subitement trouvée vacante, j’étais, au siège parisien pour le continent, le seul à comprendre l’italien. La semaine suivante, j’étais à Milan avec une belle casquette toute nouvelle, quelques échelons au dessus (un coup d’ascenseur…) de ma condition précédente d’ingénieur d’affaires.

4)
alec6
, le 15.04.2008 à 09:46

Merci Anne pour cet article fort intéressant. Etant tristement monolingue, je n’ai pas grand chose à dire si ce n’est avoir conservé quelques bon souvenir d’allemand et d’anglais scolaires qui me permettent de me débrouiller dans ces pays là…

Quant à la France… le centralisme à détruit fort efficacement langues et dialectes qui demeurent, certes, doctement enseignés dans les lycées et universités, mais qui sont très peu parlées au quotidien par les adultes et pas du tout par les enfants. Quand les enfants ne parlent pas une langue, celle ci est cuite !

5)
POG
, le 15.04.2008 à 09:51

Je partage parfaitement l’analyse de Anne, moi l’Alsacien, j’ai toujours vécu avec le français et le dialecte, personne ne se posait de questions. C’est “normal”, même mon père qui a fait l’Ecole Normale n’a appris le français qu’à l’âge d’aller au CP (soit vers 6-7ans), donc les langues ne sont pas un poids, mais une chance immense. L’attitude du gouvernement français à ce titre dans les années 60-70 fût détestable, considérant le dialecte comme “has-been”. Au lieu de le soutenir, maintenant on fait machine arrière et on essaie de faire des classes bilingues avec les allemands de l’Ortenau.

N’importe qui, qui se rendra un jour à Bâle remarquera le nombre de français qui travaillent à la MIGROS ou bien dans d’autres entreprises qui grâce à leur connaissance du dialecte se fondent facilement dans la population et permet des échanges riches. A ce titre ces français d’Alsace me semble plus acceptés que ceux qui déboulent à Genève de Haute-Savoie ? :-) l’historie des ces régions est aussi si différente.

Quand on maîtrise deux langues, la troisième s’assimile si simplement. Je ne suis pas Suisse, mais je comprends et soutiens l’attitude des alémaniques qui défendent leurs dialectes et une forme de culture locale.

6)
Franck_Pastor
, le 15.04.2008 à 11:50

Les Néerlandais et Flamands ne seraient pas contents de voir que d’après la carte de cet article, leurs dialectes feraient partie des dialectes “allemands” :-) Certes, ce sont des dialectes germaniques. Mais leur langue fédératrice à eux, c’est le néerlandais (“Algemeen Nederlands”, néerlandais unifié), pas l’allemand.

Il y a un peu le même problème ici en Belgique, s’agissant de la langue officielle de Flandre (le néerlandais), et la multitude de dialectes que les Flamands parlent dans la vie de tous les jours. Ainsi, parfois, certaines personnes interviewées dans la rue pour la télé doivent être sous-titrées en Algemeen Nederlands pour que l’auditeur d’une autre province flamande puisse les comprendre. L’usage du néerlandais officiel comme véritable première langue, celle qu’on emploie spontanément, est, comme en Suisse, l’exception et non la règle.

Et pour ceux qui apprennent le néerlandais comme moi, ce n’est pas évident de se promener dans les rues de Bruges ou de Gand et de ne RIEN comprendre à ce que les gens disent autour de soi. Si je leur adresse la parole, ils me répondent bien gentiment en un néerlandais impeccable, et repassent illico à leur dialecte dès que j’ai le dos tourné. Assez frustrant, une véritable communication spontanée n’est pas vraiment possible…Et ça décourage pas mal de francophones à se mettre au néerlandais. François, apparemment, comprendrait bien leurs raisons !

Pour ma part, je me dis que c’est déjà quelque chose d’avoir accès à la littérature et aux médias néerlandophones, étonnament riches et variés, et je me dis que j’apprendrais le dialecte du coin si je m’installe un jour vraiment en Flandre. Pour le moment, étant à Bruxelles, francophone à 80%, le problème ne se pose pas vraiment.

7)
Anne Cuneo
, le 15.04.2008 à 17:13

Les Néerlandais et Flamands ne seraient pas contents de voir que d’après la carte de cet article, leurs dialectes feraient partie des dialectes “allemands” :-) Certes, ce sont des dialectes germaniques.

Franck, tu as raison. Le pire, c’est que j’y ai pensé, et qu’ensuite j’ai oublié, mais je corrige à l’instant. C’est bien la “carte des parlers germaniques” qu’il faut dire – parlers plutôt que dialectes, vu que certains de ces (disons) dialectes sont véritablement des dialectes qui ne disposent que d’un littérature écrite limitée et ne sont pas utilisés pour communiquer hors de leur région spécifique, et d’autres, comme le Algemeen Nederlands disposent d’une culture écrite extensive, d’une littérature nombreuse et sont devenus des langues nationales, reconnues comme telles même hors de leurs frontières.

