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Le Grand Robert, histoire d’une passion

Bon, je vais faire fi des sarcasmes inévitables sur la tribu des Cuneo et y aller d'une humeur. De toute façon mon silence jusqu'ici n'a été que fiction: je lis Cuk tous les jours, et si je n'ai encore jamais participé aux forums, si je n'ai jamais écrit d'humeurs, c'est pour deux raisons.

D’abord, depuis que Cuk existe, il se trouve que j’ai été trop prise par des activités diverses pour prendre du temps pour moi au-delà de l’indispensable. Je suis donc restée en OS 9 que je connais par cœur. Mais lorsque François a repris le flambeau de Pomme A, j’avais promis que je continuerais à intervenir sur Cuk, comme je l’avais fait sur Pomme A dont j’étais cliente et même, un temps, actionnaire.

Mais Cuk ne teste que des programmes OS X, et j’étais sous 9. Je m’obstinais même à rester sous 9 indépendamment du manque de temps pour une raison que je vais expliquer dans un instant.

Mais bon, j’ai fini par faire le pas, j’en suis même à me mouvoir avec une certaine aisance dans un environnement X, et je tiens la promesse faite il y a un ou deux ans, je ne sais déjà plus. Et pour ce qui est des sarcasmes, OK, allez-y et puis passons à autre chose. On est une famille, on s’aime bien, et en plus on aime des choses en commun et on collabore. C’est plutôt chouette, non?

Biographie informatique

Bon, je me présente: je suis la tante de François, ce qui nous fait trois générations de Cuneo sur ce site. Mon métier est lié aux mots (journalisme, traductions, textes de toutes sortes). C’est par paresse que j’ai été amenée à faire très tôt la connaissance de la micro-informatique. Ce qui m’a d’abord attirée, c’est de voir un jour par hasard (vers 1986 ou 87) qu’avec les traitements de textes informatisés, on pouvait vérifier son orthographe, et faire des copier-coller pour les textes répétitifs qui étaient à l’époque mon pain quotidien. Puis mon compagnon a travaillé pour le CERN à Genève, et j’ai découvert la mise en réseau, et le courrier électronique avant qu’il n’existe, pratiquement.

Et parallèlement, je peux dire que François et moi, question informatique, on a grandi ensemble. On s’est aperçu très vite que ça nous intéressait tous les deux beaucoup et depuis, on cause informatique à côté du reste. Mais lui c’est un pro, tandis que moi, je reste une béotienne, passionnée certes, mais béotienne. J’ai un Mac depuis 1987, un SE, un des premiers arrivés en Suisse. Comment je m’étais décidée pour un Mac? En voyant une fillette de 5 ans utiliser un Mac Plus, y apprenant à lire et à écrire à l’ordinateur, grâce aux icônes et à la simplicité biblique par rapport à tout ce qui se faisait à l’époque, avant même de savoir écrire à la main. Trois jours plus tard, j’avais mon Mac (disque dur, fabuleux, 20 mégas, l’équivalent de 25 disquettes – le top du top!). Pour tout dire, je l’ai tellement aimé que je l’ai encore, je l’ouvre de temps en temps (OS 7.1), pour me rappeler comment c’était… Une dizaine d’ordinateurs plus tard, me voilà pourtant assise, au quotidien, face à un G4 en OS X. Et je n’échangerai jamais un Mac pour un PC, je fréquente un PC par obligation au boulot, merci ça me suffit.

Et voici le Grand Robert

Ç a va peut-être paraître futile, mais je me suis vraiment décidée à passer en OS X le jour où le Grand Robert s’est décidé, lui, à produire une interface qui permette d’utiliser le CD-Rom “Le Grand Robert”.

Entre le Grand Robert électronique et moi, c’est une autre histoire passionnelle. Il est sorti en 1991. Il coûtait à l’époque, si je me souviens bien, autant que le dico papier: dans les 5’000 nouveaux francs français – une fortune. Je me suis serré la ceinture pendant presque un an, et je l’ai acheté.

