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Vitus, ou: la liberté de choisir

Un jeune homme essaie d’entrer sur un aérodrome, la grille est fermée. Qu’à cela ne tienne, il l’escalade, et il entre. On voit alors que ce n’est guère qu’un garçonnet, même s’il porte un complet veston. Il s’installe aux commandes d’un petit avion, le met en marche, et il part - poursuivi par les hurlements des mécaniciens, sûrs qu’il court à la mort.

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C’est ainsi que commence “Vitus”, le film du réalisateur suisse Fredi Murer: par une série de transgressions. La philosophie tout entière du Fredi Murer est résumée dans cette première scène.

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Fredi Murer, réalisateur. Il a commencé à faire du cinéma à une époque où le cinéma suisse était presque inexistant: il a contribué à le faire revivre.

Fredi Murer, je vous le présente, je n’ai pas trouvé de photo plus grande de lui, mais on voit bien que cet homme qui fait des films depuis 40 ans a gardé un regard - une âme - d’enfant. Face aux impératifs des “adultes”, aux préjugés, il entretient le même sentiment qu’il éprouve pour ces montagnes de Suisse centrale dont il est originaire: les hauts pics qui limitent la vue méritent notre affection, c’est avec eux que nous avons grandi, mais une fois que nous sommes grands, il faut s’en défaire, les dépasser, prendre son envol. C’est ainsi que, contre la volonté de sa famille, Fredi Murer avait, en 1966, quitté son Nidwald natal pour Zurich, où il est resté.

Il a passé sa vie, dans la plupart de ses films, à lutter contre les préjugés: et quand je dis lutter, je m’entends. Il ne crie pas dans la rue le poing levé, Fredi. Il travaille. Il cisèle des films qui expriment son credo, sous une forme d’une intense poésie.

L’âme sœur (un succès mondial), c’est entre autres lui, Pleine lune, c’est lui. Et maintenant, Vitus, c’est encore lui.

Pendant les cinq années où il a fait le film, lui et moi avons été voisins, et nous le sommes d’ailleurs toujours. Je le rencontre dans les bistrots du quartier, à l’épicerie, dans la rue. Pendant ces cinq années, il s’est battu comme un beau diable, pour financer son film, pour trouver un jeune pianiste prodige, pour organiser une production compliquée. Je ne l’ai jamais vu autrement que souriant, courtois. Tout au plus, au bout d’un moment, il vous disait qu’il avait quelques difficultés. Mais cela s’arrêtait là.

L’enfant prodige et son grand-père

Deux personnages principaux dans Vitus: l’enfant et son grand-père. Nous faisons la connaissance de l’enfant lorsqu’il a six ans, puis le retrouvons à douze ans. Il est joué par deux surdoués du piano: à six ans, c’est Fabrizio Borsani, un très jeune pianiste plein d’avenir, à douze Theo Gheorghiu; le grand-père, c’est l’extraordinaire Bruno Ganz. Sans lui, le film ne serait pas ce qu’il est. C’est en quelque sorte lui qui lie la sauce.

Vitus est un enfant comme les autres - du moins dans son esprit. Comme tous les enfants, il a envie de s’amuser, et il a la chance d’avoir un grand-père menuisier qui l’aide. Il est à la retraite, il est vrai, mais sa menuiserie est intacte, et il y bricole sans arrêt les jouets les plus divers pour Vitus. Il rêve d’avions, et il transmet le rêve à son petit-fils.

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Le grand-père a reconstitué pour Vitus les ailes de Léonard de Vinci. Vitus (Fabrizio Borsani) a six ans.

Là, je ne sais pas s’il faut que je dise que Vitus a un problème, ou que la société a un problème avec Vitus. Mettons que c’est plutôt la société, qui n’aime pas ce qui dépasse, qui a un problème avec Vitus: car Vitus, c’est un enfant prodige.

Il a l’ouïe d’une chauve-souris (très aiguisée) et l’oreille absolue, la mémoire d’un éléphant, n’aime rien tant que lire des encyclopédies au moment où d’autres entrent au jardin d’enfants, et c’est déjà un virtuose du piano. Tout ça sans cesser d’être un petit garçon qui, une fois ses encyclopédies posées et son piano quittés, a besoin d’affection, a envie de s’amuser et de faire le fou.

