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Le hornuss

Si j'étais capable de comprendre comment l'arbitre compte les points au tennis (moi, au-delà du 7-1 en foot, je suis paumée) et "accessoirement" si j'avais suivi durant ce week-end les rencontres de la Coupe Davis -, je me serais certainement risquée à rédiger un billet sur le Saladier si longtemps convoité et enfin remporté par Stan&Roger. Malheureusement, le tennis reste pour moi à peu près aussi obscur que le hornuss, c'est dire !

Toutefois, cette victoire a suscité diverses cogitations, engendrées par une petite phrase entendue à l'entrée du théâtre dimanche soir (en aparté, si vous avez l'occasion d'aller voir Claude Inga Barbey, foncez, sa pièce est une réelle merveille); cette petite phrase, vous la connaissez toutes et tous j'en suis certaine : "on a gagné" (bis repetita placent) !

Bien sûr, gagner est toujours un moment génial - sauf par forfait - et fêter une victoire nettement plus sympathique que compter ses abattis; ce qui me laisse songeuse, c'est le "on" dans ce gagner. Parce que au plus tard depuis le billet de Dominique, le "on", ça ne le fait plus tellement, ni sur cuk ni ailleurs. Ceci d'autant moins que dans le cas d'espèce, si le "on" fait référence à la Suisse, puis-je vraiment considérer que la Confédération a remporté ce trophée ?

La Suisse, elle est plurielle, par le nombre de ses cantons, de ses langues nationales, de sa topographie, de son histoire, sans parler de ses courants politiques; la Suisse, est-ce seulement les détenteurs du passeport à croix blanche ou englobe-t-elle aussi tous les segundos et ceux qui tentent de se reconstruire une vie les pieds dans la neige après avoir fui un pays chaud mais déchiré par une guerre fratricide ?

Si je voulais m'inclure dans ce "on", je devrais avoir, d'une manière ou d'une autre, contribué à la victoire : vous connaissez déjà la réponse, je n'ai pas remué le petit doigt pour que ces joueurs de tennis parviennent à décrocher la victoire, je n'ai pas l'ombre d'un début d'ébauche d'influence sur le cours des événements et même si j'avais peint mes ongles, pieds y compris, en rouge et blanc et hurlé des encouragements durant toutes les parties, l'histoire n'aurait pas été modifiée.

Donc, non, "on" n'a pas gagné : des joueurs, avec une immense équipe d'entraîneurs, de physiothérapeutes, de médecins, de préparateurs, de diététiciens - et j'en oublie - ont gagné au prix certainement d'une  grande persévérance, de nombreux sacrifices, de volonté et de sueur.

La Suisse, bien sûr, elle a gagné en notoriété, peut-être en sympathie (si j'excepte une partie des habitants de l'Hexagone), en reconnaissance mais même là, je peine à être totalement convaincue par ce que j'écris : qu'est-ce qui a gagné en visibilité ? Le fait qu'il est possible d'être une star et vivre tranquillement en Suisse sans être harcelé par les habitants du village ? Rien de nouveau sous le soleil, Tina Turner l'a compris depuis 1995 semblerait-il. Le fait que fiscalement parlant, la Suisse présente moult avantages par rapport à d'autres pays limitrophes ? Là non plus, pas de scoop à l'horizon même si les votations du 30 novembre pourraient changer le cours des choses. Le fait que même si ce pays ne compte que peu d'habitants, nombreux sont les talents ? Les skieurs suisses l'avaient déjà démontré il y a plus de vingt ans.

N'en déduisez pas hâtivement que je n'aime pas mon pays : je suis consciente d'avoir beaucoup de chance de vivre dans un coin du monde où je peux m'exprimer librement, voter et élire démocratiquement, sortir seule dans la rue, occuper un emploi qui me plaît, laisser mes enfants aller à l'école sans craindre qu'ils ne soient abattus par un tireur (de préférence américain et déséquilibré). J'adore la Valle Maggia, je suis fascinée par le patin à glace sur le lac de Joux et je ne refuse jamais de manger une fondue avec vue sur le château de Gruyère.

