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Déménager et lire et se souvenir…

... François vous en a parlé il y a peu, rien de neuf sous le soleil : déménager, c'est une longue succession de cartons, même lorsque l'équipe est efficace et sympa, je n'y reviendrai pas. Je ne vous parlerai pas non plus des lampes sublimes que j'ai failli acheter, de la table gigantesque que je rêve d'avoir, des tableaux que je cherche encore, mon budget ayant freiné ou anéanti mes envies de folie, raisonnable je devrai apprendre à être, gagner 80m2 ne signifie pas avoir une augmentation de salaire pour autant.

Ce que j'ai découvert de fort agréable, en revanche, lorsque j'ai changé d'appartement, c'est le plaisir qu'il y a à emménager ailleurs, en d'autres termes défaire lesdits cartons, non pas ceux de vaisselles et de casseroles, je ne possède que le très strict minimum mais ceux de livres. Les sortir m'a pris une journée complète. Non pas parce que je les classe par ordre alphabétique d'auteur - mon fantasme, assouvi une fois, lorsque j'étais encore jeune et désoeuvrée - : ce qui m'a pris du temps, c'est de réaliser que (presque) chaque ouvrage que je prenais me rappelait un moment de ma vie, une personne, un lieu, rendant "indispensable" la relecture de quelques lignes, quelques pages parfois.

Tenez, pêle-mêle, il y a les deux Anne Rice, "Taltos" et "entretien avec un vampire", qui sont la trace d'un homme qui a traversé ma vie comme une comète, à toute vitesse, il y a fort longtemps - le seul fait que j'aie gardé durant toutes ces années ces deux livres démontre qu'il a quand même un petit peu marqué ma vie, cet homme.

Il y a "la mort, dernière étape de la croissance" de Elisabeth Kubler-Ross et "penser la mort ?" de Vladimir Jankélévitch parce qu'après le décès de mon père et de ma soeur, il a fallu que je comprenne le deuil pour que la douleur ne m'engloutisse pas.

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"La cour de Babel", quant à elle, m'a rappelé que j'avais un jour écrit une nouvelle érotique (pas si mal d'ailleurs, à sa relecture et à ma grande surprise) : j'avais fait la connaissance de André sur un forum de littérature, mes très nombreux voyages professionnels à Paris m'avaient donné en 2002 l'opportunité de le rencontrer, l'idée d'un récit à quatre mains ayant surgi alors - probablement après la troisième bouteille -, cette même personne me faisant découvrir "la vie devant soi" de Romain Gary, un bijou que je ne peux m'empêcher de relire lorsque "tout est hostile", ce qui m'amène à Georges Haldas et ses "carnets du désert" : il a accompagné mes grandes phases de doute, lorsque j'étais avocate-stagiaire.

En avril 1998, Laurence m'a donné "le pavillon des cancéreux" de Alexandre Soljenitsyne avec cette dédicace que je n'ai comprise que bien plus tard "à toi, qui dois aussi avoir parfois l'impression d'être un singe rhésus".

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C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai tenu entre les mains les écrits de Jean-Pierre Monnier, mon prof de français au bac en 1988 : il est celui qui m'a fait découvrir que les mots ne disent pas seulement, ils chantent, ils ont un rythme, un souffle, ils évoquent, ils caressent, ils peuvent détruire, ils sont capables de consoler.... Son éducation protestante se retrouve dans ses lignes, son esprit audacieux et libre s'est exprimé dans ses enseignements, sa dédicace dans "ces vols qui n'ont pas fui" m'a touchée, comme alors.

Je pourrais continuer ainsi encore longtemps mais égrener tous les titres serait fastidieux et sans grand intérêt ici : j'ai constaté avoir rangé ensuite presque machinalement les quelques albums photo que je possède. Bien sûr, ça m'a amusée de me rappeler que j'avais épousé un homme au visage imberbe qui avait eu des cheveux et divorcé d'un chauve barbu et que Junior était une petite boule toute ronde six mois après sa naissance mais ces images ont été moins évocatrices, moins fortes que les CD, sortis immédiatement après.

La musique, elle, même dans un lecteur minable, a été une succession de noms de gens importants pour moi. Michel Jonasz, c'est Christophe, mort depuis longtemps malheureusement. Le clavier que l'on dit bien tempéré, je le dois à Sandrine, qui jouait si bien du piano dans son minuscule appartement chauffé au bois; les Neville Brothers m'ont rappelé les heures passées à débattre avec Louis-Philippe, lorsqu'il rentrait de sa tournée comme chauffeur taxi. Carlos d'Alessio me fera toujours penser à Alexis, à qui je dois aussi la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole.

Là aussi, je vous fais grâce de ma collection; je retiens surtout que décidément, je n'arriverai jamais à faire un "album" qui serait le reflet de mes souvenirs, il faudrait non seulement quelques photos mais surtout et aussi des livres et des musiques, ajouter des odeurs serait malheureusement impossible mais si évocateur pour moi : je ne sais pas comment on capture l'odeur du chlore mais elle me fait chaque fois penser à Markus, Jean-Marc, Laurence, Alexandra...

Bref, vos albums photos, virtuels ou imprimés, vous les regardez parfois ? Sont-ils réellement la source de souvenirs ou sont-ils "appelés" par d'autres vecteurs ? Est-il un objet qui soit un peu comme le début de la pelote de laine, celui qui fait venir en cascade tous les moments-clé ?