Mais les parents de Vitus, qui n’ont pas l’oreille fine, ne veulent pas entendre parler de normalité: ils ont produit un génie, ils en feront un grand homme. Vitus n’a donc que peu de temps pour s’amuser, on le parade partout, et s’il n’avait pas son grand-père et la jeune fille au pair, personne ne se comporterait avec lui comme avec un enfant normal.

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Une mère (Julika Jenkins) refuse la normalité à son fils. Toutes ses ambitions d’adultes se déversent sur ce petit garçon prêt à tout pour lui faire plaisir - et qui n’y arrive jamais, car elle veut plus qu’il ne peut donner.

 Et puis Vitus grandit. Il arrive à l’âge de 12 ans. Entre-temps, la pression sur lui est telle, qu’il s’est laissé prendre au jeu, et étale partout sa supériorité. Mais il est trop intelligent pour se mentir: il est malheureux, et il le sait. Un jour, pour se libérer, il prend le risque de provoquer un accident (l’instant est plus poétique que dramatique…), dont il sort physiquement indemne; mais psychiquement, c’est une autre affaire. À partir de là, il semble avoir perdu tous ses talents. Il n’a plus bonne mémoire, il ne sait plus jouer du piano, il n’entend plus rien. Du jour au lendemain, il devient ce qu’il a toujours voulu être: un enfant normal, un élève médiocre sur lequel personne ne se retourne et auquel ses parents fichent une paix royale. Seul son grand-père comprend qu’en fait Vitus simule.

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Vitus (Theo Gheorghiu) a grandi, mais entre son grand-père (Bruno Ganz) et lui, la complicité reste intacte, et le message a passé. Le talent, c’est bien. Mais l’essentiel, c’est de savoir ce qu’on veut.

Je ne raconte pas comment Vitus et son grand-père s’y prennent pour que la vie de Vitus change. Je vous laisse quelques surprises: les méthodes auxquelles ils ont recours sont aussi poétiques qu’inattendues, et représentent en même temps une critique subtile et pleine d’humour de la société actuelle.

Finalement, ayant fait son chemin à sa manière, grâce à ce grand-père qui l’a toujours respecté, Vitus finit par prendre ses propres décisions, sans consulter personne. Il se rend compte que s’il est difficile d’accomplir les rêves que les autres ont pour soi, en quelque sorte par procuration, il est impossible de ne pas accomplir ses propres rêves, et son propre destin lorsqu’on a la chance que toutes les portes soient ouvertes devant soi. Et l’apothéose, c’est un splendide finale du concerto pour piano et orchestre en la mineur de Schumann, au cours duquel Vitus ne se contente pas de prouver son talent de pianiste, mais il exprime également sa sensibilité et ses émotions.

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À la Tonhalle de Zurich, “Vitus” joue avec l’orchestre de chambre de Zurich sous la direction de Howard Griffiths le concerto en la mineur de Schumann, opus 54. Il a fait son choix.

Le fardeau de l’enfant surdoué

Le message de Fredi Murer est simple: il ne faut pas que les adultes projettent leurs ambitions sur leurs enfants et les forcent à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire. Et ce, même si ce sont des surdoués. Il ne s’agit bien entendu en rien d’un plaidoyer pour la “permissivité” dont il était question ici il y a quelques jours à propos de Mai 68. Forcer (en étant autoritaire au besoin) un Vitus qui a envie d’être pianiste à faire quatre heures de piano par jour, c’est l’aider à se réaliser. Mais forcer un Vitus à être pianiste, même s’il est doué pour cela, alors qu’il a envie de faire autre chose, ce n’est plus de la légitime autorité parentale, c’est de l’abus de pouvoir.

Il ne reste plus alors qu’une solution à un enfant comme Vitus: transgresser.

Fredi Murer illustre le tourment de l’enfant surdoué, qui a à la fois envie d’être comme les autres, et de la peine à y arriver. Il dépasse, quoi qu’il fasse. Et il lui faut avoir recours à une série de transgressions pour enfin prendre la mesure de son monde.

C’est là en fait un plaidoyer pour l’enfance qui, sous des formes diverses, traverse toute l’œuvre de Fredi Murer, et qui s’exprime ici par un exemple paradoxal - très efficace.

