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Rome, vues altérées

Je rentre de Rome, où je n’ai guère fait de tourisme. J’y suis allée avec un voyage organisé par la section zurichoise du Parti socialiste suisse. On nous promettait un voyage un peu décentré, je me suis décidée pratiquement à la veille du départ, et quelqu’un s’étant désisté, j’ai pu participer. Le groupe était petit et plaisant. Je ne l’ai pas regretté.

Rome, telle qu’en elle-même

Bien entendu, éviter le côté dit touristique, ou plutôt historique, de Rome, ce n’est pas facile. Vous descendez du train, vous prenez un bus pour aller du point A au point B, pour peu que vous vous tourniez vers la vitre, vous voyez ça:

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Les ruines des grands bâtiments du Forum, aux épais murs de briques, ont survécu à tout, et on les retrouve partout

Cela m’a rappelé Montaigne qui, dans son “Journal de voyage” (Ed. Folio Gallimard), raconte comment la Rome moderne a été bâtie non pas par-dessus (comme tant d’autres villes postromaines), mais à côté de la Rome antique, dont on avait abandonné là les ruines, dans lesquelles, à l’époque de son voyage (1580) les bergers faisaient paître leurs moutons. Et Montaigne n’aurait pas été Montaigne s’il n’avait pas tiré une réflexion philosophique de cet abandon. Rome avait été, du temps de sa splendeur, une machine du pouvoir absolu, or maintenant, les ruines “d’une si épouvantable machine” n’étaient plus “que son sépulcre”. Et Montaigne conclut: “Le monde, ennemi de sa longue domination, avait premièrement brisé et fracassé toutes les pièces de ce corps admirable; et parce qu’encore tout mort, renversé et défiguré, il lui faisait horreur, il en avait enseveli la ruine même. … Ces petites montres de sa ruine qui paraissaient encore au-dessus de la bière, c’était la fortune qui les avait conservées, pour le témoignage de cette grandeur infinie que tant de siècles, tant de feux, la conjuration du monde réitérée tant de fois à sa ruine, n’avaient pu universellement éteindre.”

Les “petites montres de sa ruine”, c’est évidemment très relatif, si l’on pense que tant de guerres, de destructions, d’occupations, que la folie fasciste des grandeurs, que l’urbanisme contemporain, n’ont pas réussi à faire complètement disparaître, par exemple, le cirque Massimo – il aurait fallu des années de travail pour démolir, il est donc resté là – pour la plus grande joie du touriste moderne.

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Où qu’on passe, la Rome antique est présente

Mais enfin bref, ce n’est pas essentiellement à cela que s’est intéressé notre groupe. Voici quelques-uns de nos centres d’intérêt. Il y en a eu d’autres, mais je me contente de ceux qui m’ont paru les plus intéressants, pour ne pas allonger.

Les archives LUCE

Je ne vais pas trop m’attarder sur la description des archives cinématographiques italiennes elles-mêmes, un vrai délice que vous pouvez consulter vous-même, vu qu’elles sont pour ainsi dire entièrement accessibles en ligne à cette adresse.

Il faut s’inscrire, et il faut donner une raison pour laquelle on voudrait consulter les archives. Mais dans la série de raisons possibles, on vous offre “curiosité”, alors vous voyez… Et vous accédez ainsi à tous les documentaires, à toutes les nouvelles filmées et télévisées depuis 1924, 12’000 titres différents vous tendent les bras, on s’y perd – c’est génial!

Notre groupe est allé visiter le lieu où se trouvent les archives afin de connaître la méthode utilisée pour mettre en ligne cette quantité énorme de matériel. L’explication était très savante, il aurait fallu Noé pour comprendre les finesses, je crains. Mais ce qui était intéressant, du moins en ce qui me concerne, c’était le lieu où elles se trouvent: Cinecittà.

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Le fronton d’un lieu devenu mythique

J’avoue n’avoir pas prêté grande attention aux technicités une fois que j’ai compris comment consulter les anciens documents. Je n’ai même pas essayé, me disant que je ferais ça une fois rentrée chez moi. J’ai juste noté l’adresse électronique. Je suis plutôt allée traîner mes baskets dans Cinecittà. Les photos ne sont pas trop nombreuses, c’était interdit, je les ai prises à la sauvette. Mais je n’ai pas pu résister à ceci:

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Les vieux décors d’un film oublié: un amoncellement de rêves passés qui rappelle ce que Montaigne disait de Rome.

Ou à ceci.

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Le Neptune d’un film de Fellini? D’un péplum? Qu’importe… De tangible, il ne reste plus que lui.

Au centre de ce vaste complexe de studios et de bureaux où se sont tournés tant de chefs d’œuvres du cinéma mondial, il y a un bar, fréquenté depuis les années Trente par des vedettes de toutes sortes, et jamais transformé. Son côté vieillot ne dérange personne, et le gardien qui aurait dû m’interdire de photographier a été conquis lorsque je l’ai inclus dans les quelques images que j’ai prises tout de même.

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En d’autres temps, Marcello Mastroianni, Elisabeth Taylor ou Sophia Loren, ont pu s’accouder ici.

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Aujourd’hui, le bar sert encore aux comédiens et aux techniciens entre deux prises.

