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Give aime a chance

Nous pouvons leur donner une chance. Quelques (les seuls) mots qui apparaissent, sur la très jolie photo d'une enfant qui pense paisiblement: c'est la couverture d'une plaquette d'Apple à destination de l'éducation. Afin d'amplifier cette toute petite voix face au bruit des bottes qui ne cesse de monter, j'ai exposé cette image de façon à ce que quiconque entre dans mon bureau la voie. C'est à dire surtout moi, et ça ne me dérange pas.

Bien sûr qu'on peut leur donner une chance, à nos gosses. Rien n'est joué, le peuple parlera peut-être dès qu'il aura fini de mastiquer. On peut leur dire, que la vie ça sert à apprendre à être heureux, même si on n'en dit pas un mot à l'école. Que l'école n'est qu'un travail au forceps pour rentrer dans la société et que celle-ci est buggée comme un Windows cassé. On peut leur dire, que ça tient à la fois du cauchemar et de la farce dont on est le pigeon, et que la seule façon de s'en tirer ça n'est pas de pousser les autres pour pouvoir à son tour se servir.

Non, la seule façon de s'en tirer, c'est d'apprendre à l'école que chacun doit décider de ce qu'il doit croire, et à l'aide de cela faire face à la réalité sans trop se leurrer. Ça n'a pas grand chose à voir avec les résultats scolaires, mais ça vous fait un Homme heureux ou pas, enfin disons plus ou moins capable de l'être, j'ai dit heureux, j'ai pas dit béat. Et bien debout campé fier, parce que la société souffle sur nos convictions profondes comme un vent violent enivrant et renégat.

C'est donc moins le contenu qui compte que la façon dont on l'acquiert. Une pierre blanche dans le jardin de Freinet, et un salut aux Bizu, qui apprennent tous les jours à lire et faire le monde de demain. Entre autres avec des vieux Mac, c'est à dire avec ce qu'ils ont. On la leur donne, cette chance, et les voilà devenir ce qu'ils sont, et, comme à chaque fois, ça nous rappelle qui nous sommes, nous, derrière les affiches publicitaires.

Qui leur a donné cette chance? Euh, ben personne, juste quelques idées, et un humain apte à les incarner: une source, et quelques bonnes bouilles pour s'y abreuver. Une oasis, quand le temps vire parfois au noir c'est noir. Un exemple, si l'on se donne la peine d'ainsi l'envisager. Un drapeau planté dans la connerie humaine comme sur une Lune stérile, un petit drapeau, d'accord, mais du moment qu'on le sait… Petit objet, grosse information! On peut faire autrement, et ça marche, et ça donne envie!

Mais au fait, que vient faire Apple, là-dedans? Les Bizu ont des vieux Mac, ils ont aussi des vieux PC, ils préfèrent le Mac, mais bon, ce qu'ils font, ils le feraient aussi sur PC, non? Alors quoi, une idée, quelques machines qui l'imitent imparfaitement, et une poignée de slogans, voilà ce qu'on a? De la bouche, comme on dit à Toulouse, et pourtant, ce qu'il en sort, on s'en contente, parce que c'est bien dit, et ça a comme une odeur de bon sens. Où est-ce qu'on a vu jouer que leur donner des Mac, aux mômes, ça augmentait leur taux de chances de s'en tirer? Disons plutôt que s'ils veulent (ou peuvent) s'en tirer, ça rend plus confortables les occasions de le faire.

Alors c'est quoi, tout ça, de la pub et des machines formidablement moyennes (face aux moyennement formidables de la concurrence), et débrouillez-vous avec ça, voyez avec le comptoir là-bas pour les mensualités? Ben quoi, Apple, c'est pas l'Unesco, pourquoi vous me regardez comme ça? Ce n'est pas parce qu'une entreprise colle son image sur celle des grands Hommes qu'elle doit nécessairement en être un, non, si, non?

