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Brodez, brodez, il en restera toujours quelque chose…

Prolégomènes

À l’occasion de la citation d’un livre sur iMovie 11, le BossPatrond’Ici nous a livré une pensée définitive sur les jeunes loups qui carbonisent les entreprises qui, quand ils passent, trépassent.
Hum.
Ben…, euh…, j’ai le contre-exemple :

Il était une fois une entreprise qui fut fondée il y a plus de 250 ans, en 1746. Si elle était restée entre les mains de la famille des créateurs, elle aurait pu briguer une belle place chez les Henokiens
Elle s’est vite spécialisée dans des impimés indiennes (tissus) qui ont assuré sa fortune. Cette mode d’imprimés, qui avait été initiée par la Toile de Jouy , s’est, bien entendu, étendue à la Suisse .
Au début du XXe siècle on parlait des “prés rouges” de Dornach : les toiles mises à sécher sur prés.
Dès le milieu du XIXe siècle, la mise au point du mercerisage (traitement du fil de coton à la soude, et maintenu sous tension, ce qui lui confère brillance, meilleures ténacité et affinité tinctoriale) permet un autre développement industriel, c’est ce qui fera la renommée de la Maison : le fil à coudre et le fil à broder.

Vous avez compris que j’ai entrepris de vous parler de DMC pour illustrer mon propos. Il y a, jusqu’à la fin de l’année, dans le Parc de Wesserling, l’ancien site de Boussac le concurrent, une exposition temporaire à son sujet et à celui de l’ancienne filiale Velcorex, à une heure de route pour les Bâlois.

La fusion avec Thiriez-Cartier-Bresson en 1961 fait immédiatement penser à Leica mais est aussi l’occasion de vous donner une adresse intéressante où vous pourrez tout savoir sur l’histoire de cette famille et aussi… comment fonctionnait une filature.

Mondialisation n’est pas un nouveau vocable (attention, je n’ouvre pas les hostilités avec notre Excellent Ami scribe ) pour cette entreprise : sa présence quasi-mondiale existait bel et bien il y a cinquante ans.
Oui, mais un peu comme le cerveau du dinosaure est le dernier informé des morsures du rat qui lui bouffe la queue, le pilotage d’un tel conglomérat n’est pas à la portée d’un binoclard bedonnant . En contemplant le graphe donné en lien, il est manifeste que ça ne pouvait continuer longtemps. Ça n’a pas empêché certains spéculateurs de se faire de la monnaie en jouant sur les fluctuations, même minimes.

Ce conglomérat visant à faire vivre ensemble des métiers aussi disparates : fil à coudre industriel et pour Madame Michu, fil d’ouvrages, imprimés, tissage de velours, teinture et ennoblissement, fabrication de draps de lit, éponges de bain et plage, boutiques de vente,… a compté des dizaines d’usines et jusqu’à 30 000 employés sur la planète.

Quand j’ai commencé à travailler dans le secteur textile, dans les années 70, il n’y en avait plus que la moitié : pour faire face à la concurrence de pays émergents, déjà très précisément décrite dans ce livre paru en 1969, les actionnaires avaient prévu un plan de “redimensionnement”, lire “licenciements” et “fermetures”.
Pour cela, ils ont engagé, quand même un peu sous la contrainte du Ministère des Finances et de leur pool bancaire, le restructurateur de la sidérurgie belge… un “homme d’acier” comme on disait à l’époque des Tontons Flingueurs , pas du tout un blanc-bec, cible délibérée et avérée de notre bon François.

Lors de sa présentation de la nouvelle stratégie, au Palais des Congrès, la tête de cheval (ancien blason de la maison Thiriez repris à sa sauce) est tombée par terre.
Seuls les médisants et les cassandre y ont vu un sinistre augure.

Sa succession n’a guère été meilleure : le déclin s’est poursuivi d’année en année, les réajustements ou repositionnements toujours en retard d’un métro sur le marché, jusqu’au dépôt de bilan de 2008 quand il ne restait qu’un bon millier d’employés et un état-major plus soucieux de ses prérogatives que de marquétique.

Si nous en venions au sujet…

La broderie est un des plus anciens arts d’illustration, presqu’aussi vieux que le tissage qui doit remonter à Sumer. A portée de nos mémoires, chaque région avait son point particulier, souvent lié à la dentelle, par exemple celle du Puy plus fine mais moins connue que celle de Calais .