Côté interface, c’était déjà juste juste. La fenêtre était en format fixe, et ce format était à la mesure d’un écran de Mac Plus ou SE. Et je ne sais pas pourquoi je parle au passé, car cette interface n’a tout simplement pas changé depuis 12 ans.

Grand Robert mais petite fenêtre…

Petite fenêtre noire et blanche, genre couvent franciscain, pourrait-on dire. Il faut bien dire que cette fenêtre a beau être spartiate, il y a tout le nécessaire. Le Petit Robert, qui s’est vu doter d’une interface hypermoderne, n’offre au fond pas beaucoup plus de fonctionnalités – c’est plus beau et plus perfectionné, ça facilite la lecture, et la recherche est plus facile dans les exemples. Pour le reste, les boutons sont simplement arrangés autrement. Et on peut ajouter des notes, bien sûr.

Dans le Grand Robert, pas de chichi. La fenêtre que vous voyez là est tout simplement là telle quelle - qui m’aime me suive. Entre temps, elle fait, comme on dit dans les campagnes vaudoises, miquelet (mot dialectal que j’adore pour “minime”) J’ai été jeter un œil au Grand Robert électronique en vente actuellement (150 €, entre temps!), rien n’a vraiment changé. On m’a assuré au Salon du Livre 2002, puis 2003, qu’on allait le ressortir revu et refait, c’était imminent; jusqu’ici on n’a vu que l’édition papier. Le CD se fait attendre. Mais en attendant, le distributeur a enfin pris la louable initiative (enfin quand je dis initiative, on est quelques-uns à avoir un peu poussé…) de produire une interface, et dans tout Mac où un OS 9 dort sous le X, ça marche même avec mon CD, qui date de 1991.

L’utiliser c’est l’adopter

Je disais donc qu’en dépit de ces réserves, tant que je n’ai pas été sûre de pouvoir emporter mon Grand Robert électronique avec moi, je n’ai pas changé de système.

C’est que l’interface n’est pas tout.

D’abord, en dépit de son côté primitif, le Grand Robert est entièrement en hypertexte: tout clic sur un mot dans n’importe quelle définition vous amène en un battement de cil vers ce mot. Il y a un historique, ce qui fait que vous pouvez revenir aux 5 mots précédents. Et un joker, qui vous permet de chercher des mots dont vous n’êtes pas certains de comment ils s’écrivent.

La fenêtre, taille fixe, mais elle offre tout de mêmeun joker, et la conjugaison du verbe sélectionné

Et puis bon, vérité de la Palice, le Grand Robert est GRAND; le Petit Robert est absolument adorable, mais il est… oui, il est PETIT. Plus de 100’000 mots pour le Grand Bob contre 60’000 pour le petit, et une richesse tout simplement imbattable en synonymes, en exemples, tournures de phrases, définitions pointues, usage des prépositions. Personnellement, je le consulte 20 fois par jour au bas mot.

Je donne un exemple pour illustrer la différence.

Grand et Petit Robert, le premier sens du verbe "chercher"

Je suis d’accord, dans ce sens-là, le plus commun, la différence est relativement petite: le Grand Robert sépare l’étymologie, le synonymes et les citations de la définition. Quant au Petit Robert que vous voyez là, c’est celui de 2002, alors que le Grand Robert date de 1991, et tous ceux qui écoutent Alain Rey (grand ordonnateur de ces dictionnaires) le matin sur France Inter savent que pour lui la langue évolue constamment, et que son équipe et lui mettent constamment à jour et revoient leurs dictionnaires. On trouve donc parfois dans le Petit Robert 2002 des choses qu’on ne trouve pas encore dans le Grand de 1991. Mais passons maintenant là où ça fait vraiment la différence.

Sixième sens de "chercher": locutions familières.