Est-ce qu'une bonne bagnole incite à conduire mieux? Aïe, c'est pas encore demain qu'on pourra prendre les constructeurs automobiles pour l'auto-école de l'humanité. Est-ce qu'un Mac nous aide à mieux penser? Indéniablement, mais est-ce qu'il nous y engage? "Think Different", d'accord, mais Nike a fait mieux depuis avec "Just Do It", ou Sony avec "Go create". Ben oui, penser différemment c'est intéressant seulement si c'est pour penser mieux, et le faire sans y penser ça n'est pas sans réfléchir. Le publivore attentif aura complété de lui-même, et aura depuis go creaté plusieurs specimens d'œuvres ultra-importantes pour les lendemains de l'Humanité. Et les autres auront acheté le fait de croire que ça suffit d'y croire, comme d'habitude.

Une chose est sûre, c'est que question d'écrire un livre ou un journal, de faire un film ou de la musique, de créer, mais pour la première fois d'un même geste de façon presque instantanément publiable et diffusable, Apple a fait pour nous ce qu'il fallait. Le mérite n'est pas moindre, et la reconnaissance que nous en avons non plus. À nous de nous servir de tout cela pour libérer nous et l'humanité des idées qui rongent, peut-être couchées sur le même Mac d'à côté par des excités mal lunés. Contexte et contraintes économiques obligent, on s'en lave les dollars et débrouillez-vous avec ça. Tout ce qu'on peut faire, c'est rajouter la photo d'Hendrix à la place de celle de Disney sur le mur du grand bunker blanc dans lequel on cherche sous forme d'un plastique innovant la formule de la liberté en vaporware.

La guerre gronde au dehors, cette guerre commerciale qui s'attaque aux idées, et l'art du guerrier est de ne pas se dévoiler plus que l'indispensable, soit. Mais c'est aussi d'envoyer des messages aux peuplades qui vont morfler. À quoi bon les massacrer sans qu'ils ne sachent de quoi il s'agit? De toute façon, tant que les femmes ne font pas grève des bébés, les survivants continuent comme si de rien n'était, avec une notion toute fraîche de qui fait les règles. Soit, Apple tente d'envisager de manière éthique cette néo-décolonisation-là, cela suffit-il pour nous encourager à faire reculer la bête?

Qu'est devenu l'idéalisme fougueux de Jobs, et ses réponses coup-de-poing aux terreurs du bien-pensant establishment? N'est-il plus que l'apanage de ses proches amis? Dans la débandade, à chacun pour soi et les affaires continuent? On en est où, d'Apple et le Peuple? Le peuple, lui, sait où il en est et aurait bien besoin d'un petit signe, oh là, on a pas dit de mots d'ordre ou de réconfort. Juste un slogan qui aurait quelque chose de plus dans le ventre que "Voilà pourquoi votre prochain PC devrait être un Macintosh". Parce que "Voilà la machine grâce à laquelle 2004 ne sera pas 1984", on a beau tendre le périscope, on dirait bien qu'il n'y a rien qui vient.

Bref, le Nous de nous pouvons leur donner une chance, il est peut être un peu gros. "Vous pouvez leur donner une chance, Apple peut un peu vous aider" serait peut-être plus cohérent, mais moins vendeur, ben tiens, pourquoi pas la vérité, tant qu'on y est? On va encore dire que c'est ma sale humeur chronique, je n'ai pas encore eu le temps de me faire vacciner, mais dès qu'on tripote les enfants ça me monte facile au clavier. D'autant qu'avec les nouvelles motorisations et prix des iBook, ça va encore en faire un paquet, de petits heureux, même des qu'on passé l'âge. Allez, va, ça suffira bien pour l'instant comme message, et débrouillez-vous avec ça.