Aucun film n’étant en tournage ce jour-là, je n’ai pas pu me glisser sur un plateau. Il y a parfois des jours comme ça…

San Lorenzo

San Lorenzo est un des quartiers populaires de Rome. Il est situé hors les murs, c’est-à-dire au-delà des murailles dites “Mur d’Aurélien”, construites par l’empereur Aurelien et son successeur entre 272 et 282 de notre ère (encore un monument de la Rome antique qu’il a été impossible de démolir tant il est géant), au-delà desquelles, jusque vers 1880, il n’y avait que la campagne.

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Le mur d’Aurélien qui a marqué les limites de Rome pendant des siècles, ses 16 km ont été utiles jusqu’au moyen âge. La flèche indique la porte à l’entrée de San Lorenzo.

Mais après l’unification de l’Italie, la nouvelle capitale a attiré une foule considérable, qui s’est bientôt installée aux portes de Rome, dans un quartier construit à la va-vite, dans une absence quasi totale de planification. Maria Montessori, célèbre pédiatre (la première Italienne a avoir obtenu un diplôme de médecin), y a ouvert une première école enfantine, après avoir découvert la misère de San Lorenzo dont elle a dit: “Lorsque j’ai parcouru pour la première fois les rues de ce quartier, où les gens “bien” ne passent qu’une fois morts, j’ai eu la sensation de me trouver dans une ville gravement sinistrée.”

Criminalité, saleté, maladie – elle y a constaté toute la kyrielle de malheurs qui caractérisent la misère extrême.

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Les plus pauvres et les plus humbles vivaient ici, tout contre le Mur d’Aurélien, dans des maisons construites à la va-vite et vite délabrées.

San Lorenzo est resté populaire jusqu’à aujourd’hui. Et ici, la gauche est enracinée – en quelque sorte – depuis avant d’être née. C’est San Lorenzo qui a voulu empêcher les mussoliniens d’entrer à Rome pour prendre le gouvernement en 1922. C’est San Lorenzo qui a fait de la résistance passive pendant toute la période fasciste. C’est à San Lorenzo que se trouvaient certains des noyaux de la Résistance pendant la 2e guerre mondiale. Les habitants du quartier qui sont tombés pendant la Résistance sont donc relativement nombreux.

Et parce qu’il est situé en bordure d’une ligne importante du chemin de fer, c’est San Lorenzo qui a subi, le 19 juillet 1943, un terrible bombardement. Lorsque les enfants et les petits-enfants de ceux qui ont survécu vous le racontent, vous avez la sensation que c’était hier, tant le traumatisme est resté vivace. Et l’adjoint du maire, la jeune quarantaine, m’a sans doute donné une des clefs de la permanence du souvenir:

«A San Lorenzo, m’a-t-il dit, lorsque nous voyons les images de la guerre en Irak, les gens qui pleurent couverts de poussière après une explosion, les yeux hébétés, les cadavres d’enfants qu’ils portent dans leurs bras, nous pensons toujours à ce 19 juillet.»

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Sous ce parc, il pourrait encore y avoir des morts, on n’a jamais reconstruit par-dessus les maisons qui ont été rasées au sol.

Près de 2’000 morts en quelques minutes. On ne saura jamais vraiment combien, car certaines ruines ne sont pas encore déblayées aujourd’hui. L’Etat civil a brûlé, et on pense que des familles entières ont disparu. Si personne n’est venu les chercher, on ne saura jamais qu’elles étaient là.

San Lorenzo a créé un parc public sur un coin dont toutes les maisons avaient disparu. Une frise en verre porte les noms de disparus qu’on a pu retrouver. J’ai été très touchée d’y retrouver le nom de quelqu’un qui était peut-être un membre de notre famille.

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Je ne saurai sans doute jamais si Romolo Cuneo, disparu ce 19 juillet 1943, était quelque lointain cousin.

Un des survivants du bombardement, aujourd’hui âgé de 75 ans, est coiffeur dans le quartier depuis près de 60 ans. Il tente depuis des années de retrouver le nom de tous les morts, de conserver la mémoire du quartier, comme il dit. Il a collectionné des centaines de photos, et retapisse régulièrement son magasin (où il travaille toujours, sa ridicule pension ne lui permet pas de vivre) avec certaines d’entre elles, dans l’espoir qu’elles solliciteront la mémoire de quelque oublieux, qui reconnaîtra quelqu’un, qui amènera à son tour de nouvelles photos. Ça marche très bien.

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Ces photos sont la mémoire d’un quartier qui, depuis plus de 60 ans, cherche à reconstituer son histoire, qui a disparu sous les bombes en 1943. Le coiffeur avait 10 ans ce jour-là, il a été extrait des ruines de sa maison.

Il Pommidoro

Quelques mots sur ce restaurant, où nous avons pris un repas. C’était le restaurant préféré de Pier-Paolo Pasolini, qui y venait presque tous les soirs. C’est d’ailleurs d’ici qu’il est parti le soir où il a été assassiné. Trente ans plus tard, le patron, qui le considérait comme un de ses amis, garde intact le chèque que Pasolini a signé ce soir-là, avant de disparaître.

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Un bistrot chaleureux dans un quartier populaire, un local chargé d’histoire.

La mort de Pasolini a été considérée crime crapuleux, règlement de comptes entre homosexuels.