À la fin du mois de juin s’est tenue, en proche banlieue parisienne, une exposition d’artistes en tout genre, en bordure de Seine.

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C’était l’univers des guinguettes au début du XXe Siècle.

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On rencontre tous les genres d’artistes, peintres, sculpteurs,…

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…dans un cadre de verdure qui ne laisse pas deviner que l’on est à 5 minutes du Boulevard Périphérique de la Capitale.

Je voulais vous parler plus précisément du point de Lunéville qui demeure un des grands favoris de la Haute-Couture. François, l’autre, Lesage a ouvert une École pour perpétuer son savoir.

Justement, notre Amie Fabienne a suivi ses cours et assure aujourd’hui une production à la demande, des restaurations ou encore des formations.

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Les lunettes ne sont pas là QUE pour faire “sérieux”.

Et les chalands découvrent comment les points sont formés.

Le travail se fait sur envers, comme pour une tapisserie de basse-lisse sans voir vraiment ce que l’on fait.

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Comme quoi, il n’y a pas que des pans de robe.

Comment ça marche ?

Tout d’abord, outre le métier, simple cadre sur lequel le support-tissus est tendu, il y a l’outil, un crochet assez commun, mais d’une grande finesse. Pour d’autres types de travaux, le crochet peut comporter un clapet qui se referme quand on tire vers soi et fait alors fonction d’œillet.

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Les lunettes ne sont pas là par simple hasard :…

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…le pas du tulle est de l’ordre de 12-15 fils au centimètre.

Une des difficulté de ce travail tient en ce que les perles, paillettes, sequins,… sont fixées sur l’envers. Ici, c’est quasi “simple” car le support est transparent. Il n’en est pas toujours ainsi, cf le paravent illustré ci-dessus. Les sequins ou autres perles et paillettes peuvent être jointifs ou chevauchés : la maîtrise de la régularité devient, sur un support épais, une technique “à l’aveugle” qui nécessite quelques années de pratique…

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Merci, Madame, pour cette illustration spéciale pour les attentifs lecteurs de Cuk !

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Si on en lie beaucoup, on obtient ceci

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Ici s’amorce un point de chaînette…

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…exagéré pour notre compréhension.

Bien entendu, il faut pouvoir s’arrêter à tout moment. Pour éviter que la chaînette ne file et que tout se retrouve par terre, il y a des nœuds de temps en temps, et le plus simple est de suspendre l’ouvrage au moyen d’une épingle. Ainsi, on peut retourner le métier pour vérifier, sur l’endroit, que tout va bien.

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Et la flèche s’arrête ainsi.

Les choses se compliquent quand il y a superposition, en fait ci dessous les pétales supplémentaires sont fabriqués à part, découpés et rapportés sur le motif principal.

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Il n’y en a pas dans tous les champs, mais on peut rêver.

Nul besoin de se rendre au Muséum d’Histoire Naturelle

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Échappés de la Grande Galerie de l’évolution ?

La recherche d’inspiration peut mener à réinterpréter d’autres types d’œuvres et par exemple :

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…un séraphin dans les règles de l’art de l’icône, avec de surcroît une trombine de Saluki-qui-a-oublié-son-Pola-circulaire.

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… un Chagall ?

Conclusions

Si l’essentiel des populations est et demeure vissé devant son écran, qu’il soit de TV ou même de Mac, quelle qu’en soit la version, il ne faut pas croire que c’est irrémédiable et que nul ne s’en échappe.
Les loisirs créatifs, dont la broderie, sont de retour dans les pays développés, c’est ce qui a sauvé DMC !
Il y a des “vieux” qui le pratiquent, mais aussi des ados ou de jeunes adultes. Au delà du simple point de croix de nos grand-mères, voici une illustration d’une douzaine d’entre eux, de la main de la fille de notre Créatrice.