Mais Vitus est aussi plaidoyer pour l’expérience de l’âge: le merveilleux personnage du grand-père est celui d’un sage, d’un passeur, capable d’être l’intermédiaire entre l’enfant et l’incompréhension des parents et de la société, entre le petit et un monde de traditions dans lesquelles cet enfant a besoin de s’ancrer avant de pouvoir faire ses choix, aller de l’avant et voler de ses propres ailes.

Theo, le vrai pianiste prodige

Vitus, c’est un garçon de 12 ans, joué par un garçon de 12 ans. Vitus est pianiste: Theo Gheorghiu qui l’interprète aussi. Et le concert final, filmé à la Tonhalle de Zurich, au cours duquel “Vitus” joue le concerto pour piano en la mineur de Schumann (op. 54), était en fait le concert du 7 octobre 2004, sous la direction du chef d’orchestre Howard Griffiths, au cours duquel Theo Gheorghiu s’est présenté au public: l’ovation finale qu’on y voit était la vraie ovation d’un vrai public enthousiaste. J’ai assisté à un concert (un autre) de ce très jeune homme - c’est un pianiste extraordinaire.

Et c’est un garçon tout ce qu’il y a de plus ordinaire, aussi, qui aime le foot et les filles, qui s’empresse de vous dire que Vitus, ce n’est pas lui, que ses parents l’ont aidé, mais jamais poussé. Il trouve “méga” d’avoir fait du cinéma, mais il a maintenant repris sa vie ordinaire.

Fredi Murer a mis du temps à le trouver: il était sur le point de désespérer lorsqu’il est tombé sur ce garçon né près de Zurich de parents roumains, et qui étudie actuellement à l’école Purcell de Londres, une école faite tout exprès pour musiciens précoces.

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La leçon du grand-père à son petit-fils: les rêves, il faut les apprivoiser, et puis un jour, il faut leur permettre de prendre leur envol - c’est le seul moyen de savoir s’ils se transformeront en réalité.

Et ainsi, Fredi Murer, Theo Gheorghiu, Bruno Ganz et toute l’équipe du film derrière eux ont conjugué leurs talents pour raconter une histoire qui va droit au cœur, avec humour, générosité et tendresse; je ne saurais trop vous conseiller de la voir.

Le film est actuellement à l’affiche à Zurich et à Berne, où il a un succès extraordinaire: près de 200’000 personnes l’ont déjà vu. Il sort en Suisse romande dès le 6 octobre. La bande de lancement est d’ores et déjà visible sous www.vitus-film.com. Ailleurs dans le monde, vous avez des chances de le voir aussi: il a été vendu dans une quinzaine de pays et gagne constamment des prix dans les festivals. Et puis, bien entendu, il y a (ou il y aura) le DVD…

23 commentaires
1)
zitouna
, le 15.09.2006 à 00:29

Ça m’a l’air d’être un bien chouette film. Certains détails dans ton récit ressemblent à ce que raconte Polnareff, que ses parents battaient (?) pour qu’il fasse ses 10 heures de piano quotidiennes…
z (qui a presque envie d’aller au cinéma…)

2)
Okazou
, le 15.09.2006 à 00:43

Un bon film, c’est rare et c’est d’abord et toujours une belle histoire. J’ajouterais qu’un bon film c’est une histoire bien humaine. Un reflet de nous-mêmes, de nos craintes et de nos espoirs.

Oui, bien sûr, il y aura toujours un faux dur pour critiquer les bons sentiments. Comme s’ils n’existaient pas, comme s’ils ne constituaient pas, au fond, la fibre même de l’homme.

Ta critique est superbe, Anne. On aimerait que certains critiques intellos, fallots ou poseurs (bien connus) en prennent de la graine. Désolé d’en ajouter dans le compliment mais ta finesse de compréhension de ce film (de la vie, sans doute) fait toute la différence avec les critiques bidon de la société du (lamentable) spectacle.

Le problème de l’enfant surdoué est de pouvoir être considéré comme un enfant, non comme une curiosité. Le problème de la société, famille comprise, devrait être de savoir comment ne pas gâcher un talent.


Un autre monde est possible.

3)
François Cuneo
, le 15.09.2006 à 07:06

Il y a les bonnes critiques d’un film qui nous font le fuir (le film), même si le gars qui nous fait l’article est considéré comme un Dieu du cinéma.

Cette critique-là de Vitus me donne vraiment envie d’aller le voir.

Merci pour nous avoir fait découvrir cette belle histoire.

4)
Caplan
, le 15.09.2006 à 08:12

Très bonne critique pour un très joli film! Merci Anne!