Au Pommidoro, on est d’un tout autre avis. Alors que patrons et serveurs sont les dernières personnes à avoir vu Pasolini vivant, aucun policier n’est jamais venu au Pommidoro poser des questions; pour le patron, il s’agit plutôt de l’assassinat d’un homme gênant, et le petit jeune homme qui a été arrêté et condamné pour le meurtre n’est qu’un bouc émissaire. La mort de Pasolini, ses circonstances exactes jamais élucidées, c’est un vieux débat, ailleurs qu’ici. Ici, on n’a que des certitudes. Pas de crime crapuleux. Cette mort, c’est un assassinat politique.

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Le dernier chèque signé par Pasolini, quelques heures avant de mourir.

La politique

Lorsque le voyage avait été décidé, il y a un an, les organisateurs ne le savaient pas, mais finalement nous nous sommes trouvés au beau milieu d’un événement historique.

Politiquement, l’Italie est bloquée, et pas depuis hier. Une nuée de partis rendent les alliances difficiles et instables, et il suffit parfois d’un mouvement d’humeur passager pour faire tomber un gouvernement. Par ailleurs, les partis sont si occupés à se confronter entre eux, qu’ils en oublient parfois les citoyens.

Cette analyse n’est pas de moi, je l’ai lue et entendue tant dans la presse de droite que dans celle de gauche, je l’ai entendue de la bouche de gens qui représentent le spectre politique entier. On dit cela depuis des années, mais rien ne se passe.

Les deux plus grandes formations de gauche ont finalement, il y a quelques mois, décidé de prendre le taureau par les cornes: elles lanceraient un mouvement démocratique en réunissant leurs deux partis. Mais ce ne serait pas une décision d’appareil: on demanderait son avis au peuple italien.

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Au siège de l’encore Parti des démocrates de gauche (DS), un des responsables du scrutin, Gennaro Sposato, se fait du souci, deux jours avant le vote: y aura-t-il le million de participants qui rendraient le scrutin crédible?

La nouvelle formation s’appellerait le Parti démocratique et aurait pour symbole l’olivier, l’arbre de la paix. Les citoyens manifesteraient leur approbation et leur avis sur les nouveaux responsables en votant pour les choisir sur des listes locales. Les Italiens de l’étranger pouvaient également s’exprimer, et on a voté également en Suisse. Comme la consultation ne pouvait pas utiliser les moyens que l’Etat met à disposition pour les élections ordinaires, on demandait aux votants de verser un euro.

Les deux partis ensemble comptent 900’000 adhérents. Les organisateurs considéraient que si un million de personnes se déplaçaient pour voter, ce serait un succès considérable. Bien entendu, ils espéraient que cette fusion créerait une dynamique, et que d’autres partis, plus petits, viendraient s’amalgamer une fois qu’ils auraient vu que ça fonctionne.

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. Les murs italiens étaient tapissés d’affiches invitant la population à voter.

La droite était sarcastique, et certains prévoyaient que, surtout du moment qu’il fallait même payer pour voter (mais où allons-nous, mes amis?) il n’y aurait pas grand monde pour souscrire à cette “farce”.

Eh bien, la “farce” a été prise au sérieux par 3 millions et demi d’Italiens qui en ont marre des bagarres stériles entre partis du même bord, et qui n’ont pas craint de donner leur avis et de déposer leur obole pour subvenir aux frais de l’opération. Un triomphe!

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Des queues impressionnantes: les gens ont attendu parfois des heures pour voter. Mais l’envie de voir l’Italie redevenir efficace était la plus forte. La participation a été record, en ce dimanche pourtant radieux.

Hasard ou pas, la droite de Allianza nazionale (qui englobe dans ses rangs les néo-fascistes) avait organisé à Rome justement pour ce week-end, un grand meeting au cours duquel le chef du parti, Gianfranco Fini, ferait un discours. Les militants d’Alliance nationale sont venus de toute l’Italie, et le centre de Rome a été bloqué pendant une bonne partie de samedi.

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De très jeunes gens, des drapeaux partout, ils sont venus de toute l’Italie et n’ont qu’un discours: éliminons les étrangers et la gauche, et tout rentrera dans l’ordre.

Le slogan était partout: moins d’impôt, et dessous des variantes:

  • moins d’impôts, villes plus sûres
  • moins d’impôts, les femmes contre la criminalité
  • moins d’impôts, etc., etc., etc.

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La tribune (sur fond de Colisée) où Gianfranco Fini va parler. Le mot d’ordre en arrière-fond les résume tous.

Je me suis mêlée à la foule, et j’ai essayé de savoir comment on réalisait la promesse de villes plus sûres avec moins d’argent pour payer la police, par ex. On m’a expliqué: on expulse tous les étrangers, et il n’y a plus de criminalité. La responsable des femmes m’a dit la même chose par rapport au viol – les étrangers, ma bonne dame, les étrangers. Par curiosité, j’aurais bien voulu entendre le discours de Fini, mais il se trouve que j’avais un autre rendez-vous à l’heure où il parlait.

Fosse Ardeatine

Pendant longtemps, l’Italie fasciste a été l’alliée des nazis. Il y avait des soldats allemands en Italie, mais c’était pour la forme. Et puis, en septembre 1943, Mussolini a dû démissionner et un des généraux de l’armée, Badoglio, a déclaré vouloir former un gouvernement opposé au fascisme. Aussitôt la Wehrmacht est intervenue, a envoyé plusieurs divisions en Italie, d’autant plus que les Américains avaient déjà débarqué en Sicile, puis à Anzio, dans la région romaine. Les Italiens sont alors entrés en résistance, et ont infligé aux Allemands des pertes que ceux-ci ne pouvaient plus se permettre. Pour intimider les Italiens, ils ont instauré un régime de terreur. Je vous laisse lire ailleurs l’histoire de la résistance italienne au fascisme et au nazisme pendant ces 18 mois (jusqu’à l’armistice de 1945). Je ne parle que d’un événement qui est devenu symbolique pour l’Italie, tout comme Oradour est devenu symbolique pour la France.