Ce patriotisme ne va cependant pas jusqu'au chauvinisme : je ne suis pas naïve au point de penser que tout est beau et parfait au pays de l'horlogerie - la votation du 9 février 2014 m'a flanqué des aigreurs d'estomac dont je ne suis pas prête de me remettre -; partant, je ne suis pas non plus fière que la Suisse ait gagné ce tournoi mais simplement heureuse pour MM. Wawrinka et Federer, bravo à eux (et leur team) !

Et pour ne pas faillir à la tradition, la rituelle question du lundi : connaissez-vous les règles du hornuss ? ;-)

Excellente semaine à toutes et tous, je me réjouis de vous retrouver une dernière fois en décembre.

 

 

 

12 commentaires
1)
Saluki
, le 24.11.2014 à 00:09

Par ici, en Champagne, on a plutôt tendance à croire que c’était une compétition « Cantons alémaniques » contre « Cantons francophones »…

Ce qui n’empêche pas qu’il joue merveilleusement bien, le Roger !

2)
RMN73
, le 24.11.2014 à 06:57

Bonjour,
Et oui c’était l’équipe A Suisse contre l’equipe B Suisse … et l’équipe A a gagné. Quel talent ils ont les deux petits Suisses. Pauvre Gasquet, Roger n’en a fait qu’une bouchée !

3)
Zallag
, le 24.11.2014 à 08:45

Je connais un peu les principes du hornuss, mais pas toutes les règles. J’ai assisté un certain nombre de fois à ce jeu.
La vitesse donnée au palet lors de la frappe, la technique qui permet de faire tournoyer la sorte de fléau qui le propulse, je dois dire que ça nécessite certainement un sacré entraînement.
Et quand le palet s’envole en vrombissant comme un … frelon, bien sûr, et part comme sous l’effet d’une explosion, on se dit bien qu’il y faut de la force et de l’habileté.
Quant aux gars, situés au loin dans le champ où le blé vient d’être récolté, et qui tentent de stopper en vol le petit missile à peine discernable volant à 50 mètres/seconde, il leur faut aussi bien se répartir les rôles. Surtout le premier d’entre eux, qui doit être le plus grand et le plus costaud, pour lancer la palette de bois de 4 kg le plus haut possible pour intercepter la cible.
Et je peux d’expérience dire qu’il faut avoir des yeux de lynx pour repérer la rondelle dans son vol, quand on se trouve posté à plus de 100 mètres de son point de départ, et se déplacer en courant rapidement pour se trouver sous sa trajectoire et pas 20 mètres à côté.
Cela dit, la différence entre un revers à deux mains et une frappe au hornuss n’est pas si grande que ça, après tout :-)

Côté tennis, je retiendrai notamment une « petite phrase » de Stan à un journaliste français : « Les joueurs suisses de l’équipe, c’est avec la raquette et sur le terrain qu’ils discutent de la coupe Davis » …

4)
guru
, le 24.11.2014 à 09:41

D’abord bravo aux deux joueurs suisses, il faut dire que je suis fan de Federer qui a le mérite de ne pas se la pèter et qui, d’après les joueurs belges (Rochus et Henin), est vraiment un bon copain.

Ensuite, je ne connais pas le hornuss mais par contre, je connais la pelote basque, la balle pelote et la thèque. Mme Poppins, la prochaine fois que tu viens à Bruxelles on pourra se donner des cours…

5)
Hervé
, le 24.11.2014 à 11:54

Chère Madame Poppins, déjà dans l’Antiquité, les champions olympiques étaient honorés comme des demi-dieux par leurs concitoyens : on érigeait des statues en leur honneur, ils étaient logés, nourris aux frais de la Cité pendant le reste de leur vie et bien sûr… n’étaient plus astreints à l’impôt !