5)
cerock
, le 15.09.2006 à 08:58

C’est vrai que sa donne envie d’aller le voir. Le cinéma suisse n’est pas vraiment connu. On verra si on aura le droit de l’avoir au cinéma (en Valais, région de suisse ou les films hollywoodien ont plus de chance d’avoir leur place que les films suisse). Autrement il me parait le film idéale à proposer à la médiathèque cantonal dès que sortira le DVD.

6)
Blues
, le 15.09.2006 à 09:33

…le tourment de l’enfant surdoué, qui a à la fois envie d’être comme les autres, et de la peine à y arriver … pianiste prodige

Merci pour ce compte-rendu Anne, perso j’aime bien cette thématique (j’irai assurément voir « Vitus ») elle me fait penser entre-autre à ces 2 films

– « le petit homme » de Jodie Foster
– et « Shine » avec Geoffrey Rush

7)
M.G.
, le 15.09.2006 à 12:29

Merci Anne de cet élégant commentaire sur un film que je ne verrai sans doute jamais (il n’y a plus un seul cinéma à Dakar… Peut-être un jour à Paris s’il y est distribué).

De même qu’à BLUES, ce film me fait penser au film de Jodie Foster « Le petit homme » qui aborde le même sujet, avec une conclusion totalement différente et un peu pessimiste (retour à la maison avec sa maman et reprise d’une vie normale).

La vie d’un surdoué est toujours difficile dans sa prime jeunesse et ses relations avec son entourage parfois orageuses. Les adultes alternent en permanence entre fierté pour ses performances (il est génial, ce petit) et agaçement mêlé d’inquiétude quant à ses relations familiales (mais qu’est-ce qu’il a ? Il est trop renfermé, il doit être malade. En tout cas, il n’est pas normal).

Je sais de quoi je parle puisque j’ai vécu dans ce schema. La chance a voulu qu’on me mette « en pension » dès l’âge de huit ans un peu pour se débarrasser de moi (!). Ces braves Frères de Saint-Jean Baptiste de la Salle ont vite compris que je m’ennuyais et m’ont fait sauter une classe « pour voir ». Ça a très bien marché et j’ai caracolé en tête de toutes mes classes jusqu’au Bac.

Aujourd’hui, j’ai soixante ans et je me fais la même remarque que celle qu’a exprimée Bill Clinton dernièrement : « J’ai toujours été le plus jeune partout où je suis passé. Aujourd’hui, je constate avec un peu de regret que ce n’est plus le cas ».

En ce qui me concerne, j’essaye de partager mes connaissances avec les plus jeunes, avec un avantage sur beaucoup de « professionnels » de la Pédagogie : j’ai conservé un parfait souvenir de ce que je pensais à l’âge des gamins. Ceci me permet de me mettre plus facilement à leur portée et de mieux me faire entendre et accepter.

Marc, l’Africain

8)
Anne Cuneo
, le 15.09.2006 à 13:30

BLUES
J’ai aussi tout le temps pensé au Petit homme de Jodie Foster (qui savait de quoi elle parlait, elle a elle-même été une super-précoce, grande mathématicienne à 10 ans, physicienne à 18 ou 19, je crois, et comédienne pendant ce temps. Et depuis.
Mais la mise en forme est pour ainsi dire inverse: dans Le petit homme, sa mère ne comprend pas qu’il est spécial. Par contre, elle voit parfaitement que c’est un petit garçon, et elle sais d’instinct de quoi il a affectivement besoin. J’ai adoré ce film, je dois l’avoir revu 4 ou 5 fois.
Dans Vitus, les parents comprennent “trop”, et essaient de vivre quelque chose d’extraordinaire par procuration, à travers ce petit garçon qui ne comprend rien à tout ça, sur le plan affection c’est un garçonnet tout à fait normal.