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Le monument commémoratif à l’entrée des Fosses Ardéatines. C’est la seule photo que je me suis sentie en droit de prendre. Après, il m’a semblé que toute photo banalisait un souvenir trop grave pour être nivelé.

Le 23 mars 1944, un groupe de partisans attaquait une unité allemande blindée et tuait 32 d’entre eux. Les Allemands (certaines versions des faits disent que c’était sur les ordres personnels d’Hitler) décidaient de faire un exemple et de tuer dix Italiens pour chaque allemand mort. Ils ont ainsi assassiné 335 hommes dans une carrière abandonnée sur la Via Ardeatina, appelée “Fosse Ardeatine”. Ils ont ensuite bouché l’entrée des caves qui formaient la carrière, et les morts n’ont été retrouvés qu’en juillet, après la libération de Rome par les Américains et les Partisans.

On visite ces fosses, et le mausolée dans lequel se trouvent les 335 morts – 15 de trop par rapport aux ordres, ce qui a permis de condamner le colonel qui avait dirigé le massacre à la prison à vie: pour les morts supplémentaires, il n’a pas pu arguer qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres.

Comme tout Italien qui a fréquenté l’école, je connaissais l’existence de ces fosses. J’étais un peu sceptique avant de m’y rendre. Et puis, j’ai été contente d’y être allée: nous étions même accompagnés par un monsieur dont le père et l’oncle ont fait partie des victimes. Il était enfant, à l’époque, mais son émotion est encore vive.

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Mario: son père et son oncle, résistants antifascistes, sont morts ici. Son émotion est inchangée.

Ici aussi, les gens font constamment des parallèles avec l’Irak: c’est le souvenir de tels événements qui les rend sensibles à la souffrance du peuple irakien et qui a fait que les soldats italiens y sont contre une forte proportion de l’opinion, qui a toujours été massivement hostile à cette participation.

Les curiosités

Je pourrais raconter encore mille choses, mais je crois qu’il faut que j’arrête ici, non sans compléter mon récit par quelques perles.

Les archives de Genzano

Dans la région romaine, il reste peu d’archives. Elles ont été bombardées, brûlées par les Allemands, volées par les pilleurs divers au moment de la Libération. A l’exception de Genzano, où elles sont intactes et remontent au XVIe siècle.

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Genzano: la seule ville du coin à avoir gardé sa mémoire historique intacte.

Au moment où la bataille allait avoir lieu, le Maire d’alors a pris une initiative: il a sorti toutes les archives et les a fait mettre dans la cour de la mairie. Ici. Au beau milieu. Il les a fait recouvrir de gravats des bombardements, une bonne couche d’un demi-mètre. Quand on est venu lui demander où étaient les archives, il a dit qu’elles avaient brûlé. Quant au tas qui était au milieu de la cour, ma foi, ils avaient tenté de nettoyer après le dernier bombardement, c’étaient les ruines. Une fois le calme revenu, les “ruines” ont disparu, et les documents ont repris leur place dans les armoires.

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L’archiviste montre avec fierté son document le plus ancien, il date de 1550.

Les passages souterrains de Rome

Les passages souterrains, rien de plus triste, et par moments de plus dangereux. A Rome comme ailleurs, on ne compte plus les vols de sac ou de portefeuille, les violences aux femmes, qui se sont passées dans dans de tels passages. Finalement, la ville a trouvé la solution: elle a loué un certain nombre de passages souterrains à des libraires.

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Un passage souterrain mort est devenu un espace vivant, où les amoureux de lecture et de livres se rencontrent en passant.

Vous entrez et sortez du passage normalement, pour traverser sous une avenue très passante ou sous une place où le trafic est hyperdense. Mais le passage est plein de livres, de libraires, de clients. Il est vivant. Sûr. Si vous êtes pressé, vous passez. Sinon, vous faites quelques haltes et feuilletez le dernier roman dont on cause. Idée simple et géniale, qu’il faudrait reprendre…

Les graffitis

Les graffiteurs romains sont infatigables. Leurs œuvres sont partout, sur les murs, sur les trains, sur les autobus, sur les vitrines, sur les colonnes, sur les poteaux. Parfois médiocres, mais souvent d’une qualité surprenante. Je vous en ai ramené quelques-unes qui me paraissaient particulièrement dignes d’attention.

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Un graffiti d’une qualité étonnante.

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Souvent, les graffiti portent un message politique. Celui-ci proclame: “Révolte. Vandalisme, liberté d’expression. La vérité sur les murs, les mensonges dans les journaux.”

Et enfin, last but not least, une curiosité de la cuisine italienne, trouvée à deux pas du Forum, au cœur de Rome.

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Comme quoi, même au cœur de Rome, dont la réputation culinaire n’est plus à faire, la cuisine italienne mène à tout.

Bref, un voyage à Rome que je n’oublierai pas.