Mais rajoutez à la notice l'explication que just do passer ses journées à fragger des méchants numérisés, c'est une expérience de laboratoire dont ils sont le cobaye et le monde la cage en verre avec de jolis posters de Marilyn Monroe. N'ayez pas peur de passer pour un illuminé en disant ça à vos gosses vos gosses, ils ont déjà vu des trucs comme ça mille fois dans Final Fantasy. On se contentera donc de ça, comme pont avec le réel, ou à défaut, conseil d'aîné: choisissez bien l'ennemi, si vous êtes aussi sur la liste, c'est pas bon. Et aussi leur arme, plutôt Mac que Smith & Wesson, si possible, selon le vieil adage "Telle arme telles larmes". Enfin, aucune vraie victoire ne se compte en points. Avec ça, si dieuX veut, ils auront peut-être une chance de s'en tirer…

5 commentaires
1)
Monsieur Belette
, le 16.11.2002 à 17:06

Je comprends pas bien ou tu veux en venir… Tu déplores l’absence de véritable philosophie chez Apple? Ben oui, très bien, mais il faut choisir entre gagner des parts de marché => communication simplifiée (voire simpliste argueront certains), ou rester 5 malheureux %, avec une sentiment d’appartenance à une communauté très prononcé, autorisant une véritable "pensée Apple", mais qui n’est à l’avantage de personne, les développeurs de logiciels se souciant assez peu d’un groupe de post-hippies ne rapportant aucun $$.
Bien sûr on peut regretter 1984 (je vois mal comment je le regretterais, le 24 janvier 1984 j’étais âgé d’à peine 3 mois;) ), mais contrairement à certains l’ordinateur n’est pas le centre de ma vie (même s’il y a une place importante), et je cède sans trop de regret une pensée apple contre des machines de moins en moins chères et d’excellents iLogiciels gratuits. Et ce n’est pas parce qu’Apple n’est plus un courant philosophique en lui-même que ça va m’empêcher de réfléchir sur le monde…
Peut-être vaut-il mieux accepter qu’Apple n’est qu’une entreprise parmi d’autres, soumises aux règles du profit, et que nous avons tout à gagner de son retour en force et de l’abandon de l’idéalisme du sire Jobs, n’est-il pas?

2)
A little wood elfe
, le 17.11.2002 à 11:02

Monsieur Belette quand comradE Ogilvy fait référence à 1984 il ne pense pas à l’année mais au livre de Georges Orwell. Et donc ce qu’il veut dire c’est qu’un argument de vente pour Apple serait que leurs ordinateurs ne laisseront jamais Big Brother arriver, cad ne fliqueront pas leurs utilisateurs, n’utiliseront pas Palladium et n’enverront pas d’informations sur le net sans l’accord de leur possesseur.

3)
an7re
, le 17.11.2002 à 13:48

Mais Big Brother est déjà là…
lire les deux brèves de l’AFP et de Reuters de ces deux derniers jours :
USA/Contre-terrorisme: le Pentagone élabore une immense banque de données
[L’éditorialiste du New York Times William Safire a qualifié ce programme de "fantasme absolu de super-fouineur: un accès complet à la vie de tout citoyen américain".]
USA – Le département de sécurité intérieure, menace pour le web?
[Les pirates informatiques pourraient encourir des peines de prison à vie et les simples internautes seraient soumis à des contrôles beaucoup plus importants aux Etats-Unis, aux termes de la proposition de loi créant un département de la Sécurité intérieure, qui pourrait être adoptée dès le début de la semaine prochaine.]
Vous pouvez lire cela sur le site du Monde (www.lemonde.fr)
"On vit une époque formidable" comme le disait Reiser

4)
Monsieur Belette
, le 17.11.2002 à 16:19

A little wood elfe> Oui je sais bien qu’il parle du livre, je commence à le connaître ;) Cependant, comme visiblement il critique quelque chose dans son texte, je me demandais exactement ce que c’était.