MARC L’AFRICAIN
Tu pourras sans doute voir le film en DVD, si cela se passe comme d’habitude, une fois qu’il aura fait le plein en Suisse, il sortira. Entre temps (je viens de regarder) il n’y a que la musique du film sur CD, jouée en grande partie par le jeune Theo Gheorghiu, bien entendu.
Moi aussi, la thématique me touche parce que j’ai vécu quelque chose qui ressemblait à ce que tu racontes. Je n’étais certainement pas un génie en herbe, mais j’étais précoce, et j’entendais sans arrêt la même chanson: qu’est-ce qu’elle a? Si tu lis comme ça tu finiras par devenir aveugle. Et quand je sortais un de ces raisonnements qui tuent – justes, irréprochables même et impossible à contrer, mais qu’on n’attend pas d’un enfant, ma mère avait la spécialité de s’écrier: cette enfant me rendra folle, ce qui avait pour don de me faire aussitôt me sentir coupable.
J’ai aussi été sauvée par une maîtresse d’école, moi aussi c’était une religieuse, elle a nourri ma précocité au lieu de la freiner.

Anne

9)
M.G.
, le 15.09.2006 à 15:35

Anne,

« Si tu lis comme ça tu finiras par devenir aveugle »

Encore un de nos points communs et une des raisons de ma précocité. C’est seulement lorsque je suis devenu adulte que j’ai compris où était ma supériorité sur la moyenne des autres : ma mémoire visuelle qui me permettait instantanément et sans hésitation de retrouver mon chemin en pleine nuit dans la brousse sénégalaise au volant de ma voiture de rallye au grand étonnement de mon coéquipier qui était complètement perdu.

Pendant toutes mes études, cette mémoire visuelle et mes lectures permanentes ont fait de moi un champion de l’orthographe sans le moindre effort ;-)

Quant à Jodie Foster, elle est bien la seule anglo-saxonne qui parle un français absolument parfait et sans aucun accent. Il faut l’entendre pour le croire. Autre forme de « génie en herbe » et de fonctionnement intellectuel particulier.

« Vitus » en DVD ? Sûr que je vais le traquer sur Amazon !

Marc, l’Africain

10)
coacoa
, le 15.09.2006 à 16:21

Quant à Jodie Foster, elle est bien la seule anglo-saxonne qui parle un français absolument parfait et sans aucun accent. Il faut l’entendre pour le croire.

Il faut aussi entendre la petite Lourdes Ciccone (fille de Madonna) pour y croire… Gamine, elle parle un français irréprochable et sans accent.

Si les enfants de Madonna sont élevés par leur mère avec la disciplne qu’elle s’impose à elle-même, ils devraient bien comprendre le Vitus dont il est question aujourd’hui…

Après l’humeur rasoir d’hier, c’était le commentaire people du jour.

11)
Blues
, le 15.09.2006 à 19:16

Jodie Foster, elle est bien la seule anglo-saxonne qui parle un français absolument parfait et sans aucun accent. Il faut l’entendre pour le croire.

Incroyable et admirable en effet, et il est très facile de l’entendre :-)
puisque c’est elle qui double sa propre voix dans toutes les adaptations françaises de ses films.

12)
alec6
, le 15.09.2006 à 22:24

Anne,

Voilà un réalisateur suisse que je ne connaissais pas, j’avoue ne connaître qu’Alain Tanner et bien sûr Godard.
Il ne me reste plus qu’à attendre la diffusion de son film à Paris. Part ailleurs, Bruno Ganz à l’affiche est pour ma part un gage de qualité.

Merci donc pour cette brillante critique.

Alexis tous les défauts

13)
M.G.
, le 16.09.2006 à 08:43

puisque c’est elle qui double sa propre voix dans toutes les adaptations françaises de ses films.

C’est d’ailleurs ce qui donne un goût particulier au « Silence des agneaux ». Elle a su donner aux dialogues avec Anthony Hopkins la même intensité émotionnelle dans les deux langues. Une performance ébouriffante !

Marc, l’Africain

14)
Anne Cuneo
, le 16.09.2006 à 10:00

Voilà un réalisateur suisse que je ne connaissais pas, j’avoue ne connaître qu’Alain Tanner et bien sûr Godard.

C’est le grand problème du cinéma suisse. Il est dû à la fois à la taille du pays et à l’attitude politique face à la culture.