PS. Toutes les photos ont été prises avec le Canon G9 dont il est beaucoup question depuis quelques jours. Je l’ai acheté le jour même de mon départ, mon appareil de poche précédent étant mort d’un accident. J’ai souvent dû faire les photos à toute vitesse. La plupart sont prises en mode automatique, je n’avais pas le temps de régler. Ce petit appareil est super, mais personnellement je lui fais un reproche: il n’a pas de mode d’emploi sur papier. Juste un petit prospectus pour vous dire comment mettre la batterie et la carte, et comment se connecter à l’ordinateur. J’étais en voyage, je n’avais pas d’ordinateur, je n’avais pas de moyen de m’informer plus à fond. Je n’ai par conséquent pas pu exploiter toutes les possibilités de ce petit appareil génial évoquées par François, j’y suis allée à tâtons (je n’ai par exemple compris que trop tard comment on se mettait en mode RAW, ou comment on réglait l’objectif sur les visages).

27 commentaires
1)
Saluki
, le 19.10.2007 à 00:17

Anne, tu n’as pas le mode d’emploi du G9, mais tu as l’oeil, c’est l’essentiel.
Bravo.
Bravissimo !

Edit: Et Veltroni est choisi.

2)
Okazou
, le 19.10.2007 à 06:15

Quel beau récit, Anne !
L’histoire n’est jamais ingrate lorsqu’on se penche sur elle. Encore faut-il savoir s’y intéresser à cette mémoire sans laquelle bâtir demain serait parcourir un labyrinthe hasardeux.

Nous verrons à l’usage si l’union des gauches italiennes sous l’emblème de l’olivier donne des fruits. Si les différends sont légers, ça peu marcher. S’ils sont profonds…
L’important, dans l’union, c’est le programme commun sur lequel chacun s’accorde et le respect de ce programme dans la durée.

Fini : « Moins d’impôts ! », cette antienne hypocrite psalmodiée ad vitam æternam par une droite qui n’ose pas encore brailler « Pas d’impôts ! » en rêvant d’un chaos propice à la domination des plus forts m’apparaît de plus en plus comme un archaïsme, bientôt une antiquité. Moins d’impôts, c’est plus d’exploitation du peuple et donc moins de démocratie. Grand pas en arrière.
Quand on demande à un Suédois s’il souhaite payer moins d’impôts, il vous regarde avec les yeux de celui qui se demande s’il a affaire à un neuneu. Le Suédois vit dans son temps et marche en avant.

Fosses adréatines : À genoux, une balle dans la tête, l’un après l’autre avant d’emmurer les corps du délit. Au fort de Penthièvre, à la pointe du tombolo de la presqu’île de Quiberon qu’on appelle entre-deux-mers, ils ont emmuré vivants un groupe de résistants. Méthodes apprises et appliquées.
Quelle stupéfiante hypocrisie, tout de même, de ne condamner que les outrepassements des ordres. Comme si obéir était une excuse…

Le maire de Genzano qui protège l’essentiel : la mémoire. Un prof d’histoire ? En tout cas un citoyen avisé.

L’idée d’occuper les lieux peu sûrs (de ne pas avoir été occupés) est certes à développer et répandre. Les occuper par des livres est ce qui pouvait leur arriver de mieux. Le livre contre la barbarie latente.

Si je relevais : « La vérité sur les murs, le mensonge dans les journaux », tu ne serais pas étonnée. Malheureusement, ce n’est pas le support qui tranche entre vérité et mensonge.

Quant au Nutella, c’est un truc de filles, ça. Perso, c’est le salé qui me taquine les papilles.


Un autre monde est possible.

3)
Anne Cuneo
, le 19.10.2007 à 06:29

Quant au Nutella, c’est un truc de filles, ça. Perso, c’est le salé qui me taquine les papilles.

Moi, Italienne pur sang, la simple idée qu’on puisse faire une pizza au Nutella, ça me révolte! Et dans ce bistrot construit dans une arche de la Rome ancienne, avec vue sur le Colisée, avec four à bois et dans un fumet de rôti d’agneau, je dois dire que j’ai trouvé ça particulièrement incongru – d’autant plus incongru que cette pub était imprimée, il doit donc y avoir des gens pour un tel menu. ;-))

4)
Puzzo
, le 19.10.2007 à 06:47

Anne, je suis aussi italienne (ma mère venant de Rome et mon père de Sicile). Je n’ai pas encore eu le temps de lire l’article mais j’ai juste parcouru les photos. Une toute petite remarque:

la simple idée qu’on puisse faire une pizza au Nutella, ça me révolte

Et bien, la seule fois où j’en ai mangé c’est à… Genève! On nous a servi ça en fin de repas car on était une grande table. Et bien, ça n’a pas grand chose à voir avec une pizza mais c’est bon!

5)
Emix
, le 19.10.2007 à 06:57

Bravo et merci Anne pour ce reportage sur Rome.

Pour ma part, c’est à Naples que j’ai vu sur une terrasse de restaurant un choix de Pizza dont certaines avec du nutella, incroyable, dans la ville de la pizza margerita ;-)

Photos DHP

6)
fxprod
, le 19.10.2007 à 07:47

cette nuit à la lecture de cette humeur, j’avais envie d’écrire:

“vous prendrez quoi ce matin, thé au lait ou thé citron”

Mis à part cela, visiter Rome en votre compagnie, Anne, est un réel plaisir.