De quoi faire rêver nos Stan et Fed qui ont bien perdu par rapport à leurs prédécesseurs !

6)
ysengrain
, le 24.11.2014 à 12:17

2 concepts, ont, dans l’histoire, massacré des millions d’êtres vivants:
– la religion
– la nation au sens élargi du terme

Le chauvinisme sous jacent attaché aux compétitions sportives dénature totalement l’intérêt. Je suis fan de rugby pour la beauté de ce jeu hautemement stratégique, mais les commentateurs « imbécilement » chauvins me dégoûtent.. Quant aux tics de langage « ces Suisses… » Je ne commente pas le sous texte méprisant
Quant à la hloire du sport tant vantée, remplacons le mot par gloriole qui illustre mieux la vanité de la mousse des commentateurs

7)
Dom' Python
, le 24.11.2014 à 12:41

Le hornuss, je ne connais pas. la seule chose que j’en sais C’est que je me demande comment il n’y a pas plus souvent de fractures du crâne… Parce que s’il faut avoir de bons yeux pour voir la cible, il ne faut pas pour autant perdre de vue les quatre kilos de bois qui finissent bien par retomber!

Et pareil: je suis très heureux pour l’équipe suisse quand elle gagne, mais jamais il ne me viendrais à l’idée de dire « ON a gagné! »!

8)
Zallag
, le 24.11.2014 à 13:12

Ce qui me surprend constamment, c’est l’importance, depuis toujours, de la forte utilisation (ou récupération) politique du sport, attestée par la présence de politiciens dans les tribunes (Hollande ou Maurer dans le cas de ces matches de tennis).
Je me doute bien que la « gloire » des sportifs déclenche des mécanismes identitaires divers et très intéressants à explorer, mais c’est tellement inutile et vide de sens que j’en suis chaque fois choqué.

9)
ToTheEnd
, le 24.11.2014 à 13:42

de la forte utilisation (ou récupération) politique du sport, attestée par la présence de politiciens dans les tribunes (Hollande ou Maurer dans le cas de ces matches de tennis).

Ouais… après avoir fait savoir qu’il n’aurait pas le temps de se rendre à cette manifestation, il a quand même fini par pointer le bout de son nez dimanche. Aucune récupération de l’évènement par le plus mauvais de nos conseillers fédéraux et pour cause, vu la place qu’à le sport en Suisse, c’est un véritable miracle qu’ON ait deux joueurs suisses dans le top 4 mondial depuis un an…

T

10)
Forbouc
, le 24.11.2014 à 16:12

Les Helvètes, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser; comme l’a si bien remarqué RMN73 ce n’était finalement qu’un match national: Suisses que l’on pourrait qualifier de vernaculaires contre Suisses exilés fiscaux d’ascendance Gauloise.

Moralement ces Gaulois ne voulant pas manquer de respect vis à vis de leurs hôtes et bouclier fiscal en remportant ce match, se sont donc sacrifiés !

CQFD

Amicalement

y

11)
Diego
, le 24.11.2014 à 19:12

Ça soulage @Forbouc ? J’aurais bien voulu te lire en situation de victoire ;-)

Je me rappelle Marie Jo Pérec qui passait de guadeloupéenne à française, et inversement, selon ses chronos, et Yannick Noah qui redevenait camerounais au besoin : c’était rigolo vu d’ici !

Le saviez-tu ? Federer a aussi la nationalité sud-africain. Y a un Sud-africain pour dire on a gagné dans la salle ?

12)
Ange
, le 24.11.2014 à 22:54

Hornuss : comme me le disait souvent un client Suisse « il zont fou ces ssuisses » (avec son charmant accent alémanique) en parlant de lui et de ses concitoyens devant des photos dans les couloirs de son entreprise où, je viens de comprendre 10 ans plus tard…, étaient représentées des scènes de Hornuss…
(à moins qu’il ait dit « On est fou en Suisse » … ;-) )