8)
zit
, le 15.04.2008 à 23:16

Ah, les langues, c’est chouette les langues! Important pour bien se faire comprendre et surtout accepter, même en tant qu’étranger, quand on voyage, quand on est “à l’étranger”. Je déteste débarquer dans un pays et être obligé de parler anglais si ce n’est pas la langue locale, je trouve ça grossier (pourtant je maîtrise correctement cette langue). Et même si on ne parle pas bien et qu’on comprends encore moins bien, je crois que les autochtones préfèrent quand même: c’est mon cas quand un touriste (et ils sont nombreux à Paris) me demande son chemin en français, je le trouve plus sympathique que quand c’est en anglais…

Pour ce qui concerne les langues germaniques, par contre, je botte en touche, n’y comprenant rien, “dialecte” ou “langue classique”, no comprendo… Cependant, le néerlandais m’amuse: on a l’impression qu’ils parlent avec des patates brûlantes dans la bouche ;o).

A lire les passionnants livres de Claude Hagège sur les langues, plutôt ses livres récents, je suis tombé sur un de ses premiers qui m’est tombé des mains (trop universitaire à mon goût), mais les récents, c’est épatant, une passion, un enthousiasme formidables.

z (le seul mot néerlandais que je connaisse, c’est “brosse à dents”, je répêêêêêêête: pas facile à placer dans la conversation!)

9)
levri
, le 15.04.2008 à 23:40

oui le multilinguisme est plutôt une chance pour les enfants, ils sont plus “éclatés” et ont plus le sens du relatif. ;)

@ 8- – zit : je connais plus d’un mot en Néerlandais et en Flamand … mais je ne ferai pas d’épate … je ne sais pas les écrire !

Le point positif, c’est qu’après un effort surhumain pour sortir une phrase d’une traite … ils sont tous pétés de rire, je pourrais conclure en disant que massacrer les langues , ça détend l’atmosphère. :D

Autre souvenir d’Amsterdam, le petit garçon de 5 ans trilingue d’un copain qui demande à son père : “pourquoi il parle comme dans les dessins animés, ton copain?” :D

10)
Franck_Pastor
, le 16.04.2008 à 13:20

Les dents en néerlandais, c’est “de tanden”, mais la brosse à dents, j’avoue que j’ai séché, et j’ai consulté pour trouver “de tandenborstel”. Un mot de plus à mon répertoire ;-)

Levri et Zit, il y a 100 accents différents en néerlandais, et pas vraiment un de standard. Peut-être celui de la reine des Pays-Bas lors d’un de ses discours. C’est impressionnant d’élégance et de fluidité.

11)
Enrico
, le 16.04.2008 à 18:46

Tant qu’à être bilingue ou trilingue, autant l’être dans des langues qu’on parle ailleurs que dans son village & les fermes alentours. J’ai vécu 4 ans à Zurich, et j’ai trouvé le repli identitaire des autochtones sur leur dialecte local comme au mieux déplaisant, au pire stupide. En fait c’est une méthode (avoir une “langue” réservée aux natifs du lieu, dans laquelle on reconnaîtra toujours l’étranger : à Zurich j’ai connu des autrichiens qui étaient là depuis 30, 40 ans, mais dès qu’ils parlaient Züridütch ils trahissaient leur origine “étrangère”) pour identifier le non-natif et au besoin pouvoir l’exclure. En Suisse romande il n’y a pas ça, ça rends le pays plus accueuillant pour tous, y compris les allemands ou les autrichiens. J’ai vécu des scènes pathétiques de hauts valaisans et de zurichois parlant chacun dans son “machin” sans se comprendre, mais tout contents de n’être pas passé au “Hochdeutch”. Je trouvais cela triste et pathétique.

En plus l’allemand est une langue superbe, précise, la langue de Goethe et de Kant, alors que le Züridütch est laid, avec peu de signifiants, une grammaire adapté aux individus au QI très inférieur à 100. Une langue adaptée pour un discours électoral de l’UDC, mais ni pour la philo, ni pour la poésie.

Les suisses allemands ne sont pas non plus dupes: quand l’un vous adresse la parole dans un quelque dialecte guttural plus ou moins incompréhensible par quelqu’un né à plus de 40 km de là, répondez-lui “Können Deutsch sprechen ? Ich verstehe Ihr Dialekt gar nicht” : en général il rougit, ses joues se gonflent, un rictus de rage déforme ses lèvres et si c’est un bon jours il vous traitera d’allemand de merde (ça donne un truc genre “schiiiess Fischkopfchr” ) – c’est très drôle quand on est un rital ou un welche.

Bref : bi & tri-lunguisme oh oui, que diantre, repli tribal sur le dialecte, non, merci, on s’en passe très bien, vive la France, vive la Suisse Romande. ;-)

12)
Nathalie Musardo
, le 25.04.2008 à 11:46

Bonjour et bravo pour cet article! Réaction à 2 commentaires:

«Quand on maîtrise deux langues, la troisième s’assimile si simplement. Je ne suis pas Suisse, mais je comprends et soutiens l’attitude des Alémaniques qui défendent leurs dialectes et une forme de culture locale.» (PO dixit)

Euh… vraiment si simplement? Non, je ne crois pas. Pour les francophones qui apprennent l’allemand avant d’arriver en Suisse allemande, le dialecte ne coule pas de source. En revanche, d’accord pour la culture locale, le parler régional est une chose définitivement perdue en France et c’est bien dommage.