7)
François Cuneo
, le 19.10.2007 à 08:13

On fait bien de la glace à la pizza!:-)

Merci Anne, j’ai appris plein de choses ce matin.

Faudra qu’on y aille un de ces jours avec Madame, dans cette ville qui m’a toujours fait rêver.

Et tu t’en es bien sortie avec le petit G9!

8)
coacoa
, le 19.10.2007 à 08:31

Merci Anne pour ce bel article.

En voyant les photos que tu as prises à la sauvette, à Cinecitta, je me demande s’il ne s’agit pas de quelque reste du tournage épique de la série Rome qui y a eu lieu.

Nous sommes en train de regarder la Saison 2 de cette série “la plus chère de l’histoire de la télévision” qui, si elle prend quelques libertés historiques, n’en demeure pas moins très intéressante puisque ses créateurs ont pris le parti de nous montrer les événements de la Rome des Césars non du point de vue des puissants mais de 2 représentants du peuple.

Dans cette Rome-là, point de Nutella !

9)
Argos
, le 19.10.2007 à 09:34

Très belle façon de voir et de raconter Rome. Pour moi, j’ai un faible, c’est San Stefano Rotondo, église magnifique, peu connue et l’une des plus anciennes de Rome. Le remarque sur les passages souterrains transformés en librairies m’a intéressé. Là où j’habite, il s’est passé le contraire. A la chute du communisme, quantité de petits marchands s’y étaient installés, avaient souvent édifié des boutiques en dur. Et bien, la municipalité actuelle, constituée de jeunes crétins technocrates, a décidé que cela faisait désordre et qu’il fallait les supprimer. Bonjour l’insécurité. Intéressant de voir que les mêmes qui pratiquent des politiques ultra-libérales – entre parenthèses il soutiennent Bush – utilisent des méthodes bolchéviques. Il est des cadavres dont il est difficile de se débarrasser

10)
XXé
, le 19.10.2007 à 10:41

J’étais en voyage, je n’avais pas d’ordinateur

Hein ? En voyage sans ordinateur ?? Argh, hérétique !!!

;-)))

Non, sérieux : superbe reportage Anne, et les photos, hmmm… :-)

Didier

11)
Caplan
, le 19.10.2007 à 10:53

Merci pour ce beau voyage dans le temps et dans l’espace, Anne!

Je suis en train de relire Le Petit Monde se Don Camillo! Ça tombe à pic!

Milsabor!

12)
Inconnu
, le 19.10.2007 à 11:23

Très intéressant, mon voyage était plus touristique, tu fais découvrir d’autres aspects de Rome. Passer des fosses Ardéatines à une manif du MSI fait froid dans le dos.

13)
Franck_Pastor
, le 19.10.2007 à 12:04

Merci pour ce beau voyage dans le temps et dans l’espace, Anne!

Je suis en train de relire Le Petit Monde se Don Camillo! Ça tombe à pic!

J’approuve ! Un régal de lecture, merci Giovanni Guareschi ! Un des rares livres qui m’ait fait rire à gorge déployée ! Avec de jolis moments d’émotion aussi. Cette Italie-là, j’adore.

Dommage, les Don Camillo suivants sont de moindre qualité.

14)
Inconnu
, le 19.10.2007 à 14:03

Merci de ces notes sur un beau voyage. Pourquoi ai-je toujours cette impression que les italiens sont une troupe de commedia dell’arte à la dimension d’un peuple, acteurs et victimes d’une tragédie permanente ? Et Giovanni Guareschi, comme cité plus haut, ne fait que (d)écrire une pièce bien significative… Sans doute pourrions nous dire la même chose des autres peuples, mais ici, cela semble élevé au niveau d’un art de vivre. Mais peut être n’est ce qu’une impression…

Les photos sont vraiment superbes. Du coup je regarde mon bon vieux (!) Panasonic DMC-FZ5, dont j’étais très content jusque là, d’un œil suspicieux. Avec tous ses réglages possibles, va falloir que lui fasse cracher ses tripes…

15)
Anne Cuneo
, le 19.10.2007 à 15:18

Pourquoi ai-je toujours cette impression que les italiens sont une troupe de commedia dell’arte à la dimension d’un peuple, acteurs et victimes d’une tragédie permanente ?

Je trouve que c’est là une bien fausse impression, et j’ai toujours pensé que les Italiens étaient surtout d’excellents comédiens vis-à-vis des étrangers. A l’intérieur, c’est un peuple qui, après l’unification du pays (cela a duré des siècles à cause de l’individualisme aigu de ce peuple, pour des raisons historiques sur lesquelles je ne m’attarde pas ici, ça demanderait un bouquin) a une première fois manqué l’occasion politique de s’homogénéiser; une deuxième occasion a été manqué après l’élan pourtant fortissime de la Résistance, où tous ont été solidaires de tous.

Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, à cause des diverses peurs (communisme pour les uns, retour du fascisme pour les autres), le pays a de plus en plus sombré dans une forme de méfiance latente qui se traduit par “chacun pour soi” jusque dans les partis. Aujourd’hui chacun est préoccupé par son fric, et par ses dettes – la plupart des gens des classes moyennes étant couverts de dettes. Mais face aux étrangers, on est tout sourires, et on chante O sole mio! Après tout, le tourisme est une des principales industries du pays.