Tous les politiques sont méfiants face à la culture: c’est une fenêtre de liberté qui les mettrait vite en cause. Mais en Suisse, c’est particulièrement difficile. La moindre raison est bonne pour diminuer les crédits, et l’artiste doit, la plupart du temps, se débrouiller tout seul. Nos gouvernements n’ont jamais compris, au moment d’ouvrir le porte-feuille, le prestige qu’amène à un pays sa production culturelle. Je dis toujours que dans cinquante ans, on saura encore qui était Max Frisch, mais qui donc saura encore qui était Kurt Furgler? (Pour ceux qui se demandent dès aujourd’hui: c’était un de nos ministres, particulièrement peu aimé)

Dans le cinéma, c’est particulièrement flagrant: le ministre des finances Villiger (aujourd’hui à la retraite) a par exemple toujours considéré que le cinéma n’avait qu’à vivre par ses propres moyens, et s’il n’y arrivait pas, eh bien tant pis. Puisqu’en Amérique il y arrivait… Il n’a pas coupé les maigres crédits du cinéma, mais avec une mentalité pareille, il est difficile de les augmenter.

Aussi, les créateurs suisses ont longtemps contourné le problème en faisant des documentaires: et en matière de documentaires, nous sommes devenus très bons. J’ai moi-même choisi cette voie-là, et lorsque j’avais une histoire plus compliquée à raconter, je l’ai écrite sous forme de roman. Si on m’avait laissé faire, je n’aurais été que cinéaste.

Tout ça pour dire que, comme les documentaires ont longtemps été bannis des cinémas, et que même aujourd’hui, à peu d’exceptions près, ils ont plus de peine à se frayer un chemin que la fiction, la Suisse a produit moins de fictions, qui ont eu tendance à se perdre dans le flot des documentaires et pour lesquelles la publicité a été mal faite, parfois même en Suisse, et alors à l’étranger, c’est carrément la catastrophe.

Cela explique que tu n’aies pas entendu parler de Fredi Murer en tant que réalisateur suisse. Son film L’âme soeur a fait un tabac international, mais tu n’as pas enregistré qu’il était suisse, même si tu as fait attention au film. Denis Rabaglia, Jean-François Amighet, Rolf Lissy, Michael Steiner, Jacqueline Veuve, etc. etc., ce sont tous des gens qui ont fait des films qui ont passé nos frontières, mais souvent on n’a pas DIT qu’ils étaient suisses. Ce n’est d’ailleurs pas si important, l’essentiel c’est que le film plaise, ou prête à discussion, mais enfin qu’il soit remarqué.

Nous les francophones, nous avons l’obstacle supplémentaire du centralisme parisien qui continue à ignorer la Suisse romande, comme en matière d’édition d’ailleurs, et de culture en général (et qui soit dit en passant, pousse certains d’entre vous à prétendre que je ne connais rien à la France parce que je ne suis pas française, alors que nous sommes tissés, nourris, de culture française, et que le français est notre langue maternelle, comme si nous étions parisiens…). On réduit les Suisses à leur fonction de banquiers, comme s’il n’y avait pas sept millions de Suisses à côté des 700 banquiers – et quand je dis 700 j’exagère probablement beaucoup.

Tu trouveras sur le site de l’agende de promotion du cinéma suisse une brochette de cinéastes et de films dont j’espère que tu tireras quelques perles – je t’assure qu’il y en a beaucoup.

Anne

15)
Claude Mouginé
, le 16.09.2006 à 10:06

Bonjour à tous

Citation d’Alec6 ;
Voilà un réalisateur suisse que je ne connaissais pas, j’avoue ne connaître qu’Alain Tanner et bien sûr Godard.

Pardon à l’avance si je profère une énormité : Claude Goretta (auteur du magnifique « La dentelierre ») n’est pas Suisse ?

16)
Anne Cuneo
, le 16.09.2006 à 10:16

Pardon à l’avance si je profère une énormité : Claude Goretta (auteur du magnifique « La dentelierre ») n’est pas Suisse ?

CQFD! (voir mon commentaire No 14)
Oui, Claude, il est Suisse, mais comme il réalise des films en français, parfois coproduits avec la France, on oublie…

Anne

17)
Argos
, le 16.09.2006 à 13:00

Et il y a auss Wiliam Wyler (Ben Hur) qui était Suisse, comme l’acteur Wallace Berry, une star de la grande époque d’Hollywood, qui s’appelait Bieri. Et en France, souvent, on ne sait pas que Michel simon était Genevois.
Je suis ravi que Murer, enfin, renoue avec la réussite. Sa fiction précédente ne m’avait pas convaincu. Mais que de temps a-t-il fallu pour qu’enfin il y arrive. Beaucoup diront que c’est en raison du manque de moyens du cinéma suisse. Je crois qu’en réalité les causes sont bien plus complexes. Pendant longtemps les cinéastes suisses ont éprouvé de grandes difficultés avec la narration. Les histoires qu’ils proposaient n’intéressaient pas grand monde, surtout hors de nos frontières. Une sorte de syndrome de l’insularité.