Et la suite?

C’est comme dans les contrats: ce sont les notes en bas de page qui comptent. Pour le 6e sens du mot, le Petit Robert donne la même définition que le Grand – dont il est tiré, normal. Mais avec ça, c’est fini. Le Grand, lui, continue, et vous propose encore la définition de "se chercher" puis, encore plus bas (mais je n’ajouterai pas encore une fenêtre), celui de "cherché" adjectif (comme dans "une pose cherchée"), et enfin il indique contraires, dérivés et composés (ex.: rechercher).

Terminons cette petite incursion dans un grand dictionnaire en signalant que les chiffres entourés d’un rond sont ceux des citations, prise dans la littérature française tout entière, des origines à 1991. Le Petit Robert en donne 10 succintes, le Grand 44 avec contexte.

Je suis consciente que beaucoup des lecteurs de Cuk sont avant tout des visuels, et que les outils pointus de la langue les laissent peut-être indifférents. Disons-leur que c’est bien plus beau lorsque c’est inutile, et que quand c’est utile, alors là, c’est magnifique.

Musique d’avenir

Or donc, il paraît qu’un nouveau Grand Robert entièrement remis à neuf va faire son apparition bientôt. L’assurance vaut ce qu’elle vaut, si l’on pense qu’on nous la donne depuis près de deux ans. Mais bon, j’ai constaté qu’en ce moment (liquideraient-ils le stock avant le nouveau GRAND Robert électronique?), on trouve ici et là le Grand Robert ancienne manière avec 20 % de rabais (120 €). Comme quoi par rapport à ce que nous avons payé, nous les pionniers, c’est donné.

Remarquez que je ne regrette rien. D’abord en 12 ans, il s’est amorti, ce Grand Bob. Et ensuite si je repense à mon émerveillement de l’époque, lorsque ce CD-Rom était encore une petite sensation, si je pense au temps que j’ai économisé, à la richesse dans laquelle j’ai pu puiser, c’était cher, mais bon, ça a valu la peine. Et je me console en me disant que lorsqu’ils sortiront une nouvelle version, “totalement remaniée” selon ce qu’ils disent, ce ne sera plus à prix d’or.

En attendant, si vous être l’heureux possesseur du Grand Robert électronique et que vous voulez l’utiliser en X, la mise à jour de l’interface peut être obtenue auprès de support@emme.fr Ils l’envoient (gratis, bien entendu) par retour du courrier.

Mais ne vous faites aucune illusion: c’est juste le minimum indispensable. Lorsqu’on pense qu’on parle du dictionnaire moderne le plus prestigieux de la langue, ça autorise au moins un hochement de tête.

Il ne reste plus qu’à espérer qu’avec la nouvelle édition dont nous rêvons, leur support sera supérieur à ce qu’il a été par le passé: les premiers revendeurs refusaient de remplacer la galette (payée au prix d’or, je vous le rappelle) si elle était défectueuse, incapables qu’ils étaient de faire le saut intellectuel et de comprendre que ce n’était pas un livre, mais le simple support du contenu d’un livre qui était ailleurs, et qu’on payait en fait très cher la consultation du Grand Robert, et non un bout de métal. Puis la distribution a passé à Vivendi, et je préfère ne pas raconter mes pérégrinations pour trouver une interface mise à jour, inutilement au moment où je l’ai fait.

Mais bon, soyons optimistes, demandons l’impossible. Et attendons la mise à jour du Grand Robert tout entier, en souhaitant qu’ils n’oublient pas leur clients Mac.

Un commentaire
1)
PSPS
, le 05.06.2005 à 06:26

Une bonne nouvelle pour les utilisateurs de cet outil, ô combien précieux !
Enfin, une nouvelle tout court car j’ai découvert, à la Fnac des Halles à Paris, une nouvelle édition du Grand Robert mais pour PC seulement !
Pour l’instant…
Wait and see

PS.