Etant partie d’Italie assez tôt, j’ai toujours eu une vision du pays à la fois depuis l’intérieur et depuis l’extérieur. Et j’ai toujours regretté cet état de choses, dont beaucoup d’Italiens qui n’ont jamais quitté le pays sinon pour aller en vacances n’ont pas vraiment conscience, car je trouve que nous sommes un peuple fantastique, et que nous avons des potentialités géniales que nous n’exploitons guère, ou que mal: l’individualisme finit par être destructeur.

Raison pour laquelle, je trouve l’initiative du Parti démocratique très importante.

16)
Franck_Pastor
, le 19.10.2007 à 15:39

Anne, question individualisme, j’ai constaté par mon expérience personnelle que c’était un trait commun à beaucoup de méditerranéens que j’ai rencontré, j’ai particulièrement pu le vérifier dans ma famille propre (pied-noir). Mais plutôt que d’individualisme, je parlerais plutôt d’une solidarité réduite à un cercle bien défini et constitué de très peu de personnes. Le couple, la famille, le “clan”… Ce n’est pas que négatif : cette solidarité familiale, ou “clanesque” par extension, y est souvent très forte. En revanche, la méfiance exagérée envers tout ce qui est hors de ce cercle familial ou de ce clan y est tout aussi fréquente. Dans ma famille, on m’expliquait que dans “le Sud”, lorsque quelqu’un te sourit, il faut s’attendre à une entourloupe par-derrière (c’était dit en termes nettement plus crus ;-)

Ceci dit, ce sont des généralités, et il serait dommage de réduire toute une population à des clichés semblables. Les exceptions aux règles sont suffisamment nombreuses qu’on se demande parfois où est la règle, en fait. On peut juste parler d’un ensemble de traits qui revient souvent, mais pas systématiquement.

17)
Anne Cuneo
, le 19.10.2007 à 15:50

Mais plutôt que d’individualisme, je parlerais plutôt d’une solidarité réduite à un cercle bien défini et constitué de très peu de personnes. Le couple, la famille, le “clan”…

Tu as raison, ta formulation est meilleure que la mienne. Et bien entendu, il y a des altruistes solidaires à 100% en Italie comme ailleurs. Je parle (et toi aussi, je pense) d’une forte tendance. Ce genre d’analyse ne recouvre jamais la totalité d’une population.

18)
pilote.ka
, le 19.10.2007 à 17:00

Finalement ce G9 me séduit. Les photos prises avec un flash sont bonnes et le 35mm ne me semble pas rédhibitoire.

19)
zit
, le 19.10.2007 à 18:58

Magnifique, Anne!
Et comment fais–tu pour te souvenir de tout ça?! (oui, bon, je sais, c’est un métier, mais quand même!)
La plus vieille archive, elle est presque en Garamond, en plus…
Et les graffitis sont effectivement splendides! Quelle chance ils ont de ne pas avoir de “brigade anti–tag”, ils sont fous, ces romains! Moi qui adore arpenter pendant des heures le macadam à la recherche du murmure des murs, à Paris, depuis quelques années, c’est la grosse frustration…

z (quand à la pizza au N…, pouah!, je répêêêête: beuaaaark!)

20)
Anne Cuneo
, le 19.10.2007 à 22:26

Moi qui adore arpenter pendant des heures le macadam à la recherche du murmure des murs, à Paris, depuis quelques années, c’est la grosse frustration…

Alors là, zit, tu n’as plus qu’une chose à faire: Aller à Rome. Tu n’as plus besoin d’arpenter, il y en a partout, et à première vue personne ne semble les enlever. Sans compter que certains sont carrément splendide, de vraies oeuvres d’art. Il y a des trains complètement couverts. J’ai demandé, ce ne sont pas les chemins de fer qui les commandent, ils les troiuvent là un beau matin… Bref, à Rome, les murs et autres surfaces ne se contentent pas de murmurer: par moments, ils hurlent!

21)
henrif
, le 19.10.2007 à 23:27

Belle visite originale de Rome. Lors de ma visite, une fin d’année glaciale, j’avais aussi été touché par l’omni présence de l’histoire dans la ville.

Bon sinon quoi, la gauche italienne vient de découvrir le programme commun et de fonder son PS. Un olivier à la place d’une rose ? Pas sûr que cela les mènent bien loin.

Pour les slogans, il manque le fameux “pas d’impôt pour les riches” des manifs de droite

23)
Anne Cuneo
, le 20.10.2007 à 06:49

Caplan, c’est vrai, j’aurais dû rester. A part ça je me demande à quelle heure ils ont pris cette photo: j’ai dû passer deux ou trois fois par là pour aller d’un endroit à l’autre, il y avait à chaque fois des centaines, des milliers de touristes. Un truc à vous faire fuir…

24)
zit
, le 20.10.2007 à 08:25

Bah, de toutes façon, y fallait que j’y retourne:
j’y suis allé, attiré par un festival de musique brésilienne, voilà un quart de siècle, alors que j’étais en séjour linguistique à Firenze.

Arrivé le samedi en début d’après–midi, j’ai pris mes billets pour le soir même et pour le lendemain, prévoyant un retour le dimanche soir tard (j’avais cours le lundi matin).

Le samedi, ballade dans les rue de la ville, et le concert, formidable Gal Costa. Puis, la question que je ne m’étais pas encore posée:
“Mais où vais–je donc dormir ce soir?”