Argos

18)
Anne Cuneo
, le 16.09.2006 à 19:09

Pendant longtemps les cinéastes suisses ont éprouvé de grandes difficultés avec la narration. Les histoires qu’ils proposaient n’intéressaient pas grand monde, surtout hors de nos frontières. Une sorte de syndrome de l’insularité.

Les cinéastes suisses éprouvent à mon avis toujours des difficultés de narration, mais pas à cause du syndrome de l’insularité.
La plupart des cinéastes n’acceptent pas qu’un cinéaste ne peut pas vraiment être son propre scénariste, à quelques exceptions près. (Et quand je parle d’exceptions, je ne parle pas de personnes, mais de films – rares sont les films qui peuvent ou doivent être écrits et tournés par la même personne, mais cela arrive)
Beaucoup de cinéastes se sont perdus dans la narration d’un film qui aurait eu toutes les qualités si seulement…
C’est le grand mérite de Daniel Schmid, par exemple, d’avoir compris tôt qu’il avait besoin des narrateurs (écrivains, scénaristes). Ses meilleurs films reposent sur de solides histoires écrites pour lui par Martin Suter.
Un type comme Thomas Koerfer a sorti deux ou trois chefs d’oeuvre avec un scénariste, puis il a voulu travailler tout seul, et il n’a jamais refait un film à la hauteur de ceux qu’il faisait au début, question narration.
J’ai mille fois essayé de convaincre des cinéastes, mais en vain, la plupart du temps.
Dans Vitus, Murer a fini par construire un film solide parce qu’il a travaillé avec de vrais scénaristes. Si ça lui a pris cinq ans, cela est dû aux difficultés de financement avant tout.
Le temps infini qu’on met en Suisse a monter un long-métrage de fiction est toujours dû aux difficultés du montage financier avant tout.
L’argument de l’insularité fonctionnerait si la littérature était pauvre, mais ce n’est pas le cas. Si la littérature suisse francophone est mal connue au-delà des frontières, c’est parce que la France ne veut pas en entendre parler, vu qu’elle n’est pas faite à Paris, mais elle est riche et de qualité. Elle est connue en Allemagne (plus qu’en France, paradoxalement).

19)
Claude Mouginé
, le 17.09.2006 à 07:47

Bonjour tout le monde,

Puisque j’ai eu tout bon avec Claude Goretta, je récidive : Michel Soutter n’est il pas Suisse aussi ? Je me souviens d’avoir vu un film très sympa dans les années 70 (Repérage, je crois).

20)
Anne Cuneo
, le 17.09.2006 à 11:36

Michel Soutter n’est il pas Suisse aussi ?

Voui! Etait, malheureusement. Il est mort.

On trouves une sorte de catalogue des cinéastes suisses (qu’ils se proclament tels ou pas) sur le site de swissfilms . Entre comédiens, écrivains, réalisateurs, etc. suisses qui vivent en France, il y en a tellement que tu serais surpris! Ce qu’il y a, c’est qu’une fois qu’on est à Paris, on ne parle plus trop de ses origines, l’insularité de Paris (;-)) fait que c’est plus simple pour nous.

Anne

21)
ali
, le 17.09.2006 à 18:07

Sûr que je ne vais pas le « louper », comme on dit chez nous, ce film d’enfance, de rêve et d’échappée belle lorsqu’il animera les toiles des cinémas des rives du Léman! Merci à Anne de nous faire envie, avec tant de délicatesse et avec des mots tout simples. Lisant Anne, je constate une nouvelle fois que le talent et l’intelligence du coeur ne s’expriment pas en phrases « emberlificotées » (comme on dit chez nous, bis).

ali

22)
Anne Cuneo
, le 22.09.2006 à 21:57

DERNIERES NOUVELLES

Vitus vient d’être choisi pour représenter la Suisse aux Oscars (prix du meilleur film étranger).

Anne

23)
Inconnu
, le 15.01.2008 à 21:35

Seul son grand-père comprend qu’en fait Vitus simule.

Heureusement que j’avais oublié ceci quand je l’ai enfin vu hier soir, sinon j’aurais été très fâché de ce spoiler :-(