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il y a toutes sortes de sites qui vous permettent de transformer la photo de votre choix en canevas et vous donner les classes de coloris et les références des échevettes correspondantes. Voici même la grande Marilyn.
Et plein d’autres choses à l’utilité variable ou différenciée…

One more thing…
Tout le monde ici, sur les sites Mac, critique le taux de marge d’Apple.
Pourtant, dans une industrie dite sinistrée, à l’agonie, en déperdition totale, l’échevette de 6 ou 8 mètres se vend entre 1 Euro et 1,5 Euro. Dans 140 pays, et à ce prix là également en Chine. Un peu plus cher que le caviar, au kg. La marge est supérieure à 60%.

Eppur si muove !

Edit de 01h30

Deux choses : vous avez mérité une image du feu d’artifice de la Tour Eiffel, hier soir

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La demi-seconde au 300 mm à main levée, c’est pas top

Cet après-midi, il y avait un maraudeur dans le champ en face.

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Avec un monopode, c’est mieux !

Edit du 17 juillet

L’article est paru trop tôt : je ne pouvais pas vous faire voir la robe de la mariée d’hier.
La voici…

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8 commentaires
1)
Anne Cuneo
, le 15.07.2011 à 08:45

Ah! J’adore!

De quoi se mettre à la broderie, en philosophant sur la mondialisation!

Je vais voir si je peux aller à Wesserling, ça m’intéresse.

2)
pat3
, le 15.07.2011 à 09:45

Excellent article, et les broderies sont totalement folles!

Ayant eu récemment à accompagner ma mère faire réparer son antique machine à coudre dans une boutique Bernina, j’ai retrouvé immédiatement cette ambiance désuète dans ton article, et fait le même constat: il y avait des mamies, et des jeunettes, à attendre devant la boutique son ouverture… Un autre monde.

En revanche, une remarque incidente mais qui m’a sauté aux yeux en suivant tes liens: les sites de broderies se batten-ils entre eux pour accéder au rang de site web le plus ringard de l’univers?

3)
ysengrain
, le 15.07.2011 à 09:55

Moi je vous dis, sur Cuk ….

Commentaire légèrement décalé: en illustration, si vous en avez l’occasion allez voir Brodeuses. Ariane Ascaride y est stupéfiante.

4)
Anne Cuneo
, le 15.07.2011 à 10:13

Ma voisine me dit qu’il y a un club de broderie dans un des quartiers de la ville, et qu’on n’y rencontre que des élèves jeunes (quelques garçons compris), et des instructrices d’âge avancé. Un trou générationnel, en quelque sorte. Comme si la broderie a sauté une génération, mais revenait au goût du jour.

5)
Saluki
, le 15.07.2011 à 13:38

Il est de drôles de coïncidences…

Le dernier directeur de la Manufacture de Wesserling-Boussac, Monsieur Jean Lermigeaux, et qui était le Parrain de ma promotion, habitait une maison sur le site.

Une lectrice de cette humeur vient de me communiquer qu’il nous a quittés hier. C’était un grand bonhomme.

6)
Alain Le Gallou
, le 15.07.2011 à 13:55

Il y a aussi la broderie contrôlée par PC   brother, husqvarna, pfaff….et puis, des indépendants dont EMBIRD avec des prix abordables et surtout la possibilité d’acheter par modules en fonction de ses besoins.  http://embird.com/ Il existe aussi un forum ’’technique’’ concernant cet outil:  http://embird-france.conceptbb.com/index.htm , et un site très intéressant avec des vidéos http://brodimania.free.fr/dotclear/   

Une amie m’a fait ce motif pour les T-shirts et serviettes de mon bateau Brambers. (Pas en bleu, mais une variante orange en final, pour aller avec l’acajou des placards vernis à l’Epiphane).

http://www.legallou.com/ImagesForum/Brambers_Cuisine_1020120.jpg

7)
François Cuneo
, le 16.07.2011 à 08:52

Merci pour cet article richement illustré, comme d’hab.

J’élargis donc ma cible des jeunes loups jusqu’aux vieux redresseurs de boîtes sûrs de leur grande expérience qui ne sont pas forcément meilleurs.

8)
Anne Cuneo
, le 16.07.2011 à 15:39

J’élargis donc ma cible des jeunes loups jusqu’aux vieux redresseurs de boîtes sûrs de leur grande expérience qui ne sont pas forcément meilleurs.

Euh… Quelqu’un pourrait traduire cette phrase en français, que je comprenne ce que ça veut dire?