A quinze seize ans, je n’ai pas imaginé une seconde dormir dans un hotel, j’ai donc cherché un coin accueillant et pas trop fréquenté pour y passer la nuit, c’est l’été, il fait beau et chaud…

Mais tous les coins pas trop fréquentés avaient un côté, hemm, trop peu fréquentés pour y être vraiment tranquile…

Finalement, changement de plan:

“je vais aller dormir dans un endroit où il y a du monde, j’y serais plus en sécurité…”

Roma Termini (la grosse gare, quoi) se présente à moi. En face, quelques buissons parsemés de bancs de pierre, dont un, par chance, me tends les bras (le mobilier urbain “anti–SDF” n’a pas encore été inventé).

L’aurore aux doigts de rose me réveille, je vais dans un estaminet boire un ristretto et avaler une douceur, payées avec de la menue monaie que j’avais dans la poche de mon pantalon. Puis je vais faire la queue pour acheter mon billet de train pour rentrer à Florence.

Quand arrive mon tour, je met la main à la poche pour sortir mon portefeuille qui contient mon papier monnaie… Heuu, qui ne contient plus mon papier monnaie!!

Arrrghh! Plus une thune! Inspection de mon gilet multipoche vert pomme: la poche où était rangée mon larfeuille a été découpée au laser, ledit larfeuille vidé de ses banknotes et délicatement remis à sa place! Une inspection plus poussée m’apprends que j’ai aussi été délesté d’un petit shilom en pierre blanche, d’une pochette de papier à rouler, mais mon passeport est toujours là.

Que je ne m’apperçoive de rien au moment du larcin est normal: quand je dors, je dors! Mais, ne subtiliser que l’essensiel, et bien remettre les choses à leur place après son forfait accompli, alors là, bravo! Quelle classe, ce ladro!

Et pour moi a commencé alors une looongue journée de mendicité touristique: fallait bien que je rentre à Firenze, j’ai donc d’abord passé une à deux heures dans le hall de la gare à raconter ma misérable aventure, puis, quand un quidam m’a averti que ça faisait déjà deux fois que j’essayais de le taxer, j’ai profité du beau temps pour voir les merveilles architecturales de cette belle ville.

Vers deux heures, j’ai compté quelques lires pour m’acheter une part de pizza et, épuisé, j’ai fait une sieste sur un banc et face d’une fontaine (justement celle dont parle Caplan 22), à mon réveil, j’ai vu les gens jeter des pièces dans cette fontaine pour revenir un jour à Rome, je l’ai fait, aussi (c’est pour ça que je suis sûr d’y retourner un jour ;–). Puis j’‘ai continué ma quête et ai finalement réussi à recueillir le montant du billet.

Le soir Antonio Carlos Jobim, au premier rang, c’était magnifique: je n’ai jamais aussi bien dormi!

Puis train retour, je m’endors et me réveille quand le train s’arrête… A Milan! Plus de 300 km trop loin!!

Là, à 4 heures du mat, l’esprit embrumé et sans un rond, j’ai sauté dans le premier train pour le sud, trouvé une banquette accueillante et dormi, jusqu’à Firenze pile poil!

z (les voyages forment la jeunesse, je répêêête: je retournerais à Rome)

PS: évidement, depuis cette “aventure”, quand une personne que je ne connais pas m’aborde dans la rue pour me raconter ses malheurs (et au passage tendre la main), non seulement j’écoute, mais j’essaye toujours d’aider de quelques petites pièces…

25)
Anne Cuneo
, le 20.10.2007 à 08:37

Bon sinon quoi, la gauche italienne vient de découvrir le programme commun et de fonder son PS. Un olivier à la place d’une rose ? Pas sûr que cela les mènent bien loin.

Oui, j’ai aussi commencé par penser ça. Mais après une visite au quartier général de l’organisation, après avoir jeté un oeil dans la queue des votants (venus de tous les partis….), j’ai fini par comprendre que si le résultat final c’est l’union de la gauche comme d’hab, pour eux c’était un pas psychologique géant. Peut-être un coup pour rien, les responsables en sont parfaitement conscients, ceux qui ont voté le savent, mais tous ont la sensation qu’il fallait tenter quelque chose. Et ils le faisaient avec enthousiasme et une énergie qu’on peut peut-être voir comme l’énergie du désespoir.

26)
alec6
, le 20.10.2007 à 11:26

Ha ! merci Anne de cette fabuleuse balade que je lis enfin tranquillement ce matin (frais, mais ensoleillé et parisien…).
J’adore ces visites “digressives” dans lesquelles on se laisse embarquer par un détail, dans lesquelles on découvre ce que les touristes ignorent… grâce auxquelles on commence à goûter d’un lieu et à comprendre les codes pour acheter son pain, même si on ne visite pas LE musée, ou LA ruine qui de toute façon seront encore là dans un siècle… toutes les “anecdotes” que tu nous conte nous sont essentielles.

C’est là tout l’humanisme de Cuk dont Iker nous ventait les qualités dans les commentaires de la “Cukday 07”…
“Il n’y a pas de chemin, il n’y a que le cheminement” a dit le poète, les “vues altérées” que tu nous donnes en sont une belle expression, les anecdotes supplémentaires des uns et des autres, aussi.

Dommage que depuis quelques temps, certains expriment leur aversion des digressions sur ce site !!

27)
Modane
, le 20.10.2007 à 16:25

Impeccable et sensible reportage! Incroyable, ce coup des archives!…