Honnêtement, aussi bonne que puisse être la pub 1984, aussi intéressante puisse être la relation entre le livre d’Orwell et la toute puissance d’IBM, ça fait que servir la guéguerre Apple-IBM qui sévissait à l’époque (époque où Steve n’avait pas encore compris que son véritable ennemi n’était pas IBM mais MS). Et maintenant, dites-moi franchement, qu’a fait Apple concrètement pour nous rendre plus libres? Comprenez-moi bien, je suis fan d’Apple, je n’utiliserais pour rien au monde une machine sous Windows, mais honnêtement, est-ce qu’avec Windows je ne pourrais pas faire ce que je veux, aussi? De toute façon en me posant devant mon ordinateur je me sens déjà privé de liberté; Mac OS ou pas, on fait plus ce que l’ordi nous demande de faire que l’inverse, Apple n’a toujours pas "appris l’humain à l’ordinateur" (elle a fait de grands pas dans cette direction, c’est un fait, mais on est encore loin d’une interface totalement limpide, immédiatement accessible dans l’intégralité de ses fonctions à celui qui n’a jamais touché un ordinateur. On y arrivera certainement jamais d’ailleurs). Quelqu’un disait, au sujet de "l’augmentation de la productivité" grâce aux nombreux boutons de la souris MX700 de Logitech, qu’il avait besoin de temps, le père d’un copain, graphiste, disait aussi qu’à l’époque ou un filtre photoshop mettait plusieurs minutes à s’appliquer, il pouvait mieux réfléchir à ce qu’il faisait. Avec toute l’affection que j’ai pour eux, les ordinateurs, TOUS les ordinateurs, ne font bien qu’une chose: nous transformer en machines. Le pied d’égalité avec les ordinateurs ne viendra pas de leur évolution, mais de notre régression… Alors pour que nous puissions continuer à vivre comme des humains, arrêtons de nous extasier devant des machines, et arrêtons de diviniser ceux qui les fabriquent. Ne me prenez pas pour un réactionnaire (à 18 ans ce serait un peu tôt ;) ), j’aime les macs comme tout le monde ici, mais j’en ai de plus en plus marre de voir à quel point l’ordinateur peut détruire des gens.
Par exemple, j’ai une connaissance qui a toujours passé tout son temps devant son ordinateur, à qui ses parents on toujours dit qu’ils préféraient qu’il reste devant son écran plutôt qu’il aille faire des bêtises avec des copains (traduction: qu’il ait des copains). Eh bien c’est un être mort, inexistant, totalement asocial, qui a récemment fait une dépression. Il n’a jamais possedé de PC, depuis tout petit il a eu des Macs… Que l’on cesse donc de dire que l’utilisation d’un Mac rend libre. Elle est certainement moins aliénante que l’utilisation quotidienne d’un PC (notamment au niveau du stress engendré; je ne parle pas vraiment en connaissance de cause, j’accepterai volontiers toute négation fournie sur ce point!), mais c’est tout ce que je lui accorde…

5)
François Cuneo
, le 17.11.2002 à 21:12

Mr. Belette, je suis parfaitement d’accord avec toi sur ta vision de l’informatique. Le problème, c’est qu’il me semble que si dans ce cas tu fais preuve d’une grande sagesse en prenant du recul par rapport aux machines, tu restes dans un certain sens très attaché au système. Rappelle-toi les discussions que nous avons eues à propos d’OS X. Tu faisais partie (et ce n’est pas une critique, c’est une simple constatation) de ceux qui ne supportaient pas qu’on le critique. Ta défense avait quelque chose de viscéral.

Je comprends cela très bien, je suis aussi passé par là (c’est le vieux qui parle:-)). Peronnellement, j’ai cessé de vouloir prouver la supériorité du Mac par rapport au PC depuis longtemps. Je laisse causer, et pire, je ne sais même pas si l’un est supérieur à l’autre.

Il y a peu, (nous en avons déjà parlé en mail), ceux qui vomissent sur MacOS 9 en ne trouvant qu’OS X de beau (j’en fais en quelque sorte partie) ne juraient justement que par ce MacOS 9, tellement mieux que Windows.

Tout est tellement relatif…

Si mon école passe au niveau pédagogique sur le système de Microsoft (cela pourrait arriver plus vite que prévu), et bien j’achèterai un PC. Comme la machine ne m’intéressera plus, je n’aurai plus besoin de passer des heures à me passionner pour des programmes, je l’utiliserai juste pour le travail.

Et là, je serai beaucoup plus libre!