6 commentaires
1)
Gr@g
, le 31.10.2016 à 08:54

j’avoue que je regarde rarement mes propres albums, sauf pousser par mes filles qui souhaitent me voir plus jeune.

Par contre, mon rapport à la musique fait que j’écoute suffisamment régulièrement ma collection en tournus, ou en lecture aléatoire, ce qui inévitablement me fait retomber sur des morceaux/albums reliés à des souvenirs plus ou moins précis. J’ai d’ailleurs fait pour la fête de mes 40 ans l’année dernière une playlist très longue de 40 ans de musique ayant plus ou moins d’importance pour moi. Je l’ai constitué un peu au feeling. J’y découvre parfois des morceaux que j’y ai mis un peu spontanément sans trop réflechir et qui me pousse à me questionner sur la raison de leur présence, mais à chaque fois, ils me relient à une personne, un contexte, une situation…

2)
ysengrain
, le 31.10.2016 à 10:07

Non pas parce que je les classe par ordre alphabétique d’auteur – mon fantasme, assouvi une fois, lorsque j’étais encore jeune et désoeuvrée – : ce qui m’a pris du temps, c’est de réaliser que (presque) chaque ouvrage que je prenais me rappelait un moment de ma vie, une personne, un lieu, rendant « indispensable » la relecture de quelques lignes, quelques pages parfois.

Tiens ! toi aussi, comme nous, avec ma chère et tendre !!

Bref, vos albums photos, virtuels ou imprimés, vous les regardez parfois ? Sont-ils réellement la source de souvenirs ou sont-ils « appelés » par d’autres vecteurs ? Est-il un objet qui soit un peu comme le début de la pelote de laine, celui qui fait venir en cascade tous les moments-clé ?

L’hypermnésie dont je suis affublé depuis mon enfance, m’avait beaucoup aidé, surtout dans mon exercice professionnel. Récemment, elle m’a desservi très sévèrement, faisant resurgir des rafales incessantes d’images, de sons, d’odeur – tous purement mentaux – qui me laissaient totalement épuisé.
J’ai pu « conjurer » ces rafales en ressortant toutes les photos d’une vie, en les numérisant, en imprimant une centaine. Je ne comprends pas pourquoi, ces actions ont été bénéfiques.
L’étincelle qui allume le feu des instants consumés est de génération spontanée. Je n’en comprends encore aujourd’hui, pas la genèse.

3)
M.G.
, le 31.10.2016 à 10:30

Bref, vos albums photos, virtuels ou imprimés, vous les regardez parfois ?

Oui, ce peut être amusant, émouvant parfois. Que le temps passe !

Lorsque mon neveu a commencé le déménagement de l’appartement de sa grand-mère après son décès, il a retrouvé des cartons entiers de photos, ainsi que quelques albums dont celui de mon mariage à Dakar en 1979. Je lui en ai fait cadeau, lui qui est à la recherche de témoignages de l’histoire familiale.

Pour moi, la vraie bonne surprise, ce fut de revoir cette photo prise en mai 1957 à l’occasion de ma Première communion (j’avais onze ans). Je désespérais de la retrouver puisque ma mère m’a toujours affirmé qu’elle ne l’avait pas.

Cette photo est chargée de souvenirs. Imaginez-vous le charmant gamin que j’étais à l’époque, debout au centre de la chapelle du Collège Saint-Nicolas de Buzenval (actuellement Passy-Buzenval) parmi ses camarades de « promotion », un cierge à la main, ému aux larmes. Ce qui fit s’extasier certains parents « Regardez comme il est bouleversé par sa Première communion ».

La vérité était tout autre ! Ces larmes étaient des larmes de rage et d’émotion lorsque la chorale a entamé l’ « Alléluia » de Haendel. À l’époque, j’étais soprano et je faisais partie de la Chorale qui avait ce morceau à son répertoire. L’entendre sans pouvoir participer, quelle amertume…

Que l’on ne s’étonne pas que lorsque j’ai revu « Les Choristes » de Christophe Barratier dernièrement sur la « 2 » les mêmes larmes me soient montées aux yeux.

4)
Dom' Python
, le 31.10.2016 à 11:45

Cela fait longtemps que je n’ai pas pris le temps de parcourir nos albums photos. Tu viens de me donner envie de la faire.
Par contre, j’ai toujours sur moi mon permis de conduire en papier, avec cette photo de moi (1981) que je ne me lasse pas de montrer pour amuser mes amis:

5)
g4hd
, le 01.11.2016 à 08:12

Les souvenirs-photos sont trop directifs, à mon goût, trop datés techniquement aussi, ce qui a tendance à fixer-dater-enfermer les souvenirs liés aux personnes. Et puis, de même que j’évite de m’apercevoir dans un miroir parce que je n’aime pas ce que j’y vois… observer ces images du passé est plutôt désagréable.
En revanche, les souvenirs olfactifs, les musiques, quelques livres : là ça fonctionne bien ! Parce que c’est très personnel et très intime.
C’est aussi le bienfait des rèves… il y en a que je retrouve avec plaisir pour les continuer, particulièrement ceux qui « volent »…

6)
François Cuneo
, le 08.11.2016 à 18:52

Dom, t’as vraiment pas changé !

M.G, toi un petit peu tout de même!😉