«En fait c’est une méthode (avoir une “langue” réservée aux natifs du lieu, dans laquelle on reconnaîtra toujours l’étranger: à Zurich j’ai connu des autrichiens qui étaient là depuis 30, 40 ans, mais dès qu’ils parlaient Züridütch ils trahissaient leur origine “étrangère”) pour identifier le non-natif et au besoin pouvoir l’exclure. (…) J’ai vécu des scènes pathétiques de hauts valaisans et de zurichois parlant chacun dans son “machin” sans se comprendre, mais tout contents de n’être pas passé au “Hochdeutch”. Je trouvais cela triste et pathétique.

En plus l’allemand est une langue superbe, précise, la langue de Goethe et de Kant, alors que le Züridütch est laid, avec peu de signifiants, une grammaire adapté aux individus au QI très inférieur à 100. Une langue adaptée pour un discours électoral de l’UDC, mais ni pour la philo, ni pour la poésie.» (Enrico Riboni)

Vous ne mâchez pas vos mots, mais ça fait du bien de vous lire! C’est vrai qu’il est assez étonnant d’être confronté à un esprit de clocher dans une ville comme Zurich, une métropole tout de même! Ce serait moins surprenant dans un petit village.

Cependant, je n’oserais pas approuver le fait que les utilisateurs de cette langue ont un QI inférieur à 100… Même si, en effet, les discours populistes ont en général recours à des moyens d’expression simples, directs et efficaces. (Ce qui n’est pas le cas de Jean-Marie le Pen, qui se fait un point d’honneur à placer un imparfait du subjonctif dans chacun de ses discours. Il utilise une méthode différente de celle de l’UDC: séduire dans un style qui se veut impressionnant d’érudition plutôt qu’en essayant de se rapprocher de ses électeurs.)

Alors, pouvons-nous attendre des Suisses allemands qu’ils s’expriment sans malaise en allemand à l’école, au travail et avec les non-natifs, tout en parlant dialecte dans la sphère privée? Ou devons-nous attendre des communautés immigrées qu’elles apprennent les deux langues si c’est si facile?

Vous trouverez des commentaires sur l’article d’Anne Cuneo sur http://www.auxartsetc.ch, la plate-forme culturelle francophone pour Zurich et sa région!

13)
sevego
, le 15.05.2008 à 16:47

Comme je suis d’accord avec toi Enrico.J’ai vécu 2 ans à Zurich et j’ai également trouvé l’attitude des Zurichois(es) ridicule. Selon eux, si nous ne savons pas le dialecte nous sommes des idiots finis. Combien de fois m’a t-on considérée comme une imbécile parce que je ne savais pas parler le dialecte. Juste en passant:je parle le français (langue maternelle), l’allemand (le bon!), l’anglais, l’italien et j’ai un bac en espagnol. Excusez-moi si je ne sais pas parler le dialecte ! Ca me fait vraiment sourire!

L’UDC parle constamment d’intégration; mais comment veut-on donc que les étrangers puissent s’intégrer en Suisse-allemande ? Ils ne maîtriseront jamais le suisse-allemand et seront toujours considérés comme des étrangers dès qu’ils auront ouvert la bouche. De plus, ils ne seront jamais en mesure d’atteindre un bon niveau d’écrit d’allemand – étappe essentielle pour accéder à un bon poste de travail, puisque l’allemand n’est pratiquement jamais utilisé. Mais Monsieur Blocher & Co, l’intégration doit intervenir dans les deux sens et non pas de manière unilatérale!

L’autre jour, un ami francophone me racontait comme un zurichois lui a sèchement rétorqué de retourner dans son pays après que mon ami lui ait demandé de répéter sa question ne comprenant pas ce que l’homme lui baragounait !

Ou alors de citer la première fois que je me suis rendue dans une banque de la Bahnhofstrasse et qu’on m’a demandé de présenter mon permis de séjour alors que je venais de demander à ouvrir un compte.

Comme quoi j’ai l’impression que les Zurichois n’ont pas compris qu’on pouvait parler une autre langue et être Suisse!!!!

Cela dit, je crois qu’il s’agit là d’une spécifité zurichoise, j’ai récemment quitté la capitale économique de la Suisse pour m’installer dans le canton de Berne et je peux vous assurer que la situation est ben différente. Ici, les gens sont bien plus sensibles à la différence linguistique et ne vous considèrent en aucun cas commes des retardés mentaux au cas où vous en parliez pas le dialecte.

Comme quoi Zürich et ses habitant(e)s ont encore beaucoup a apprendre, même si elle se prend pour le centre du monde !

Merci Mme Cuneo pour cet article. Tant pis si nous nous attirons les foudres des pro Schwiiiiiizeeeerduuuutsch ! Je dirais tout simplement à tous ces jusqu’au-boutistes qu’un séjour à l’étranger leur feraient du bien – histoire de se confronter aux difficultés d’intégration et après on en reparle !